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fept à dix-huit ans, eftoit le premier coupable? D'Amboife fut plus de deux ans en prifon, refferré plus ou moins, felon que les affaires du Duc d'Orleans alloient bien ou mal, & felon que la Dame de Beaujeu eftoit plus ou moins aigrie, par les raports qu'on lui faifoit de l'un & de l'autre. La plus grande peine de d'Amboise, à ce qu'il difoit depuis, foit pour faire. fa cour, foit qu'en effet cela fuft vrai, ( car il eftoit homme franc & fincere) eftoit moins d'eftre prifonnier, que de ne pouvoir concou-rir que de fes vœux & de fes prieres à la profpérité du Duc. On ne peut dire combien il

lui eftoit attaché..

Le Duc d'Orleans bien averti par fes amis,, qu'il y avoit ordre de l'arrefter s'il venoit à la Cour où il eftoit mandé, s'en eftoit enfui en: Bretagne, après y avoir fait filer toutes fes Troupes par pelotons. Il en avoit de bonnes, Infanterie & Cavalerie, que fes amis avoient levées fecretement. Un fi puiffant renfort joint aux Troupes du Duc de Bretagne, compofoit une armée d'élite & capable de tenir. tefte à l'Armée Roïale de France..

Depuis que, pour venger le malheureux Landais, le Duc de Bretagne eut pris les armes contre fes principaux Vaffaux, cette Province autrefois fi riche, tant qu'elle avoit esté en paix, eftoit le théâtre de la guerre, guerre

cruelle

cruelle qui alloit à détruire ce petit Eftat. Je ne fçai quelle fatalité fembloit de jour en jour en précipiter la ruïne. Sa fin aprochoit. Les Seigneurs pour se maintenir y avoient apellé le Roi; le Roi y eftoit entré, moins pour les mettre en feureté, que pour pourfuivre le Duc d'Orleans & punir le Duc de Bretagne de donner retraite à ce Prince. Deux grandes armées en mefme - tems defoloient ce pauvre païs l'armée du Roi, l'armée du Duc, outre cela chaque Seigneur avoit plus ou moins de monde fur pied. Tout y eftoit en armes & en confufion.

Le Roi y prit beaucoup de Places, le Duc en reprit beaucoup, lui & le Duc d'Orleans firent une fi belle réfiftance dans la Ville & Chateau de Nantes, que les François au bout de fix femaines, après une très-grande perte, d'hommes, d'argent, d'artillerie, furent contraints de lever le fiége. Ces differens fuccès, tantoft bons & tantoft mauvais, ne firent que prolonger la guerre, au grand malheur des peuples, qui en fouffroient infiniment. De cofté ni d'autre il ne fe fit rien de décififjuf-ques à la Bataille, qui fe donna près de S. Aubin du Cormier, le vingt-huit Juillet mil quatre cens quatre-vingt-huit.Le Roi ne s'y trou-va pas. Son armée eftoit commandée par le Seigneur de la Tremouille, jeune homme de Le Duce

D'ORLEANS'

EST FAIT
PRISONNIER

GNE, A LA

DES.AUBIN,

vingt-cinq ans, qui pour fon coup

d'effai y EN BRETA- remporta, fur les Bretons & fur les François BATAILLE refugiez, une victoire celebre & complete. 1 E 28. JUIL. Cette journée fut auffi glorieuse que funefte au Duc d'Orleans,car il y fut pris par les François, après avoir combattu à pied, l'épée à la main, à la tefte de l'Infanterie, avec toute la bravoure du plus déterminé foldat.

