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prit urineux & l'efprit-de-vin rectifié, mêlés ensemble, fe convertiffent en glace ou en un corps folide. En incorporant de l'huile de tartre par défaillance avec de l'huile de vitriol, on forme un corps' folide. L'eau de fel & de chaux étant battue pendant quelque temps avec une forte diffolution de fel de tartre, forme une maffe blanche qui a la confiftance de la cire, & qu'on manie de même.

Le froid & le feu durciffent auffi certains corps, comme on le verra dans la fuite de cet ouvrage. Enfin, on joint ensemble les corps féparés les uns des autres, en les clouant, & plus les clous qu'on emploie font forts & ont leur furface rude, plus auffi ces corps tiennent fortement les uns aux autres.

Les Phyficiens ne fe contentent pas d'examiner les effets naturels : ils veulent connoître la caufe de ces effets. Les premiers d'entre-eux qui ont fait cette recherche, ont cru que la preffion de l'air groffier extérieur étoit la caufe de la cohésion, mais on a enfuite découvert que la cohéfion étoit la même dans le vuide. Defcartes a prétendu que c'étoit le repos des parties qui la produifoit, & ce fentiment n'est pas fi dénué de vraisemblance qu'on la pensé.

En effet, un corps en mouvement perfévère dans cet état, lors même qu'il repofe fur un obstacle, jufqu'à ce que le mouvement de fes parties foit entièrement abforbé : ce qui arrive lorfqu'elles touchent intimement des corps en repos. Le mouvement d'un corps eft entièrement détruit quand toutes fes parties touchent à un corps en repos. Pour que deux corps foient joints ensemble, il faut qu'ils

fe pénètrent réciproquement, afin que leurs parties fe touchant, leur mouvement foit fufpendu. Plus il y aura donc de ces parties qui fe toucheront, plus la cohésion fera grande

*

Ainfi le fentiment de Defcartes fur la caufe de la cohésion, conduiroit peut-être à la connoiffance de cette cause fi on vouloit l'examiner avec foin; mais ce n'eft point ici le lieu d'entreprendre ce travail. Mon objet est d'expofer hiftoriquement les découvertes qu'on a faites fur les fciences naturelles, fans m'arrêter à des recherches trop longues ou trop com pliquées.

Pour reprendre donc la fuite de cette hiftoire des corps en général, je dis que Leibnitz n'ayant point été de l'opinion de Descartes, crut que la caufe de la cohésion dépendoit de mouvemens confpirans. La cohéfion, dit-il, dépend des mouvemens confpirans de leurs parties. Mais cela eft-il bien clair? Premièrement, entend on ce que c'eft que des mouvemens confpirans? En fecond lieu conçoit-on clairement comment les parties d'un corps font en mouvement fans quitter ce corps? Il me femble que tout cela avoit befoin d'être développé, & que le fentiment de Leibnitz, ainfi ifolé, eft inintelligible.

Auffi Newton & fes Difciples, fans en faire même mention, veulent que la cohésion dépende de l'attraction; & comme ils font intimement perfuadés que tous les corps s'attirent,

*Voyez le Difcours préliminaire du quatrième vol. de l'Hiftoire des Philofophes modernes, page lxxiij et fuivantes.

ils expliquent aifément par l'attraction les effets de la cohésion: mais cette persuasion n'est point une démonftration, & les Phyficiens qui ne fe payent point de mots, n'estiment pas qu'ils ayent trouvé la caufe dont il s'agit. Ils conçoivent bien qu'il y a une attraction, & ils conviennent en même-temps que la caufe de l'attraction eft auffi inconnue que celle de la cohéfion. Comme ils ont défespéré de la connoître, ils fe font attachés à déterminer en quelle proportion cette attraction croît ou décroît, &, d'après l'obfervation de plufieurs phénomènes, ils ont conclu qu'elle décroît en raifon biquadratique de la diftance, c'est-à-dire, qu'à une distance double, elle agit feize fois plus foiblement, & à une distance triple, quatre-vingt une fois, & qu'elle devient infenfible à une grande distance.

