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DU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE,

Par M. GUSTAVE VALLIER.

Séance du 22 mars 1867.

Nous savons tous que les écrits de Guy Allard ne sont pas paroles d'évangile et qu'il est bon parfois de n'accepter ce qu'il avance que sous bénéfice d'inventaire. En voici une nouvelle preuve, peu importante, il est vrai, par son résultat, mais qui témoigne une fois de plus combien il est bon de recueillir tout ce qui touche, de près ou de loin et à un titre quelconque, à l'histoire de notre pays. J'ai relevé, il y a quelques jours, chez un marchand de bric-à-brac de Grenoble, et sur l'indication que m'en avait fournie M. Ed. Maignien, une petite inscription en fort beaux caractères gothiques, placée sur le socle d'une statue, ou plutôt de deux, car elle se trouve répétée au bas d'une seconde statue qui sert de pendant à la première. Ces deux statues sont en bois, ont un mètre de haut, et sont coloriées suivant la mode et le goût de l'époque où elles ont été fabriquées. Le style tout est relatif - n'en est pas trop

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mauvais. Elles représentent saint Jacques et saint Christophe, ce dernier portant l'enfant Jésus sur ses épaules. Le socle a 20 cent. de hauteur, et l'inscription, placée sur deux lignes, est coupée par un écusson dont je parlerai tout à l'heure.

Voici d'abord l'inscription, dont l'interprétation ne soulève aucune difficulté :

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Anno Domini millesimo sexcentesimo fecit fieri dominus Aymo de Charansonay curatus sancti Jacobi Eychirolay.

Charansonnais, suivant Guy Allard, a été une famille noble, du côté de la Mure, venue autrefois du Piémont. Elle portait d'argent au lion de sable couronné, lampassé el armé d'azur, à la bordure engrelée de même. Notre écusson diffère de celui-ci en ce que je ne puis le lire autrement que d'or, au lion de sable. Ce lion est-il armé et lampassé d'azur? Je l'ignore : les couleurs sont trop effacées pour pouvoir en juger. Quant à couronné, notre blason, qui est sculpté en haut relief, n'offre pas de trace de cet ornement pas plus que de la bordure engrelée.

Guy Allard ajoute que cette famille a fini par Jeanne de Charansonnais, mariée en 1586 à Jacques Chambrier. L'inscription que je viens de rapporter prouve que, sur ce point, notre auteur a manqué d'exactitude, puisque nous trouvons, en 1600, un autre membre de cette famille, curé il est vrai et par conséquent mort au monde,

mais enfin vivant encore à cette époque et représentant de droit de la race des Charansonnais ou Charansonay. Il ne peut y avoir de doute à cet égard, vu les armoiries dont j'ai parlé plus haut. Tout au plus pourrait-on objecter qu'il a été le dernier survivant de la branche aînée de cette famille, puisque son écusson n'offre pas de brisure, et que Jeanne de Charansonnais n'était, de son côté, que le dernier représentant d'une branche collatérale ou cadette, finie avant la branche aînée.

J'ai également trouvé une famille de Charansonnais en Savoie; mais j'ignore à quelle époque elle y existait et s'est éteinte. Son écusson, que j'ai vu représenté dans un armorial manuscrit appartenant à M. Eloi Serand, d'Annecy, ne diffère pas, si ma mémoire me seconde bien, de celui de la famille dauphinoise qui en était sans doute une branche. Ne serait-ce point là le trait d'union entre l'origine piémontaise de cette famille et son établissement en Dauphiné?

A un autre point de vue, cette inscription nous donne l'orthographe du nom d'Echirolles à cette époque, ainsi que le nom de l'un des curés de cette paroisse.

OU

DEFENSE DU PATOIS DE L'ISÈRE

PAR

UN ÉTRANGER CONTRE UN GRENOBLOIS.

Séance du 22 mars 1867.

A qui se voit forcé de faire son apologie, il est permis apparemment de parler de soi. Du moins je le ferai avec mesure et précision.

Le livre auquel je ne cesse de travailler depuis bientôt cinq ans, et qui comprend quatre tomes d'au moins six cents pages chacun, a pour titre principal : « Bibliothèque elzévierienne de la Romane du Midi.» Cette suscription déclare assez que mes études portent plus haut et plus loin qu'on ne serait tenté de le penser si on s'en tenait au second titre «Anthologie nouvelle, ou Recueil complet des poésies patoises des bords de l'Isère, » et elle a aussi pour objet de rappeler que le dialecte rustique du Dauphiné est à la langue de l'Occitanie comme la partie est au tout, ou l'espèce au genre.

Si mon livre est dit bibliothèque, c'est qu'il offre à la fois introduction, texte, traduction, commentaire et glossaire, et si cette bibliothèque porte le beau nom d'elzé

vierienne, c'est que rien n'y manque de ce qui peut le mériter. Aussi bien, format de luxe, papier de choix, caractères neufs, tout conspire à en faire une véritable perle typographique, en même temps qu'elle est par son contenu un incomparable souvenir de famille, une antique et, pour cela surtout, précieuse relique de la petite patrie. Enfin, si mon Recueil s'appelle aussi «Anthologie nouvelle, » c'est en mémoire d'une certaine « Anthologie palatine » qui a paru dans ces derniers temps, et à l'édition de laquelle j'ai contribué pour une large part.

Des divers titres de ma publication j'arrive en droite ligne à ceux de mon adversaire. « Etre né à Grenoble sur la fin du siècle dernier, dirai-je à M. Crozet, avoir passé votre jeunesse à Grenoble et dans les environs, à une époque où le patois était beaucoup plus en usage qu'aujourd'hui parmi les ouvriers et les habitants de la campagne, avec lesquels vous aviez de fréquentes relations, avoir eu de nombreuses occasions d'entendre et même de parler vous-même ce langage pittoresque : cela ne saurait être ni le seul ni le meilleur moyen d'apprendre le patois du Dauphiné. Autrement, plus on aurait d'éloignement pour l'école, d'aversion pour la grammaire et le lexique, plus on se trouverait près et en état de savoir. A ce compte-là, par exemple, tel ménétrier de village qui fait danser sous l'ormeau, mais qui, de sa vie, n'a ni écrit ni lu une seule note de musique, aurait le pas sur tel ou tel virtuose en qui l'étude a secondé et fécondé l'inspiration.

Si le lieu où nous sommes nés, si même la ville où nous vivons importe assez peu à qui aspire à devenir philologue ou linguiste, en revanche, il est une chose dont nous devons nous préoccuper au plus haut degré je

T. III.

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