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l'avons déja dit, les affaires plus ou moins grandes, élevent plus ou moins le cœur & l'efprit. Landais n'étoit point indigne de cette grande place; il avoit au contraire tous les talens pour la remplir; & s'il fe fuft bien ménagé, il y auroit acquis une haute réputation & l'eftime de toute l'Europe; mais autant qu'il eftoit agréable au Duc, autant par fon infolence, fa cruauté, fa tyrannie, s'eftoit - il rendu odieux à tous les Seigneurs du Païs ; fi fort, que quelques-uns des plus diftinguez par le mérite & par la naiffance, allérent pour fe faifir de lui jufques dans l'apartement du Duc. Landais n'y eftant point; le Duc effraïé crût que c'estoit à lui-mefme que les Conjurez en vouloient. Le coup manqué, Landais, plus infolent & plus furieux que jamais, déchaifna contre les Seigneurs toute l'authorité du Duc & les fit condamner à perdre la vie & les biens.

Cette fcéne s'eftant paffée dans le tems que les Eftats de France eftoient affemblez à Tours, le Duc & les Seigneurs y firent demander du fecours : le Duc en demanda à fon coufin le Duc d'Orleans; les Mécontens en demandérent à la Comteffe de Beaujeu. Le Duc d'Orleans courut raffurer fon Parent & promit de maintenir Landais; Landais de fon cofté s'engagea de fournir de l'argent & des

Troupes

Troupes au jeune Duc fon Protecteur. Ce Traité, dans lequel Landais avoit promis de faire entrer les principaux Seigneurs de France, rendit le Duc d'Orleans fi fier, qu'après le SaEn Mai cre du jeune Roi, où il avoit reprefenté le premier des fix Pairs Laïques, au lieu de fuivre la Cour, qui alla demeurer à Blois, il s'en vint à Paris y cabaler ouvertement.

1484.

La Dame de Beaujeu, avertie par fes Efpions, (elle avoit appris de fon Pere å en avoir beaucoup & à les bien païer, afin d'en eftre bien fervie) donna ordre d'arrefter le Duc. Quoi que l'ordre fust secret, il ne le fut pas affez, pour que d'Amboise en l'éventaft pas. Sur l'avis que donna ce fidelle ami, le Duc s'enfuit à propos. Il prit les armes peu après, & fe jetta avec des Troupes dans Baugenci. L'Armée Roïale fut bien-tost aux trouffes des Séditieux. La Dame de Beaujeu, qui fous prétexte d'eftre chargée de la perfonne du jeune Roi, s'eftoit infenfiblement emparée de l'authorité, n'avoit garde de donner au Duc le tems de fe reconnoître. L'ataque fut vive; la résistance foible. Il ne venoit point de fecours. Le Duc pressé craignant d'eftre pris d'affaut & d'eftre mis dans une Tour, peut-eftre pour le reste de ses jours, demanda à capituler. On l'y reçût, à condition qu'il demanderoit pardon au Roi & à la Comteffe, & qu'il relégueroit le Comte de Dunois,

Dunois à Aft, ville au-delà des Alpes, du Do 1485. maine de la Maifon d'Orleans. Ce Comte de Dunois, fils du celebre Baftard d'Orleans, qui avoit rendu de fi grands fervices à l'Estat, fous le Régne de Charles VII. ne cédoit en rien à fon Pere. C'eftoit un excellent efprit,mais trop remuant, trop inquiet, & qui ne pouvoit s'empefcher de braffer toûjours quelque intrigue. Il gouvernoit le Duc d'Orleans entierement. Une Paix forcée n'eft point pour durer longtems, & d'ordinaire elle ne fert qu'à donner aux uns & aux autres le tems de reftablir leurs forces, pour faire la guerre de nouveau, dès qu'ils efpérent de réüffir. Ce n'eftoit pas fans violence que le Comte de Dunois avoit paffé deux ans à Aft, ne pouvant de fi loin que difficilement entretenir pratique avec les amis: impatient de les rejoindre, & d'ourdir quelque nouvelle trame, il eftoit revenu en Poitou, fans ordre ni permiffion, & s'eftoit cantonné dans la petite Ville de Parthenai, ville forte, qui eftoit à lui. Ce n'eftoit, difoit-il, que pour aider de fes confeils le Duc de Bretagne fon ami, que la mort tragique de Landais avoit brouillé plus que jamais avec les Grands du Païs. Landais, déja fort odieux au Peuple & à la Nobleffe, les avoit fi fort irritez par de nouvelles opreffions, que la Populace de Nanteseftant entrée en furie dans le Chasteau,

