estoit, en ce tems-là, ce qu'ont efté depuis le Grand Maistre de l'Artillerie & le Colonel General de l'Infanterie Françoife. Des huit filles, une fut Abbeffe de fainte Menehoud, une Religieuse à Fontevraut, une Prieure de Poiffi; les cinq autres furent mariées aux premiers Seigneurs du Roïaume. Les neuf garçons furent tous gens de mérite, & tous emploïez plus ou moins, la plufpart avec fuccès, dans les grandes affaires du tems. Charles, l'aifné de tous, fut Chevalier de S. Michel à la premiere Promotion. Il fut fucceffivement Gouverneur de Bourgogne, de Champagne,de l'Ile de France. C'étoit l'Ami & le Confident de Louis XI. Jean, qui fuivoit Charles, fut Evefque de Langres, & Lieutenant de Roi en Bourgogne. Aimeric, Chevalier de S. Jean de Jerufalem, Ordre alors eftabli à Rhodes, aujourd'hui à Malthe, fut Grand Prieur de France, enfuite Grand Maiftre de l'Ordre. Loüis, Evefque d'Albi, génie supérieur, génie de négociation & d'affaires,eftoit dès le Régne de Louis XI. Lieutenant de Roi en Rouffillon, en Guienne & en Languedoc. Jean, Chef de la Branche de Bussi, Lieutenant de Roi en Normandie, homme auffi guerrier que pôli, étoit l'Oracle de la famille & les délices de la Cour. Pierre fut Evefque de Poitiers, Jâques le fut de Clermont, & Abbé de CARAGTERE DE CE Cluni; Hugues, tige de la Branche d'Aubijoux, fut, fous le Régne de Louis XII. CapitaineLieutenant des deux cens Gentils-hommes de la Maifon du Roi; George fut Cardinal & Archevesque de Roüen. C'estoit le dernier des neuf, felon quelques Hiftoriens; & felon d'autres le pénultiefme. Il y a peu d'exemples d'une Famille auffi floriffante. Quoique George d'Amboife fuft né avec de MINISTRE. J'efprit, l'ambition & l'expérience lui en donnérent plus dans la fuite qu'il n'en avoit eu de naiffance. Les grandes affaires élevent le cœur & l'efprit; & tel homme qui n'auroit esté que d'un mérite médiocre, s'il fuft demeuré particulier, devient un homme excellent, quand apellé au Miniftere, il redouble fa vigilance, fon aplication & fes foins dans le defsein de réüffir. George d'Amboise estoit un homme de bon efprit, qui penfoit jufte & qui s'exprimoit noblement; esprit un peu lent, conçevant avec peine, mais arrangeant bien un deffein quand une fois il l'avoit conçû. Il n'y avoit point d'homme de guerre qui réglaft auffi-bien que lui l'ordre & le détail d'une expédition. A en juger par la figure qui est à Rouen fur fon Tombeau, ce n'eftoit pas un bel homme, en récompenfe c'eftoit une grande & belle ame; homme généreux, bien-faisant par inclination, ne fongeant qu'à fe faire ai mer; mer; aimant les louanges & tafchant de les Il vint au monde l'an 1460. quoique dès fa naiffance il fust destiné à l'Eglife comme cader de fa Maison; il ne fit pas pour cela de meilleures eftudes. Un Gentil-homme, en ce tems-là, euft, tenu prefque à deshonneur de fçavoir beaucoup. La mode eftant alors que les Ecclefiaftiques fuffent Docteurs en Droit Canon, il se se fit de bonne heure. Il eftoit plus aifé d'en avoir le titre que d'en aquérir la capacité. a A quatorze ans d'Amboife fut poftulé à l'E- AQUATORvefché de Montauban par une partie du Cha ZE ANSIE pitre.; LE EVESQUE TAUBAN. Ego anno Officialis & ne Archie de caufa Ele tis Albani inter Geor Catel, Hi : DE MON- pitre; l'autre partie aiant élû un Chanoine Preftre de cette Eglife; il eftoit aifé de décider, 1474. tunc à en juger par le bon fens & par les Loix EcVicarius Do- clefiaftiques, qui des deux Concurrens auroit mini de Leo- dû eftre preferé. L'Elû eftoit un homme fait, pifcopi Tolo- qui avoit de l'érudition, du mérite, de l'exJani, cognovi périence d'Amboise n'eftoit qu'un enfant; tionis Epif- cependant l'enfant l'emporta, moins par le copatus mon- luftre de fa Famille, quoi qu'elle fuft confidérable, que par l'intrigue de fes freres, & par gium de Am- le crédit que l'aifné avoit auprès de Louis XI. bafia& Elec fous un Prince, dont la politique & l'inclinamofinarium ejufdem Ec- tion eftoit de ne garder ni régle ni mesure. clefia, &c. On ne doit point eftre furpris qu'il y euft peu toire de de discipline, ou pluftoft qu'il n'y en euft Languedoc, Evefque de point, ni dans l'Eglife ni dans l'Eftat. Le jeune Evefque introduit à la Cour, où 1474. fes freres eftoient en faveur, y fut Aumofnier INTRODUIT du Roi. Si la Cour de Louis XI. n'eftoit pas une Ecole, où le jeune Prélat puft se former à la vertu ni aux fonctions de son Estat, il y aprit du moins à fe bien conduire & à ne parler qu'à propos ; chose des plus importantes pour ne point gafter fes affaires dans un païs plein d'Efpions, & où la plupart des gens, de ceux-mefmes qui fe difent amis, ne laissent pas, par leurs raports, de faire leur cour à vos dépens; raports fouvent infidelles, toûjours malins, Montauban A LA COUR, IL Y EST AUMOSNIER L'humeur L'humeur de Louis XI. défiant à l'excès, fes variations continuelles, la prévention où l'on eftoit qu'il fçavoit toft ou tard tout ce qui fe difoit & faifoit, tenant tout le monde en alarme, chacun eftoit fur fes gardes. D'Amboise y eftoit plus qu'un autre, parce qu'il avoit l'honneur d'aprocher le Roi de plus près, & d'en aprocher plus fouvent, comme fon Aumofnier. Tout jeune qu'il eftoit, il fçût de bonne heure fe contenir, à l'exemple des perfonnes fages qui parloient le moins qu'elles pouvoient, de peur d'irriter un Prince auffi terrible que Louis XI. qui regardoit comme ennemis tous les gens qui lui déplaisoient : grande gefne pour des Courtifans, fous les yeux de qui fe paffoient tous les jours des fcénes nouvelles. Loüis débarassé, par la mort de Charles le Hardy dernier Duc de Bourgogne, de la feconde Race, des inquiétudes que ce Duc, turbulent, guerrier & puiffant lui donnoit continuellement, ne fongea plus tant au-dehors, mais tourna fes vûës au-dedans, principalement fur la Famille, qui eftoit réduite LE MARIAen ce tems-là au Dauphin & à deux Princeffes. LES DE LOUIS L'aifnée des deux, appellée Anne, avoit de XI. FAIT l'efprit infiniment; la feconde, nommée Jean- LAC ne, ne paroiffoit guéres en avoir. L'une eftoit is. belle & se presentoit noblement, l'autre estoit GE DES FIL NAISTRE A COUR PAR |