Imágenes de páginas
PDF
EPUB

pour ce faint Pape, mais felon quelques Hif toriens, par émulation de ce que Borgia, fon Prédéceffeur, avoit pris le nom d'Alexandre, ou, selon d'autres, pour annoncer qu'il avoit de vaftes deffeins & affez de courage pour en venir à bout. Il fe pourroit bien faire qu'il auroit pris le nom de Jules, parce qu'il fut élû Pape, le mefme jour que Jules-Cefar estoit né, Le 31. Oc- feize cens ans devant.

tobre.

Quoique Jules II. euft de grands talens, & quoi qu'il fe fuft acquis l'eftime du Peuple & de la Cour, par la fplendeur dont il vivoit, par la magnificence, dans sa table, dans fes baftimens, dans fes meubles & fes équipages; on n'en fut pas moins estonné, que les Cardinaux l'euffent élû, le connoiffant, comme ils faisoient, pour un homme dur & violent; homme à préventions dont jamais il ne revenoit; peu ferme dans fon amitié, implacable dans fa haine; homme inquiet & turbulent, qui avoit paffé toute fa vie en de continuels embarras, où fouvent il s'eftoit jetté, nonfeulement mal-à-propos, mais fans espérance de fuccès. Ses prelens, fes promefles, & la penfée que l'on avoit, qu'il eftoit plus propre qu'un autre à reftablir la liberté de l'Eglise & de l'Italie, empefchérent qu'on ne fist atention fur tant de fujets de l'exclure; de forte qu'il fut élû Pape, contre les propres in

térefts

Liv. III. 181 térefts de la plupart des Cardinaux qui lui avoient donné leur voix.

JULES II.

CONFIRME

SE LA LE

FRANCE, ET

YJOINT CEL

LE D'AVI-
GNON,

D'Amboife, le félicitant, lui demanda la continuation de fon amitié pour la France. A D'AMBOIJules chaffé de Rome par Alexandre VI. s'ef- GATION DE toit réfugié en France, & y avoit reçû, quoi qu'il fuft mal avec le Pape, toute forte d'honneurs & de bons traitemens, pendant cinq ou fix années. Il ne s'en fouvint plus, fi-toft qu'il eut intérest de fe déclarer contre le Roi. Pour confoler d'Amboise de n'eftre point Pape, Jules lui continua la Légation de France; & pour s'atacher d'autant plus ce tout-puiffant Miniftre, il y joignit, de bonne grace, fans attendre qu'on le demandaft, celles d'Avignon, & de Bretagne. Foible confolation, d'eftre par-là, en quelque forte, le Pape d'ende-çà des Monts, après avoir tant souhaité, & avoir esperé deux fois de le devenir toutà-fait. Ce ne fut pas fans violence, & sans un chagrin cuifant, que Jules, homme impétueux, fut contraint de fe dépoüiller d'une partie de fon pouvoir, en faveur de fon Concurent; mais le nouveau Pontife aima mieux fe facrifier, que de s'attirer mal-à-propos, au commencement de fon Pontificat, une querelle avec le Roi.

· Le trop ardent defir que d'Amboife avoit ON IMPUTE témoigné de parvenir à la Papauté, lui fit 3.

d'autant

A D'AMBOI-
SE LE MAU,

VAIS
CE'S DES AF-

FAIRES.

Suc d'autant plus de tort, que les affaires du Roi en fouffrirent, à Naples principalement, où l'Armée, dont d'Amboise, à la priere des Cardinaux, avoit fufpendu la marche, arriva un grand mois trop tard, pour profiter de la foibleffe où fe trouvoient les Espagnols. Un autre malheur, & d'une grande conféquence pour le fuccès de cette guerre; c'eft, qu'à l'occasion des troubles arrivez à Rome, cette Armée ne fut renforcée, ni par les Troupes des Urfins, ni par celles du Valentinois, bien que les uns & les autres, par Traité fait avec d'Amboise, se fufsent obligez de fournir ce qu'ils avoient d'hommes d'élite, Infanterie & Cavallerie; ils s'en dispensérent; les Urfins, par reffentiment de ce que d'Amboife protégeoit le meurtrier de leur parent; & le Valentinois, dans la crainte, difoit-il, d'eftre accablé par les Urfins, s'il se défaifoit de ses Troupes. Les Urfins firent davantage, car bien que jufques alors, autant par inclination, que par des motifs d'intérest, ils fe fuffent attachez au fervice, de France, ils pafférent en celui d'Espagne en rejettant la faute fur d'Amboife; d'Amboife la jettoit fur eux, & difoit que c'eftoient des traiftres, qui féduits par les Venitiens, lefquels ne pouvoient fouffrir que le Roi fust Maistre de Naples, & gagnez par les offres que leur faifoient

les

les Espagnols, avoient manqué à leur parole; infamie d'autant plus grande, qu'ils avoient reçû, , par avance, une fomme confidérable, fur celle qu'ils devoient toucher pour la folde d'eux & de leurs troupes. Le fervice du Roi fouffrit beaucoup de la retraite de Transfuges auffi puiffans.

Malgré ces accidens, auffi funeftes qu'imprévus, l'Armée n'auroit pas laiffé de faire, peut-eftre, de grands progrès, fi malheureufement la méfiance ne fe fuft mife entre le Général & les Troupes. Le Marquis de Mantouë, fubftitué par d'Amboise en la place de la Tremoüille, dans le commandement de cette Armée, l'avoit conduite fagement, fans recevoir aucun échec, jufques fur les bords du Garillan; & quelques jours après, à la faveur de son canon, il avoit jette un Pont sur cette Riviere. Les Efpagnols, qui auroient pâ l'en empescher, en parûrent fi effrayez, que, felon toutes les aparences, ils eussent esté taillez en pièces, fi le Marquis les euft fait charger, comme l'Armée le defiroit. Fuft-ce par prudence qu'il s'en abstint ? Ses amis le difoient. Ne fuft-ce point par intelligence avec les Espagnols: Bien des gens le crûrent. Quoi qu'il en foit, ce qu'il y a de certain, c'est que les Officiers, & les Soldats à leur exemple indignez que l'on euft manqué une auffi belle occafion

occafion, fe plaignirent fort du Marquis, & en termes à lui faire entendre qu'on le foupçonnoit de trahison.

Ces foupçons augmentérent par fon peu d'attention, à garnir autant qu'il falloit, & à fecourir, à propos, un Fort qu'il avoit fait faire à la tefte du Pont. Les ennemis, à l'improvifte, eftant venus attaquer ce Fort; ce Fort ne résista point, tant parce qu'il y avoit trop peu de monde à le défendre, que parce que le Marquis n'y en envoya pas assez, ni affez promptement, pour foutenir cette vive attaque. Le Fort pris, les ennemis fe fuffent faifis du Pont, fi le Chevalier Bayard ne les en euft lui feul empefchez. Auffi brave que ce Romain, qui défendit le Pont du Tibre, contre l'Armée de Porfenna, Bayard seul, la lance à la main, défendit, contre deux cens Gendarmes, l'entrée du Pont du Garillan; & lorf que, quelque-tems après, une troupe de fes amis fut acourue, pour lui aider à repouffer les affaillans, il fut encore le premier, tout épuité qu'il devoit eftre, & le plus vif à les pourfuivre.

Amis, & ennemis, loüent ce Héros également; & c'eft avec juftice qu'on l'a apellé, par excellence, mefme de fon vivant, le Chevalier fans reproche & fans Peur. Eftime univerfelle, qui a paffé toute entiere à la postérité.

Malgré

« AnteriorContinuar »