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France, vive le Roi, vive le Grand Cardinal, qui affure nos vies nos biens. Les Proceffions le reconduifirent au Chafteau, avec de grandes acclamations, le Peuple jettant des fleurs par toutes les ruës où il passa. Il y a peu d'exemples d'une amende honorable d'un fi grand éclat.

De fi grandes nouvelles cauférent au Roi & à la Cour autant de furprise que de joye, & les ennemis du Cardinal, quelque envie qu'ils euffent de lui nuire, ne pûrent s'empefcher de le loüer, ou par admiration, ou par politique; cependant, pour picquer le Roi de jaloufie contre lui, ils trouvoient beaucoup à redire à cette faftueufe ceremonie que d'Amboise avoit affectée pour pardonner aux Milanois, & difoient malicieufement que ce n'ef toit que par vanité qu'il en avoit usé ainsi, pour avoir le plaifir de faire le Roi une heure ou deux aux yeux de tout un grand Peuple. Ils eurent beau dire, le Roi n'en fut point jaloux; ravi au contraire d'un fuccès fi inesperé, qu'il attribuoit moins au bonheur qu'à l'habileté de son Miniftre, il confirma le pleinpouvoir qu'il lui avoit déja donné de dispofer de toutes chofes, comme lui-mefme feroit en perfonne fi c'eft le plus grand honneur qu'un fujet puiffe reçevoir, il eft difficile d'ufer fi bien de ce pouvoir, qu'on ne foit blafmé

'Pij

SA PRE'CAU.
TION POUR

QUESTE.

blafmé de perfonne. Plus on eft élevé, pluson eft exposé à la cenfure du Public.

Sforce pris & Milan réduit, fans en eftre ASSURER Venu aux mains, il ne reftoit plus à d'AmboiGETTE CON fe, avant que de revenir en France couronné de palmes & d'olives, que de prendre ses précautions pour affermir cette conquefte, plus heureufement qu'il n'avoit fait cinq, ou fix. mois auparavant. Les violences de Trivulce, & son orguëil infuportable, aiant esté en partie cause que le Païs s'eftoit révolté, le Cardinal Miniftre lui en ofta le Gouvernement; en cela il fut loüé, mais il ne le fut pas de don ner ce Gouvernement, & le Commandement General des Armes, à Chaumont d'Amboife fon Neveu, jeune homme de grande efperance, mais qui n'avoit encore, ni affez de réputa tion, ni affez d'experience dans le mestier de la Guerre pour faire honneur au choix de l'Oncle. Chaumont ne fut pas long-tems à faire: voir, par fa conduite, autant que par fa bravoure, qu'il n'eftoit point indigne de l'un ni de l'autre emploi: quoique Trivulce murmuraft, il n'ofa éclater, de peur de n'eftre plus. emploié, s'il se broüilloit avec le Miniftre.

D'Amboife, pour rétablir la difcipline parmi les Troupes, fit de févéres Ordonnances, & prit des mesures juftes pour que ces Loix: fuffent executées. Il mit dans les Places au

tant

tant de monde qu'il en falloit pour en con tenir les habitans, & pour avoir toûjours fur pied une Armée en Italie fans furcharger les Milanois; ce qu'il y avoit de Troupes de ref- IL ENVOYE fut envoyé fervir une partie fous les Flo- A LA REPU rentins, & une autre, beaucoup plus nom- FLORENCE breufe, fous le Duc de Valentinois..

te,

DU SECOURS

BLIQUE DE

ET AU DUC:
DE VALEN

Pife & Florence, Républiques autrefois TINOIS. celebres, toûjours jaloufes l'une de l'autre, parce qu'elles estoient voifines, s'estoient fait une rude guerre, & cette guerre n'avoit fini que par l'infortune de Pife. Florence, fon ennemie, devenue avec le tems plus puiffante que sa rivale, l'avoit tout-à-fait fubjuguée; mais le Roi Charles VIII. qui paffoit pour aller à Naples, aiant mis Pife en liberté, cette Ville redevenue libre, s'eftoit fi bien fortifiée, qu'en vain les Florentins euffent-ils ofé l'affiéger. Charles VIII. mort, ils propoférent à Louis XII. de l'aider de vivres & d'argent à conquérir le Milanez, pourvû que de fon cofté Louis s'engageaft de les aider, finon d'argent, au moins de Troupes, à recouvrer Pife. Louis XII. le leur aiant promis, la guerre de Milan ne fut pas pluftofs achevée, qu'ils le prefférent d'executer la promeffe qu'il leur avoit faite : les Pifans, de leur cofté, aiant envoié en Cour faire des of fres pour l'en empefcher, la réponse du Roi,

fut

fut, que

d'Amboise en décideroit, & qu'il

s'en remettoit à lui.

D'Amboife s'y trouvoit fort embarassé, à caufe de la réfiftance de Trivulce, & d'autres Seigneurs, qui foutenoient que l'intérest du Roi n'eftoit pas d'acroiftre la puiffance des Villes & Princes d'Italie, mais de tenir les uns & les autres dans une modicité qui les mist tous à sa merci quand il voudroit les ataquer. Bien des gens de bon fens eftoient de ce fentiment. Trivulce l'apuioit, foit par zéle pour le Roi, foit par indignation contre le Cardinal; d'un autre cofté, il fembloit eftre de l'équité & de la bonne politique de ne point manquer de parole à des Alliez auffi puiffans que les Florentins l'eftoient alors. Cette raifon l'emporta.D'Amboise, sans avoir égard aux remonftrances de Trivulce, fit un détachement, d'Infanterie principalement, pour faire le Siége de Pife. Ce Siége ne réüffit point, Pife foutint trois aflauts, aprèsquoi les Troupes Françoifes revinrent dans le Milanez.

D'Amboife n'eut pas moins de peine à faire confentir Trivulce, & quelques autres grands Officiers, à envoier un Corps de Trou pes au Duc de Valentinois pour aider ce Duç à fubjuguer toutes les Villes de la Romagne, On n'eftoit point content ni du Valentinois,

ni de fon pere Alexandre VI. quoique ce Pape fe fuft obligé de fournir, hommes & argent, pour la conquefte du Milanez, il n'en avoit rien fait, loin de cela, beaucoup de gens le foupçonnoient d'avoir fomenté la révolte & d'eftre entré fecretement dans la Ligue qui s'eftoit faite, entre quelques Princes d'Italie, pour reftablir Sforce d'ailleurs le Valentinois, fils bien-aimé de ce Pontife,eftant un homme très-dangereux, homme fans foi & fans loi, également brave & habille, il y avoit à craindre qu'après s'eftre rendu maiftre d'un grand & riche Païs, avec l'aide des François, il ne devinft bien-toft leur plus implacable ennemi, & qu'il ne fuft le plus ardent à mettre toutes chofes en œuvre pour leur faire repaffer les Monts.

Ces raisons eftoient fortes pour ne lui point donner de fecours, cependant, dès qu'on lui en avoit promis, on ne pouvoit le lui refufer fans rompre avec le Pape; chofe d'une gran. de conféquence dans les conjonctures. Une autre raifon, qui peut-eftre fut plus décifive, c'eft que la Légation de d'Amboife eftant preste à expirer, il fouhaitoit fort que le Pape la lui continuaft. La couftume & l'inclination du Pape Alexandre VI. n'eftant pas de prodiguer les graces, mais de les faire acheter plus ou moins, felon le befoin qu'on en avoit, ce

fuc

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