tela qu'il fallût négliger de faire pénitence de fon crime; il jugea que pour l'expier il étoit néceffaire qu'il entreprit le voyage de la Terre fainte. Il convoqua à cet effet aux fêtes de Noël de l'année 1144. en la ville de Bruges une grande affemblée de Princes, Seigneurs & Evêques de fon Royaume, où S. Bernard fe rendit à fa priere. Cette année étoit la même en laquelle le Roy avoit fait faccager Vitry, & il conclud la paix avec Thibault par l'entremife de ce faint

Abbé.

Le Roy propofa la croifade à cette affemblée: mais S. Bernard, que quelques Hif toriens difent avoir été l'auteur de cette entreprife, s'y oppofa d'abord avec beaucoup de fermeté, & remontra qu'on ne devoit pas paffer outre fans avoir confulté le Pape. Son fentiment fut approuvé & fuivi, le Pape

confentit & écrivit des lettres très-preffantes pour exhorter le Roy, les Princes & les grands Seigneurs de France à entreprendre ce voyage. Il écrivit auffi à S. Bernard, auquel il commanda de prêcher la croifade., Voilà le motif qui obligea faint Bernard à prelfer une fi grande affaire ; car avant ce temps-là il ne voulut jamais parler ni donner confeil fur une entreprise de cette importance.

Le Roy fit affembler aux fêtes de Pâques

I 144.

1145:

1149.

de l'année 1145. les Grands du Royaume à
Vefelay, petite ville de Bourgogne entre Au-
xerre & Autun, où le Roy, le Comte Ro-
bert fon frere, Thibault Comte de Champa-
gne & autres grands Seigneurs du Royau-
me fe rendirent, & prirent la Croix des
mains de S. Bernard. A leur exemple le re-
fte du peuple fe croifa en fi grand nombre,
qu'à peine refta-t'il un homme contre fix
femmes. L'Empereur & les Princes d'Alle-
magne & d'Italie fuivirent leur exemple.
Tout le monde courut à cette expédition
comme à une victoire affurée
par les
pro-
meffes de S. Bernard; mais fouvent les plus
faints ne font pas prophetes : & en effet cette
entreprise ne réüffit pas, & ces Princes re-
vinrent en Europe avec ce qui leur reftoit
de troupes,
l'an 1149. Thibault Comte de
Champagne ne prit point la Croix, mais
ce fut Henry fon fils.

Le Comte Thibault mourut à Lagny le 10. Janvier de l'an 1151, ou felon le nou1152. veau ftile 1152. d'autres difent en 1155.

& fuivant l'Hiftoire de France, il fut enterré à Livry; fuivant l'Hiftoire de Verdun, à Pontigny; & felon Pithou à Lagny fur Marne, fous un tombeau de porphyre qu'on y voit encore aujourd'huy, mais fans aucune infcription; ce dernier fentiment doit être fuivi, & qu'il fut inhumé à Lagny l'an

1152. comme il paroit par une chartre du Comte Henry le Libéral fon fils & fon fuc ceffeur, qui le dit pofitivement.

Thibault fut furnommé le Grand, non feulement pour ses grandes vertus; mais encore parce qu'il étoit grand en biens, grand en forces, grand en lignée.

Tous fes fils furent grands Seigneurs, & fes filles hautes & illuftres Dames. Il fut magnanime & libéral, brave de fa personne, & fort renommé pour fes grandes actions. L'Hiftoire remarque qu'il étoit en France Secundus à Rege, & qu'il étoit le plus grand Prince de fon temps; il fut le dernier qui poffeda enfemble les Comtés de Champagne & Brie, de Blois, de Chartres,

&c.

L'Auteur du fecond livre de la Vie de S. Bernard, chapitre XV. fait un éloge admi rable de ce Comte, qu'il dit avoir été celuy de tous les Princes qui s'attacha le plus étroitement à ce faint Abbé, qui affifta Clervaux & de fes biens & de fa perfonne, qui mit fon ame & fa conduite entre les mains de ce Saint, & qui fe dépouillant de fa grandeur de Prince, fe montra plutôt ferviteur que maître parmi les ferviteurs de Dieu. Cet Hiftorien parle enfuite des fondations que fit ce Comte de plufieurs Abbaïes, de es grandes & abondantes aumônes, de fa

patience, & de fa parfaite réfignation aux volontés de Dieu dans fes adverfités.

L'Auteur du troifiéme livre de la même Hiftoire, chapitre XIII. dit que Thibault étoit entierement occupé aux œuvres de miféricorde, affectionné aux exercices de piété, & très-ardent ani de tous les ferviteurs de Jefus-Christ.

Ce Cointe époufa Mathilde ou Mahauld, fille de Baudouin dit le Bon, Comte de Flandre, felon quelques Hiftoriens; & felon d'autres, fille d'Angelbert Duc de Carinthie , qui eft enterrée dans le chœur de S. Quiriace de Provins auprès du grand autel: de laquelle il eut dix ou onze enfans, cinq fils & fix filles; il porta le titre de Palatin.

L'aîné fut Henry furnommé le Libéral, né l'an 1127. qui fut d'abord Comte de Blois, puis Comte de Champagne, dont nous parlerons.

Le fecond nommé Thibault, furnommé le Bon, Comte de Chartres, fut grand Sénéchal de France, qu'on nomme à présent Grand Maître, en 1152. après la mort de Raoul Comte de Vermandois, Prince du Sang. Il eft nommé en plufieurs chartres Procurator regni Francorum; ce qui fignifioit alors Régent en France. Ces deux freres furent gendres du Roy Louis le Jeune, ayant

épousé

époufé fes deux filles Marie & Alix, qu'il avoit eûes de la Reine Eléonor. Ils étoient

encore les beaux-freres, à caufe que le Roy Louis avoit époufé Alix ou Adele leur jeune fœur, mere de Philippe Augufte.

Thibault, dit le Bon, parce qu'il étoit grand aumonier, & d'un naturel benin & gracieux, mourut au voyage qu'il fit en la Terre fainte au fiége d'Acre, de Ptolémaïs, ou d'Afcalon, environ l'an 1201. d'une playe glorieufe, ou felon d'autres d'un flux de fang. Il eut d'Alix fon époufe quatre fils & trois filles, fçavoir Thibault & Henry, qui moururent en bas âge; Philippe, qui mourut fans enfans; & Louis Cointe de Blois & de Chartres, auquel le Roy donna le château de Levroux en Auvergne, & Baudouin Empereur de Conftantinople luy donna le Duché de Nike. Louis prit la Croix l'an 1199. il fut tué au fiége d'Andrinople l'an 1205. Il eut de Catherine, fille aînée de Raoul Comte de Clermont fon épouse, Thibault qui luy fucceda aux Comtés de Chartres & de Blois ; il fut auffi Comte de Clermont comme héritier de fa mere; il fut infecté de la lepre & mourut fans postérité.

Les trois filles de Thibault le Bon furent Marguerite, mariée en premieres nôces à Hues d'Oify, & en fecondes nôces à Eude Comte de Bourgogne, & en troifiémes à

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