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les liqueurs les plus précieufes & les plus fpiritueufes; car cette matière eft la feule fur laquelle les eaux - fortes les plus pénétrantes n'aient pas de prife. El'e réifte à l'action de l'air, de l'eau, des acides, & de tous les diffolvans; &, pour terminer l'éloge du verre, qui eft fans contredit le plus beau préfent que la Chimie ou la Physique ait fait aux hommes, il faut ajouter que cette matière réunit à une trèsgrande dureté la tranfparence la plus parfaite; qu'il prend & conferve le poli le plus écla tant, & qu'on peur lui donner prefque toutes les formes imaginables, & en fabriquer toutes fortes de vafes, uftenfiles, inftrumens, &c.

On ne fait pas à qui l'on doit cette précieuse matière on croit que fa découverte eft auffi ancienne que celle des briques ; car il est bien difficile, lorfqu'on a mis le feu à un fourneau à briques, que quelques parties de ce fourneau n'aient été converties en verre. Si cela étoit, cette découverte feroit auffi ancienne que l'art de faire la brique ; & cet art eft prefque auffi ancien que le monde. C'eft ce qu'attestent, & l'Hiftoire Sacrée, & l'Hiftoire Profane, & ces monumens de l'antiquité la plus reculée, qui fubfiftent encore aujourd'hui. Dans les Livres de Moyfe & de Job, il eft parlé de pierre tranfparente, de cristal, de pierre précieufe, de diamant, de miroir, &c. & on conclut de-là qu'on connoiffoit alors le verre : mais cette conclufron eft fort hafardée : la Nature fait toutes ces pierres fans que l'Art s'en mêle. Nous avons entre autres en Ruffie une matière fort reffemblante au verre : c'eft le Mica, ou verre de Mofcovie, dont les Ruffes fe fervoient autrefois au

lieu de verre, & qu'ils nettoyoient avec une leffive de potaffe, lorfqu'il étoit fale.

Le cristal de roche, qu'on trouve dans toutes les parties du monde, eft encore un verre naturel, avec lequel les Anciens faifoient des vafes dont le prix étoit très-considérable : c'eft vraifemblablement de cette pierre que parle Arifto. phane dans fa fameufe Comédie des Nuées. Dans la première fcène du fecond acte de cette Pièce, un des Acteurs dit à un autre qui repréfente Socrate: j'ai trouvé une pierre qui me difpenfera déformais de payer mes dettes : quand on me préfentera mon obligation, ajoute t-il, j'expoferai ma pierre au foleil fur mon billet, & je fondrai la cire fur laquelle eft F'empreinte de ma dette.

Quelques Erudits croient que cette pierre, qui fait ici l'effet d'un miroir ardent, étoit du véritable verre ; mais c'eft une conjecture qui n'eft appuyée sur aucun fondement.

Pline, qui a voulu expliquer tout, attribue la découverte du verre au hafard, & raconte làdeffus une histoire qui eft fans doute de fon invention. Il dit que des Phéniciens s'étant servi de maffes de nitre au lieu de chenets, pour foutenir une chaudière dans laquelle on faifoit cuire quelque chofe, la violence du feu enflamma le nitre, le fit couler, & s'étant mêlé ainfi avec le fable, il fe forma des morceaux de verre.

Mais, quand cela feroit, c'étoit encore une découverte à faire, que celle de l'art de travailler le verre le tâtonnement & les effais y ont eu fans doute plus de part que la théorie; & on ignore abfolument quels furent les premiers

tienne.

ouvrages qu'on fit avec le verre. Les Romains font, à ce qu'on croit, les premiers qui ont réduit la verrerie en art: ils y avoient fait même affez des progrès, puifque, fi l'on en croit Suetone & Pline, un de leurs Citoyens avoit trouvé le fecret de rendre le verre malléable. C'eft fous L'an16 de l'Empereur Tibere que ce fecret parut; & on l'Ere chré- fait à ce fujet un conte connu de tout le monde, & qui n'en eft pas moins une fable; car on convient aujourd'hui qu'il n'eft pas poffible de réu nir dans une matière ces deux qualités, la trans parence & la malléabilité; or, la transparence du verre ne dépend pas feulement de l'arrangement de fes parties, mais encore de ce qu'il n'a qu'une très-petite quantité de phlogistique, au lieu que les métaux ne font opaques & ducti les que parce qu'ils ont beaucoup de phlogisti que; de forte qu'à mefure qu'on les prive de cette fubftance inflammable, ils perdent de plus en plus l'opacité & la ductilité,

Ce qui paroît certain, c'eft que le verre qu'on faifoit dans le tenips de Pline, étoit moins recuit que le nôtre; qu'il n'étoit fufceptible d'aucune flexibilité, & par conféquent qu'il étoit très caffant. En travaillant à perfectionner le verre, on parvint à lui donner une flexibilité affez confidérable.