LET 1488,

D'AMBOISE EST MIS EN

Ce coup penfa aterrer d'Amboise, tant il en fut touché. Aimant fincerement le Duc, il trembloit pour ce pauvre Prince, qui fe trouvoit à la merci d'une femme auffi irritée que puiffante; d'ailleurs la fortune de d'Amboise dépendant de celle du Prince, la confolation du Prélat, depuis qu'il eftoit prifonnier, avoit efté de fe flater, que la longueur de sa prison augmentant fon mérite & la faveur auprès du Duc, il avoit tout à efperer, fi les deffeias du Duc avoient un fuccès heureux; le malheur de · ce Prince aiant fait tout-à-coup évanoüir ces efpérances, d'Amboise en fut fi faifi, qu'il n'euft pas réfifté long-tems, fi fes freres, qui jufques-là, de peur de déplaire à la Régente, n'avoient fait aucune démarche, ne fe fuffent empreffez de le tirer de captivité. Louis Evef que d'Albi, le plus accrédité d'eux tous, depuis la mort de leur aifné, & fans doute le plus habile, fut celui qui y eut plus de part. Peu s'en eftoit falu que ce Prélat qu'on

Loup

PAR L'IN

D'UN DE SES

BONS OFFIC

CORDE

Jaligni,p.

24 in pa

Pacard.

foupçonnoit, parce qu'il eftoit homme d'in- LIBERTE trigue, n'euft efté arresté en mesme-tems que TRIGUE fon cadet. Il ne pouvoit manquer de l'eftre, FRERES ET fi un Chanoine d'Amboife, qui avoit efté fon PAR LES Aumofnier, aiant fçû qu'on devoit l'enlever, CES DE DEUX n'euft prévenu, par fa diligence, le Courier LIERS 14894 qui en portoit l'Ordre. L'Evefque s'enfuit à Avignon, depuis s'eftant juftifié il eftoit revenu à la Cour, & pour s'y mettre en crédit, il s'eftoit attaché à convaincre la Dame de Beaujeu, qu'il ne vouloit dépendre que d'elle, & n'avoir liaifon ni commerce avec qui que ce foit, qu'il ne fuft dans fes intérests. Cette proteftation, affaisonnée de grands refpects & renouvellée de tems en tems, faifoit plaifir à la Conteffe. Elle voioit Albi de bon œil, & lui donnoit de fois à autre des témoignages de fon eftime; mais quoi qu'il fuft bien auprès d'elle, & qu'elle l'écoutaft comme un homme d'efprit & de bon conseil, il s'estoit bien gardé, de peur de devenir fufpect, & de s'expofer mal-à-propos aux reffentimens d'une femme ambitieufe & vindicative; il s'ettoit, dis-je, bien gardé de lui representer ́ Finjuftice qu'il y avoit à tenir d'Amboife en prifon. Ce que ce Courtifan, plus politique que bon parent, n'avoit ofé tenter lui-mefme, il le fit faire par les amis.

Albide puis long-tems eftoit en liaison avec

deux

deux Cordeliers qui eftoient alors en grand crédit. C'eftoit par fa protection, autant que par leur mérite, qu'ils eftoient parvenus aux premieres Charges de leur Ordre; & c'estoit lui, qui finement, fans paroiftre le faire à deffein, les avoit introduits & fi fort vantez à la Cour, qu'ils eftoient Confefleurs, l'un du Roi, l'autre de la Dame de Beaujeu. Le Confeffeur du Roi, s'apelloit Olivier Maillard; celui de la Dame, fean Malerne, tous deux gens d'efprit; Maillard grand Prédicateur, Malerne ne l'eftoit pas, mais c'estoit un homme perfuafif, qui parloit avec énergie & infpiroit ce qu'il vouloit; tous deux eftimez, autant pour leur vertu que pour leurs talens: dans la fuite, fi ce que l'on a dit eft yrai, l'air de la Cour les corrompit, & ils devinrent intéreffez, jufques à vendre leur honneur. On dit que bien paiez, par le celebre Ferdinand V. Roi de Castille & d'Arragon, ils firent acroire à Charles VIII. & à la Dame de Beaujeu, que l'ame du Roi leur pere fouffriroit tant qu'ils ne reftituëroient point à ce rusé Roi d'Arragon, fans échange, fans remboursement, la Cerdagne & le Rouffillon. Louis XI. avoit acquis ces deux Provinces par achapt felon quelques-uns, felon d'autres par enga gement, moiennant trois cens mille écus.

Albi s'eftant ouvert aux deux Cordeliers,

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