Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

bouteille qu'on tient à la main, dans l'expérience de Leyde, peut fe charger d'électricité & éprouver une commotion auffi violente que celle qu'on reffent. Si la matière électrique qui parvient dans l'intérieur de certe bouteille pouvoit paffer à travers fon épaiffeur, elle fe diffiperoit bien-tôt par l'intermède de la perfonne qui la tient, & qui reporteroit dans le réfervoir commun la matière électrique à proportion qu'elle la recevroit de la bouteille.

La matière électrique ne doit donc pas paffer à travers le verre: il faut néceffairement qu'elle y foit retenue par une certaine quantité de matière électrique qui eft répartie également entre fes deux furfaces. Confidérant l'état de ces deux furfaces, M. Franklin trouva que la furface intérieure de cette bouteille est chargée pofitivement, & que fa furface extérieure eft chargée négativement, c'eft-à-dire, que que la première tend à fe deffaifir de la quantité de l'électricité qu'elle a acquife, & que l'autre tend à reprendre ce qu'elle a perdu. Ainfi la matière électrique dont on charge une bouteille, s'accumule fur fa furface intérieure, tandis qu'elle fe dépouille à l'extérieur de fa quantité naturelle d'électricité. Ce n'eft donc point l'eau de la fiole qui contient l'électricité, car cette eau étant tranfvafée dans une autre bouteille > elle ne donne aucune étincelle à celui qui la touche.

M. Franklin reconnut encore que tous les corps électrifés ont un atmosphère autour d'eux, & que cet atmosphère s'étend plus loin

aux angles de ces corps que par-tout ailleurs. C'est une vérité qui a été conftatée par M. de Bofe, Profeffeur de Phyfique à Witemberg.

Ce Phyficien ayant électrifé fortement un homme, une vapeur lumineufe fe réunit autour de fa tête, & le fit paroître au milieu d'une gloire de lumière semblable à celle que les Peintres repréfentent autour de la tête des Saints. On appelle cette expérience la Béatification.

Elle fut répétée en France par MM. Delor & le Monnier ( Médecin) & elle n'eut pas le même fuccès. Tout ce qu'on put tirer de la tête d'un homme, ce fut des aigrettes lumineufes qui partoient du haut du front, & qui s'élevoient au-deffus de la tête en forme de cornes de lumière, tout à fait femblables à celles qui parurent à Moyfe lorfqu'il reçut les Tables de la Loi. Mais cette expérience confirme toujours l'affertion de M. Franklin.

De l'atmosphere des corps électrifés & de l'arrangement de cet atmofphère, cet habile homme conclut que les pointes attirent de plus loin & plus efficacement la matière électrique que tout autre corps; & ayant établi une analogie entre le tonnerre & l'électricité, il crut qu'on pourroit difpofer du tonnerre & en détourner les effets, en plaçant fur le fommet des maisons & des édifices élevés, des verges de métal pointues, & en arrangeant un conducteur qui porteroit au-delà de l'édifice dans la terre ou dans l'eau, le feu du tonnerre que la pointe foutireroit.

1752. M. Dalibard, Phyficien François, en fit

2

l'effai à Marly-la-Ville. Il éleva en cet endroit une barre de fer de quarante pieds de long, laquelle fe terminoit en pointe, & qu'il avoit ifolée comme il convenoit. Le 10 Mai un tonnerre s'étant fait entendre, on tira de fortes étincelles de cette barre. M. Delor répéta cette expérience à l'Eftrapade où il logeoit, & ce fut avec tout le fuccès poffible. M. le Monnier la fit auffi à S. Germain. Enfin M. Richmann, Profeffeur de Phyfique à Pétersbourg, ayant laiffé charger trop fortement la barre électrique, fut tué par une étincelle foudroyante qui partit de la barre de fer.

Ce n'eft pas feulement dans des temps d'orage que l'électricité fe manifefte à ces barres, mais encore dans des temps calmes & fereins, & où l'on ne foupçonneroit pas qu'il dût y en

avoir.

La conféquence qu'on tire de-là, c'est que le feu du tonnerre n'eft autre chofe qu'une forte électricité raffemblée dans des nuages orageux. Et en effet, l'électricité produit les mêmes effets que le tonnerre. On fond le métal par fon moyen, & on incrufte une feuille d'or dans du verre, de manière qu'on ne peut plus l'en détacher. On perce plufieurs mains de papier électrifées fur une grande glace, & l'étincelle qui fait ce trou exhale une odeur fulfureufe, femblable à celle du tonnerre. On tire d'un livre, fur la couverture duquel on a appliqué des vignettes dorées, des étincelles momentanées qui imitent affez bien le feu d'un éclair. Et on fait un tableau qu'on ne peut toucher fans recevoir un foufflet violent: c'eft ce qu'on appelle un tableau magique. Comme

ce tableau représente ordinairement le portrait d'un Roi, fi plufieurs perfonnes en cercle reçoivent le coup, on donne à cette expérience le nom d'expérience des conjurés.

Enfin, pour ne rien omettre d'important dans cette hiftoire de l'Electricité, par le moyen de cette propriété des corps, on a fait un carillon électrique, un clavecin électrique, & pour dernier trait, M. de Romas, Affeffeur au Préfidial de Nerac, a imaginé un cerf volant, qui, en ramaffant une grande quantité de matière électrique, peut produire des effets confidérables.

Les Anciens ne connoiffoient pas affez l'élec tricité pour chercher à en expliquer les effets. M. Dufai eft le premier qui a voulu en affigner la caufe. Il admet deux fortes d'électricités, une électricité vitrée & une électricité réfineufe: M. Défaguliers adopte cette diftinction, & il ajoute que les particules d'air pur font des corps électriques. M. l'Abbé Nollet prétend que les effets de l'Electricité ont pour caufe le concours de deux matières, dont l'une est affluente & l'autre effluente. M. Wincler, peu content de cette explication, veut que la furface d'un corps électrifé foit environnée d'une matière fubtile qui eft en mouvement, & c'eft, felon lui, cette matière fubtile, qui eft la matière électrique. Et M. Jean Freke foutient que la caufe de l'électricité dépend d'un feu univerfel répandu par tout l'univers & mis en action par les expériences d'électricité,

[ocr errors]

On a vu ci-devant le fentiment de M. Franklin à cet égard, & ce qu'il dit vaut mieux peut

être que tout ce qu'on a écrit là-deffus. Avec tout cela la matière électrique eft-elle véritablement connue? Le temps & les travaux des Phyficiens nous l'apprendront.

« AnteriorContinuar »