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long qu'il n'étoit auparavant. Et, en fuivant cette progreffion, ce Phyficien trouve que ce cube d'or de cinq lignes quelques points a été divifé en fix cent cinquante- un mille cinq cent quatre-vingt dix parties égales.

Quoique cette divifibilité foit prodigieuse, cependant M. de Réaumur l'a pouffée infiniment plus loin. Il s'agit de la quantité d'or qui eft fur un fil d'argent doré. Pour dorer ce fil, on prend un cylindre d'argent de 45 marcs, qu'on couvre d'une feule once de feuilles d'or. Par le moyen de la filière on étend enfuite ce cylindre afin d'en faire un fil doré, & ce cylindre, qui n'a que vingt-deux pouces de hauteur, en acquiert par la filière treize millions neuf cent foixante-trois mille deux cent quarante, c'est-à-dire, qu'il devient fix cent trente-quatre mille fix cent-quatrevingt-douze fois plus grand qu'il n'étoit, ayant près de quatre-vingt-dix-fept lieues, de deux mille toifes, de longueur.

Ce fil fe file fur de la foie, & pour cela on l'applatit, ce qui l'alonge au moins d'un feptième; de forte qu'il acquiert encore environ quatorze lieues. D'où il fuit que l'once d'or dont le cylindre d'argent a été couvert,acquiert, ainfi que lui, la longueur de cent onze lieues. M. de Réaumur a calculé l'épaiffeur de cet or fur ce fil, & il a trouvé que l'épaiffeur de l'or doit être d'un million cinquante millièmes de ligne : ce qui eft d'une petiteffe énorme (*).

L'illuftre Phyficien Boyle fit presque en même-temps que Rohautt des expériences d'un

*V. les Mém. de l'Acad. des Sciences, année 1713.

1650. 2

autre genre fur la divifibilité de la matière. Ayant fait diffoudre un grain de cuivre rouge dans de l'esprit de fel ammoniac, il jeta cette diffolution dans vingt-huit mille cinq cent trente-quatre grains d'eau, qui font dix mille cinq cent cinquante-fept pouces, & ce feul grain de cuivre teignit toute cette eau. Or, en fuppofant qu'il y a dans chaque partie vifible de l'eau, une petite partie de cuivre disfous, il y a deux cent feize millions particules vifibles dans un pouce cubique. Par conféquent un feul grain de cuivre a été divisê en vingt-deux milliards, fept cent quatre-vingthuit millions petites parties vifibles. Et, pour rendre fenfibles ces petites parties, on trouve par le calcul qu'un grain de fable affez petit pour qu'un pouce cubique contienne un million de grains, contient deux millions cent onze mille quatre cent parties égales à celles qui résultent de la divifion actuelle d'un feul grain de cuivre.

Le même Physicien Boyle, ayant expofé au grand air une certaine quantité d'assa fœtida, qui eft une gomme odorante, trouva qu'en fix jours fon poids étoit diminué de la huitième partie d'un grain feulement. Or fi l'on fuppofe qu'un homme peut recevoir l'odeur de l'affa fatida à la diftance de cinq pieds, on trouve par le calcul que les particules qui viennent de la divifion de cette gomme, ne font pas plus grandes que la vingtfix mille deux cent cinquante milliaffe partie d'un pouce (*).

* De mira fubtilitate effluvior. c 3

Presque dans le même-temps un Phyficien célèbre nommé Lewenoek obferva que dans la laite d'un merlus il y a plus de petits ani-! maux, qu'il n'y a d'habitans fur la furface de la terre ; &, ayant calculé la groffeur de ces animaux par les règles de l'optique, il reconnut que cette groffeur ne pouvoit excéder la vingt-fix milliards partie d'un pouce cubique;de forte que la pointe d'une aiguille d'une aiguille en con tiendroit plufieurs mille. Et en comparant ces animaux à une baleine, on eftime qu'ils font encore plus petits par rapport à ce monstrueux poiffon, que ce poiffon ne l'eft eu égard à tout le globe de la terre.

