Imágenes de páginas
PDF
EPUB

force conftante qui agit continuellement fur les corps.

Voilà donc deux forces; la force d'inertie & la force de la pefanteur. Celle-ci a été reconnue de tous les temps & examinée par les premiers Philofophes du monde; elle fuffit peut-être pour expliquer la résistance d'un corps au mouvement qu'on veut lui imprimer. L'hiftoire de cette force mettra le Lecteur en état de décider cette queftion.

441 ans avant J. C.

350 ans

Le premier Philofophe connu qui a examiné les effets & la caufe de la pefanteur, eft Empedocle. Ce Phyficien prétendoit que la révolution du ciel produifoit la pefanteur des corps en les dirigeant vers la terre, qu'il croyoit être le centre de cette révolution. Platon adopta cette explication; mais fon illuftre avant J. C. Disciple Ariftote la trouva ridicule. La révolution du ciel eft trop éloignée de la terre, dit-il, , pour agir fur les corps. Platon difoit encore que les corps ne pefent que hors de leur place naturelle, & qu'ils n'ont point de pefanteur lorsqu'ils font dans cette place. Cette penfée ne parut pas affez développée pour qu'on y fit attention: auffi Ariftote ne s'y arrêta point. Il chercha à découvrir la caufe de la pefanteur, &, au défaut de raifons, il fe paya de mots.

Tous les corps, fi on l'en croit, ne font pas pefans: il y en a de légers. Ceux qui ont de la pefanteur, ont un appétit pour arriver au centre de la terre, & ceux qui font légers ont un appétit contraire pour s'élever en l'air. Mais cette opinion ne fit pas fortune. On méprifa bientôt ces appétits chimériques, & la

1590.

1610.

1620.

légereté pofitive fut une des erreurs d'Arif
tote, dont on fe défabufa le plutôt. En vain
quelques-uns de fes difciples tâcherent d'ex-
pliquer cette opinion ridicule, en difant que
tous les corps font légers plus ou moins, cepen-
dant les uns plus que les autres; on les laissa
dire, & on fongea férieufement à connoître la
caufe de la pefanteur.

Kepler prétendit qu'il y a certains esprits,
certains écoulemens incorporels, qui tirent
les corps vers le centre de la terre. Qu'est-ce
que des écoulemens incorporels? Existent-ils?
Non dit Gaffendi. Il y a bien, fi on l'en croit,
des écoulemens, mais ce font des écoule-
mens corporels. La terre, ajoute-t-il, eft une
espèce d'aiman, d'où fort une grande quantité
de rayons, qui, comme autant d'hameçons,
tirent les corps vers la terre.

Cette explication des effets de la pefanteur n'est assurément pas digne de Gaffendi: auffi Descartes, qui a eu de vifs démélés avec lui fur plufieurs fujets épineux de la Philofophie, en a dédaigné l'examen. Ce grand Philofophe déduit de fon fyftême du monde une cause de la pefanteur, qui n'eft fûrement pas la véritable.

Dans ce fyftême la terre eft plongée dans un tourbillon qui circule au tour d'elle d'Occident en Orient, & qui l'emporte dans fa rotation journalière, mais avec un mouvement moins rapide que celui du tourbillon. Ainfi en quelque état que fe trouvent les corps ils font comprimés par le tourbillon, & cette compreffion eft la caufe de la pefanteur.

Qui, elle eft cette caufe, fi ce tourbillon-là

[ocr errors]

existe ; &, quand même il exifteroit, cette cause ne fatisferoit point aux phénomènes de la pefanteur; car cette preffion ne s'exerçant que fur les furfaces, la pefanteur devroit avoir lieu en raifon des furfaces des corps, & c'est en raifon des maffes : donc, &c.

Cependant ce fyftême n'étoit point fans vraifemblance; &, en admettant les tourbillons, il étoit poffible de le rectifier. C'eft ce qu'entreprit un illuftre partifan de ces tourbillons. M. Hughens fuppofa que la matière fubtile qui agit fur les corps pour les faire descendre vers le centre de la terre, va dix-fept fois plus vîte que ce globe, & que le mouvement de cette matière fe fait en tout fens.Il admit encore une infinité de cercles qui fe meuvent tous comme autant de tourbillons autour de la terre, fuivant toutes fortes de mouvemens, & qui pouffent les corps vers le centre de la terre, & non perpendiculairement à fon axe, comme cela devroit être dans le fyftême de Descartes, & comme cela n'est point dans la nature.