Ce qui a donné lieu à croire que l'attraction étoit la cause de la cohéfion, c'est la découverte de l'attraction mutuelle de plufieurs corps. Toutes les parties des liquides s'attirent ainsi, comme il paroît par leur tenacité, & la rondeur de leurs gouttes. Elles font auffi attirées par les folides on reconnoît cette attraction par ces obfervations. La furface de l'eau contenue dans un vafe eft concave, & celle du mercure y eft convexe, & la raison de ce phénomène eft que les parties de l'eau s'attirant moins fortement l'une l'autre que les bords du vafe ne les attirent, s'élèvent vers ces bords: le contraire arrive dans le mercure : ce qui caufe la convexité de fa furface.

Les Disciples de Newton attribuent à l'attraction l'ascenfion de l'eau dans les tubes ca

pillaires. On appelle tube ou tuyau capillaire un petit tuyau de verre ouvert aux deux extrémités, dont le diamètre intérieur n'excède guères celui d'un crin de cheval. En enfonçant ce tuyau dans l'eau, cette liqueur y monte avec rapidité à une hauteur affez confidérable.

Lorsqu'on a obfervé ce phénomène on a cru qu'il dépendoit de l'air, lequel ne pouvant s'introduire aifément dans les tuyaux capillai res, y agit avec moins de force que fur le liquide dans lequel il eft plongé; mais on a reconnu la fauffeté de cette opinion, en remarquant d'abord que les hauteurs auxquelles les liquides s'élèvent, varient beaucoup & font différentes les unes des autres, & qu'elles ne fuivent point le rapport du poids des liquides, comme cela devroit être fi la preffion de l'air étoit la caufe de leur élévation, & en fecond lieu en faisant la même expérience dans le vuide.

On a voulu enfuite, que cette caufe fût l'air fubtil, & ce fentiment a paru auffi erroné que le précédent. En effet l'air fubtil, qu'on admet, paffe à travers les pores de tous les corps, & par cette raifon traverse librement le

verre.

Les Disciples de Newton ont cru réfoudre le problême en attribuant à l'attraction l'ascenfion des liquides dans les tuyaux capillaires. L'attraction des parties du tube capillaire étant plus puiffante que l'attraction mutuelle que les parties de l'eau exercent les unes fur les autres, l'eau doit monter fort haut dans ce tube au lieu que l'élévation du mercure

,

doit être moins confidérable à caufe de la denfité de fes parties, dont l'attraction mutuelle eft fupérieure à celle du verre.

Cette explication a paru d'autant plus naturelle que les Newtoniens foutiennent que tous les corps s'attirent réciproquement, & que c'est-là une loi de la nature. Mais on l'a attaquée, cette explication, avec des objections & des expériences qui embarraffent beaucoup les plus braves des Disciples de Newton. Parmi le grand nombre d'objections & d'expériences qu'on a alléguées, voici celles qui me paroiffent les plus fortes elles font de Meffieurs Carré & Geoffroi, du P. Gerdil & du P. Abat.

Meffieurs Carré & Geoffroi obfervèrent que dans un tube d'un tiers de ligne de diamètre, l'eau montoit de dix lignes au-deffus du niveau, & que l'esprit-de-vin ne montoit qu'à trois lignes & demie : cependant l'esprit-de-vin eft plus léger que l'eau: il devroit donc s'élever davantage, puisque l'attraction du verre a plus de puiffance fur lui que fur l'eau: donc l'attraction n'eft pas la caufe de l'élévation de l'eau dans les tubes capillaires.

Telles font les expériences du P.Gerdil.Ce Religieux ayant frotté intérieurement un tube avec du fuif ou de l'huile, l'eau n'y monta point: cependant le verre n'avoit rien perdu par-là de fon intenfité, de fa force attractive donc l'eau devoit monter malgré le fuif, & c'est ce qu'elle ne fit point donc l'attraction n'est pas la caufe de l'élévation de l'eau dans les tuyaux capillaires. Il eft vrai qu'on peut faire à cela deux réponses affez bonnes : la première, c'est

1705.

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