Le Docteur Keil ayant fait réflexion fur la petiteffe des organes de ces animaux, a voulu connoître la groffeur dés globules de leur fang, &, à l'aide d'un calcul également fin & pénible, il a trouvé que le plus petit grain de fable visible contiendroit plus de ces globules que dix mille deux cent cinquante fix des plus hautes montagnes ne contiendroient de grains de fable (*).

Enfin le Docteur Niewentit a fait voir que la quatorzième partie d'un grain de cire ou de fuif, qui fe confume en une feconde de temps, dans une chandelle de fix à la livre, produir un plus grand nombre de particules de lumière que mille fois mille millions de terres, égales à la nôtre, ne feroient capables de contenir de grains de fable.

Il ne faudroit pas conclure de toutes ces

*Keil, introductio ad veram phyficam, &c. Lec. IIL De magnitudinum divifibilitate.

1670.

1700.

expériences que la matière eft divisible à l'infini; car il eft certain que la divifion n'eft pas poffible au-delà d'un certain degré. Il y a des parties extrêmement fubtiles qu'on nomme parties conftituantes ou compofantes des corps naturels. Ces particules n'ont point de pores : elles font folides, fermes, impénétrables, & parfaitement paffives. Quoiqu'elles foient comme l'on vient de voir, d'une petitesse inconcevable, elles ne forment pas moins des corps par leur réunion ; mais cette réunion ne peut point être fi intime, qu'il n'y ait beaucoup de vuide entre ces particules. Ainfi tous les corps doivent avoir une grande quantité de pores c'eft auffi ce que les expériences ont appris.

que

Les anciens Phyficiens, Democrite, Leucippe Epicure, femoient à pleines mains du vuide dans les corps mais ils ne l'admettoient comme une conféquence de leur fyftême. Aucune raifon phyfique ne la leur avoit confirmée ce n'eft qu'entre les mains des Phyficiens modernes qu'elle a été conftatée. Un grand nombre d'expériences qu'ils ont faites à ce fujet, l'a rendue fenfible.

Elles ont appris, ces expériences, que le mercure pénètre dans l'or, dans l'argent, dans le cuivre rouge, dans le cuivre jaune, dans l'étain, & dans le plomb, de la même manière que l'eau paffe dans une éponge. M. Homberg a découvert que le borax étant fondu fur un morceau de fer, palle à travers les pores de ce métal comme l'eau à travers le papier gris. Il a auffi éprouvé qu'une compofition d'argent

fin réduit en chaux par le fel commun, & mis en poudre avec deux parties de fublimé corrofif & d'antimoine crud, étant fondue fur une lame d'argent épaife d'une demi-ligne, paffe au travers fans y faire des trous. L'eau, enfermée dans une boule d'argent, d'étain ou de plomb, pénètre jusques à la furface du métal où elle fe raffemble comme une rofée.

En un mot tous les métaux ont des pores, puisqu'ils font tous diffolubles dans les menstrues qui leur font propres. On découvre même ces pores à l'aide du microscope, lorsqu'on met fur le porte-objet des lames fort minces d'or, d'argent, de plomb, d'étain, de cuivre, &c.

On voit auffi des pores avec cet instrument dans toutes fortes de bois & de végétaux. On découvriroit même ceux du marbre & de plufieurs pierres précieuses, fi on pouvoit les divifer par lames: mais, au défaut de cette expérience, on en fait d'autres qui démontrent l'existence de ces vuides dans ces corps. On a des teintures, telle que la gomme gutte diffoute dans l'esprit de vin, qui s'infinuent dans les pores du marbre, & le colorent. On a plufieurs liquides, qui pénètrent dans l'agathe, quoique ce foit une pierre très-dure; & c'eft avec ces liquides pénétrans qu'on forme fur cette pierre des plantes, des buiffons, &c (*).

Les diamans, & les rubis qui font fi compactes, ont auffi des pores, puisque la lumière

*Voyez le Dictionnaire d'Hiftoire Naturelle par M. Valmont de Bomarre, art. Agathe.

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