fit tomber, il fut percé de plufieurs coups. Godégésile le voyant mort, commanda qu'on fit quartier au reste, & felon l'ordre qu'il en avoit reçu de la Reine Brunehaud, il fit dire au Duc Bertfroy qu'il pouvoit se retirer en fureté; & en effet il le retira en diligence à Verdun, où il se refugia dans la Chapelle. Mais le Roy ayant sçu qu'on l'avoit laille échapper, dit tout irrité à Godégéfile qu'il y alloit de sa tête, s'il ne luy apportoit celle de Bertfroy. Ce Général marcha à Verdun, &affiégea Bertfroy dans fon afile, & comme l'Evêque luy en refusoit l'entrée, il fit monter des foldats fur le toit, qui l'ayant découvert tuérent ce malheureux à coups de tuiIcs dans la Chapelle même. Gisle Evêque de Reims, qui vray-semblablement avoit été de cette confpiration, se tira d'intrigue en se reconciliant avec le Duc Loup, qui avoit beaucoup de crédit sur l'esprit du Roy. Gontran qui avoit fait promettre au Duc Loup de ne jamais faire d'accommodement avec cet Evêque, ne put sans quelque déplaifir oublier la parole qu'on luy avoit donnée: il ne jugea pas néanmoins la chose affez importante pour s'en plaindre. Gifle s'engagea dans une seconde confpiration, qui étoit d'empoisonner Childebert 190. fon Roy, dont il fut convaincu ainsi que de la premiere conspiration, dans un Concile tenu à Metz l'an 590. Cet Evêque fut contraint d'avoüer luy-même qu'il étoit criminel de leze-majesté, & qu'on avoit trop tardé à le condamner. Il fut déposé de l'Epifcopat; Flodoard dit que ce fut en l'an 597. & qu'à la priere des Evêques le Roy luy accorda la vie; il fut relegué à Strasbourg, fes trésors furent partagés, & on laissa à fon Eglise tout ce qui procedoit de ses revenus, & le reste fut porté à Childebert. Romulphe fils du Duc Loup fut fait Evêque en sa place. Fortunatus parle de ce Prélat avec éloge. On ne voit pas en quel temps mourut le 593. Duc Loup, mais il y a lieu de croire que 594. ce fut avant l'an 593. ou 594. puisque Dupleix dans son Histoire de France remarque qu'en cette année mourut Amalon, Duc de Amalon, Champagne, qui par conféquent avoit fuc-lecond cedé à Loup. Voicy comme il parle de la Champa mort de ce Duc, qui eft affez curieuse, pagne. pour mériter d'être mise au nombre des actions héroïques, dont les femmes se trouvent quelquefois auffi capables que les plus grands hommes. Cette action est d'autant plus digne de loüange, que celle dont nous allons parler n'avoit point concerté celle que nous allons décrire, ni avec ses amis ni avec elle-même, & qu'elle l'exécuta néan moins avec autant de prudence que de cou rage, Amalon Duc de Champagne étant deveLa Judith nu amoureux d'une fille extrémement belle, Françoise, envoya fa femme à une maison de campa 1. gne: un soir qu'il étoit yvre, il ordonna à ses gens d'aller prendre cette fille chez elle & de la luy amener, ce qu'ils firent : mais comme cette belle personne apportoit toute la résistance dont elle étoit capable pour défendre sa chasteté, le Duc & ses domefti-ques la frappérent, & luy ayant donné quelques coups sur le visage, elle perdit beaucoup de sang par le nez; malgré tous ses efforts on la porta en cet état avec violence dans le lit du Duc, lequel assoupi des fumées du vin & des viandes, la tenant embraflée s'endormit sans avoir donné d'atteinte à sa chasteté; mais dès qu'elle s'apperçut que cet homme dormoit d'un profond foinmeil, semblable à cette illuftre Veuve qui coupa la tête d'Holopherne dans une pareille conjoncture, elle prit l'épée du Duc qu'elle avoit vuë au chevet de son lit, & luy en donna un coup mortel sur la tête; la douleur de la blessure ayant éveillé le Duc, il appella ses gens avec de grands cris, ils accoururent & voulurent tuer cette fille: mais il les en empêcha, avoiant prêt à rendre les derniers soupirs, qu'il avoit eû tort; d'avoir voulu attenter à la pudicité d'une personne si sage, & qu'elle avoit eû raison de la défendre par une voye auffi extraordinaire, & peu après il rendit l'esprit. Pendant que tous les domestiques étoient étonnés de voir leur Maître en cet état, cette Héroïne, qui avoit conservé un jugement entier dans une rencontre capable d'étonner les plus afsurés, échappa de leurs mains, & marchant toute la nuit avec diligence, elle alla le lendemain à Chalon fur Saone à quinze lieuës de là, trouver le Roy Gontran qui entendoit la Messe dans l'Eglife de S. Marcel. Lorsqu'elle se jetta à ses pieds pour demander sa grace, le Roy prit plaifir à luy entendre raconter cette histoire, & touché d'admiration d'une vertu si peu commune, non seulement il luy accorda la vie, mais il la prit encore fous sa protection, défendant aux parens du défunt de luy faire aucun déplaifir. Grégoire de Tours, & après luy Fauchet & Dupleix qui ont écrit cette hiftoire, ne difent point le nom de cette Judith Françoise, ils se contentent seulement de dire qu'elle étoit également noble, belle & remplie de vertu. Après la mort d'Amalon, Guintrio ou Wintrio, Wintrio fut Duc de Champagne; quelques troifiéme Historiens le disent fils du Duc Loup: d'au- Duc de tres prétendent que Gifle luy fit donner ce ChampaDuché; quoy qu'il en soit, l'Histoire re-ge. marque qu'après la mort de Gontran, Childebert joignit par cette mort le Royaume de Bourgogne à fon Royaume d'Austrafie. La haine qu'il portoit à Frédégonde étoit si grande, qu'il résolut de luy faire la guerre, & de détruire le Roy Clotaire son fils encore jeune. Il affembla pour cet effet une puissante armée d'Austrasiens & de Bourguignons dans la campagne de Reims sous la conduite du Duc Guintrio & de Gombault; le Roy leur comınanda d'entrer dans le païs ennemi, & d'y mertre tout à feu & à fang. Ces Ducs partirent de Champagne à la tête de leur armée, entrérent dans le Soifsonnois, où ils commencérent à tout ravager; mais Frédégonde les défit avec le secours de Landry, & l'armée fut mise en déroute. Le Duc Wintrio malgré cette défaite rallia quelques troupes, & vint à la charge, & donnant à fon tour sur les foldats de Frédégonde occupés à piller, il en fit un grand carnage; il fut enfin repouffé, & il eut même grand'peine à se sauver. Il y resta trente mille hommes sur la place de part & d'autre. L'armée de Frédégonde qui eut l'avantaà sang dans la 598. ge, mit enfuite tout à feu & Champagne, & fit tuer tous ceux qui pouvoient porter les armes, & ils emmenérent les femmes & les enfans. Cette défaite arriva |