C

de,

demanda, avec menaces, qu'on fist justice de ce Tyran. Le Duc contraint de le livrer, eut beau dire qu'il lui faifoit grace de quelque cri me que ce fuft; le Procès inftruit fur le champ, Landais ateint & convaincu de meurtres & de concuffions, fut pendu quelques heures après, nonobstant la grace du Duc. Belle leçon, pour les gens que la fortune éleve, de mieux ufer de fes faveurs, que n'avoit fait ce trop orgueilleux Favori.

Quelque proteftation que fift faire le Comte de Dunois, la Dame de Beaujeu n'en fut pas moins perfuadée, qu'il n'étoit revenu fans ordre que pour cabaler contre elle. L'embaras de cette Princeffe eftoit d'éventer les deffeins du Comte & de fçavoir qui eftoit du complot;. du reste aiant de bonnes Troupes & de l'argent pour les bien païer, elle eftoit en eftat, nonfeulement de ne rien craindre de quelques nemis que ce fuft, mais de faire retomber fur eux l'orage qui la menaçoit. Les inquiétudes de la Régente (on peut bien l'apellser ainsi, puifque, fans en porter le nom, elle en avoit tout le pouvoir) n'eftoient point de fauffes allarmes. Il y avoit un complot qui alloit à la ruïner fi elle ne l'euft découvert à tems..

en

L'Evefque de Montauban, qui s'eftoit infinué dans les bonnes graces du jeune Roi, l'avoit enfin difpofé à fe laiffer enlever, pour le

EST ARRES

AVOIR PER

LAISSER EN

JANVIER

tirer, disoit-il, du honteux esclavage où le D'AMBOISE renoit la Dame de Beaujeu. Le Roi y avoit TE' POUR consenti; & fur l'avis que le Prélat en donnoit SUADE A U au Comte de Dunois & à autres de l'intelligen- ROIDE SE çe, la chose se feroit executée, fi l'homme LEVER, EN chargé de ces lettres, au lieu de les rendre à 1478.S.Geleur adreffe, n'euft efté, pour faire fa fortune, lais in 4-P: (il fe doutoit de quelque chofe) les prefenter p. 23. 120. 57. Jaligni à la Régente. Cette infidélité fit échouer la & 121. Confpiration; d'Amboise fut arrefté, avec son frere de Buffi, Pompadour Evefque de Périgueux, & le célébre de Comines, qui a fi bien efcrit l'Hiftoire de Louis XI. Comines fut mis dans une cage, & y demeura près de huit mois; les Evefques furent traitez moins mal, & Buffi mieux que les Evefques.

D'Amboife interrogé, d'abord par les Offi- Ibid. ciers de la Métropole de Tours, enfuite par des Commiffaires choifis dans le Parlement, s'il n'eftoit pas des Conjurez, & s'il n'avoit pas concouru autant qu'il eftoit en lui, à faire enlever le Roi, répondit avec fermeté, qu'il n'avoit rien fait que par ordre, & qu'il s'en raportoit à ce que le Roi lui-mesme en diroit. Cette réponse rendoit le Procès fi difficile qu'on ne fongea plus à l'inftruire. En effet, que dire & que faire à un homme qui parloit ainfi, & comment le punir comme complice d'un forfait dont le Roi, qui avoit déja dixC ij Lept

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