Il y a deux fortes de matières qui entrent dans fa compofition: des matières terreuses, & des matières falines; c'est-à-dire des fables & des fels, tels que le fel de potaffe, le fel de foude, &c. Ce font les matières terreufes qui fe vitrifient, & les fels ne fervent qu'à faciliter la fufion & la vitrification. Le grand art de faire de beau verre avec ce mélange, c'est de faire

évaporer prefque entièrement les fels qui font entrés dans fa compofition; car plus le fel domine dans le verre, plus aifément il fe ternit: fa perfection confisteroit donc à fondre & vitrifier les matières terreufes fans addition de fel. Ce verre feroit de la plus grande beauté : il ne différeroit point des plus belles pierres fines; mais il faudroit pour cela avoir un feu trèsviolent, & des creufets qui puffent résister à la force de fon action; ce qu'on ne croit pas poffi ble de trouver.

Dès qu'on commença à manier le verre, on s'en fervit pour faire des vafes, des bouteilles & différens uftenfiles. Ce ne fut que longtemps après cet ufage du verre qu'on l'employa pour nous garantir dans nos maisons des injures de l'air, Le gypfe & le talc, qui ont la transparence du verre, furent d'abord employés à cette fin. Les Romains fe fervirent pendant long-temps de treillis: le gypfe qu'ils fendirent en feuilles minces fuccéda à cette invention. Les perfonnes diftinguées par leur état & leur opulence fermoient les ouvertures de leurs falles de bains avec des agathes & des marbres blancs artiftement travaillés. Enfin comme c'eft dans les pays froids qu'on faifoit plus de verre que par-tout ailleurs, ce fut auffi dans ces pays qu'on s'avifa d'employer le verre en vitres.

Les Auteurs du Dictionnaire Portatif des Arts & Metiers, croyent avec affez de fondement qu'on a commencé à fe fervir de vitres dans les Eglifes. On ne fait pas précisément en quel temps. Le plus ancien témoignage que nous ayons de cet ufage, eft celui de Gregoire de Tours, qui vivoit dans le fixième siècle, &

qui en parle dans fes ouvrages. Dans une description poëtique de l'Eglife de Paris par Fortunat, qui vivoit à la fin du même fiècle, on lit qu'il y avoit alors des vitres aux fenêtres de cette Eglife. Enfin c'est au commencement du huitième qu'on fongea à rendre en France l'ufage des vitres univerfel dans toutes les Eglifes. On fit venir à cette fin des vitriers qui favoient arranger les carreaux des vitres dans des chaflis de bois,

- Gependant l'art de la verrerie étoit abandonné à l'industrie des Chimiftes qui ne favoient opérer que de la main : les Phyficiens ne s'en occupoient pas, & ce ne fut qu'à la renaisfance des Lettres qu'on fongea à rechercher les principes de cet art. Un Chimifte nommé Neri, en fit une étude particulière. Il découvrit d'abord comment il faut tirer les fels qui doivent entrer dans la compofition du verre commun ou du criftal. Il enfeigna enfuite les différentes manières de faire les mélanges nécesfaires à la formation du verre, & de donner à cette matière de belles couleurs, telles que celle de l'aigue marine, le bleu céleste, le verd d'émeraude & le bleu de turquoife.

Le célebre Kunckel perfectionna les décou vertes de Neri. Il fit de très-beau cristal avec des pierres à fufil noires. Il trouva enfuite plufieurs moyens de colorer le verre, de manière à imiter parfaitement les pierres précieuses. Enfin Kunckel apprit à calciner ou cuire le verre, à le dorer & à y appliquer des couleurs.

Les Verriers & les Chimiftes ont beaucoup enchéri fur les inventions & les découvertes de

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