Newton chercha auffi la caufe de la pefanteur. Il croit que cette caufe eft l'attraction, c'est-à-dire, une force qu'ont les corps de fe joindre les uns aux autres on l'avoit déja dit, & on n'avoit fatisfait perfonne.

Voilà pourquoi Newton defira une raison plus probable, & fes recherches lui fuggérèrent cette conjecture. Il eft vraisemblable, dit-il, qu'un milieu plus fubtil que l'air eft plus rare dans le foleil, dans les étoiles, dans les planetes & les comeres, que dans les espaces vuides qui font entre ces corps; &, en paffant de ces corps dans des espaces fort éloignés, ce milieu

[merged small][merged small][ocr errors]

devient continuellement plus denfe, & par-là peut caufer la gravitation de ces vaftes corps & de celle de leurs parties vers ces corps mêmes, chaque partie faifant effort pour aller des parties les plus denfes du milieu vers les parties les plus rares.

Peu content de cette conjecture ou de cette explication, un célébre Géomètre François, M. Varignon, publia presque dans le mêmetemps des nouvelles vues fur la caufe de la pefanteur, dans lesquelles il propofa un nouveau fyftême de la pefanteur. Il fit dépendre cette propriété des corps, de l'inégalité de preffion des colonnes d'air qui environnent les corps. C'eft cette inégalité de preffion qui détermine les corps à tomber, & cela, avec une force d'autant plus grande, que cette inégalité eft plus confidérable d'où il fuit que fi un corps étoit affez élevé pour que les colonnes inférieures & fupérieures fuffent égales, le corps ne tomberoit pas. Il eft fâcheux que cette inégalité de preffion foit insoutenable; car le fyftême feroit fans cela plus qu'ingé

nieux.

A l'exemple de tant de grands Hommes, le célèbre M. Jean Bernoulli voulut expliquer la caufe de la pefanteur. Sur les débris d'un fyftême ridicule, imaginé par M. Villemot, ce Philofophe en fonda un nouveau. Il fuppofe, comme lui, qu'il y a dans le centre de la terre un tourbillon qui a dans fon centre un amas de matière parfaitement liquide & bouillante, lequel produit en petit ce que le foleil fait dans un degré plus éminent. Ainfi tous les corps qui font dans le tourbillon ter

reftre;

reftre, font pouffés par un tourbillon central qui s'y forme, & cela avec des forces qui font proportionnelles aux quarrés des distances : or c'eft dans l'action de ces forces que Bernoulli fait confifter la pefanteur des corps.

Plufieurs autres Savans, tels que Perrault, Bulfinger, Privat de Molières ont propofé d'autres explications de la caufe de la pefanteur des corps; mais aucune n'a été plus fatisfaifante que celles dont je viens de rendre compte lefquelles ont pour Auteurs les plus grands génies qui ont paru dans le monde. Il femble qu'on a fait pour cela une trop grande dépense d'esprit, & qu'on auroit pu mieux réuffir si on étoit remonté à l'origine de l'état des corps. Platon avoit dit que les corps font pefans, parce qu'ils font hors de leur place; & des Phyficiens peu connus, nommés Cafatus & Rudigerus avoient renouvelé cette penfée, fans la connoître peut être, & on n'y avoit point fait d'attention, quoique la chofe fût digne d'examen. En effet ces Savans veulent que les corps foient pefans, parce qu'ils ne font pas dans leur propre place vers laquelle ils tendent à fe rendre; de forte que des corps placés à cet endroit, n'ayant aucune tendance, ne feroient plus pefans. Mais quel eft cet endroit? C'eft ce qui refte à favoir.

Depuis la publication de ce fentiment de Cafatus & de Rudigerus, M. Calvader-Colden, Anglois, a mis au jour une explication des premières caufes de l'action de la matière & de la caufe de la gravitation, dans laquelle il foutient que la pefanteur réfide dans le corps, & qu'il y a une force douée d'une certaine D

« AnteriorContinuar »