Imágenes de páginas
PDF
EPUB

<< pas sans un sentiment profond d'admiration que nous << traversons la superbe tranchée d'Elgirch. Qu'on se << figure des talus de 50 m. de haut, se dressant à droite «<et à gauche du canal, et, tout le long de ces berges << colossales, des chemins de fer travaillant activement

au déblaiement des terrains; de distance en distance, << des excavateurs puissants creusent le sable et rem<< plissent les vagons à mesure qu'ils passent. » (Page 35.)

« A 4 h. du matin, nous arrivons au kil. 20; le pays << n'a pas d'autre nom. Nous trouvons là le canal dans << sa largeur définitive, et un petit bateau à vapeur très« confortable nous conduit à Port-Saïd qui forme l'ex<«<trémité du canal et le port d'entrée sur le golfe de • Péluse. » (Page 37.)

<< Ce qu'il y a de curieux à voir à Port-Saïd, ce sont «<les travaux du port que l'on bâtit avec d'énormes << blocs de ciment hydraulique que l'on jette pêle-mêle << dans la mer pour former les jetées. Il est aussi très<< intéressant de visiter, dans les immenses ateliers de << construction, les machines qui doivent servir à toute. << l'exploitation du canal. » (Page 38.)

Faisons observer en passant que ces jetées que la tempête devait renverser au fur et à mesure de leur établissement, sont achevées jusqu'à la profondeur de sept mètres.

M. Guimet, je me brouille de nouveau avec vous ! Comment avez-vous pu voir et recevoir de la pluie dans le désert de Suez au milieu duquel j'ai vécu, pendant un mois, en plein air, marchant sur le sable par le plus éclatant soleil, et couché sous la tente par les nuits les plus pures? Des gens toussant et grelottant à Ismaïliah

où je comptais aller guérir les catarrhes de ma vieillesse ! Est-ce qu'en transportant leurs hommes et leurs instruments de travail en Afrique, la Seine et la Tamise ont également apporté leurs névralgies et leurs brouillards ?...

M. Guimet ne trouve heureusement au Caire ni dyssenteries, ni ophthalmies, ni furoncles du Nil, ni gale bédouine, dont on l'avait trop effrayé. Peintre et philosophe, sa première pensée est pour le musée de Boulak. La vue de toutes ces statues de dieux et de déesses, emblêmes des croyances égyptiennes que l'écriture hiéroglyphique nous a transmis, lui donne l'occasion d'expliquer cette religion mystérieuse dont les symboles, dit-il, page 57, se font jour et les dogmes naissent aussi poétiques et aussi relevés que ceux de la religion catholique; je puis le dire, puisque, pour la plupart, ils sont identiques.

Cette dissertation annonce, de la part de M. Guimet, des études savantes et sérieuses. Quoique je sois loin d'en approuver toutes les déductions, j'engage les amateurs de théogonie à lire les pages qu'il y consacre.

Le lendemain, M. Guimet se rend à la Citadelle. Permettez-moi de vous citer une page de ses émotions à la vue du panorama splendide que l'on découvre de la mosquée de Méhémet-Ali, au saut du Mamelouck (Pages 72 et 73):

« De cet endroit, l'aspect de la ville est magnifique. » Au premier plan, sur la place Roumeileh, se dresse

la superbe mosquée de Hassan, escortée des deux mos» quées plus petites de Mamoudyeh et de Mardini au >> clocher si délicat. Puis, par- derrière, la ville s'étend. » Les toits, les dômes, se succèdent comme les vagues

» d'une mer pétrifiée dans laquelle on aurait fait pous» ser une forêt de minarets. Quand on réfléchit que

plus de quatre cents mosquées ornent le Kaire, on » peut comprendre la justesse de la comparaison.

» Sous ce climat privilégié, il ne pleut presque jamais, » mais souvent, pendant l'hiver, le soleil du matin est » voilé de brouillards, et une muraille de vapeurs gri»ses s'élève du fleuve. Tel était l'état de l'atmosphère au » moment où nous contemplions ce spectacle émou>> vant. Un rideau grisâtre cachait le Nil et l'horizon des » Pyramides; le panorama de la ville semblait inter>> rompu tout à coup et, quoiqu'on la vît tout entiere, l'imagination pouvait la supposer plus grande encore : >> il semblait qu'on n'apercevait qu'un fragment d'une » cité infinie qui devait couvrir la terre; grâce à son » enceinte de nuages bas et opaques, le Kaire prenait » des proportions grandioses qu'il n'aurait pas eues si on » avait pu se rendre compte de ses dimensions réelles.

[ocr errors]

» De plus, le soleil blafard qui éclairait le paysage >> donnait aux ombres des profondeurs indécises, une >> lumière mate blanchissait les édifices, on les voyait » vaguement comme dans un rêve et pourtant avec

une grande netteté de détails. Ces formes bizarres, » ces teintes fades et ces contours précis tenaient telle»ment du fantastique, que l'on ne croyait plus à la » réalité de ce qu'on voyait et l'on s'abandonnait aux » sensations indéfinies et délicieuses des preneurs de » hatchich ou des fumeurs d'opium. »

J'applaudis de toutes mes forces à cette magnifique description. Toutes les personnes qui ont visité le Caire, ont admiré comme lui ce panorama, l'un des plus splendides du monde.

M. Guimet avait vu, à son arrivée, les travaux d'Ismaïliah et de Port-Saïd; il veut visiter ceux de Suez et de Chalouf. Cette course lui donne l'occasion de confondre, en quelques belles pages, les adversaires du canal et de mettre à néant toutes les objections ridicules faites à cette grande œuvre, telles que la différence du niveau des deux mers, la jalousie de l'Angleterre, les ensablements, etc., etc., et il conclut ainsi :

<<< Il est incontestable que, quoi qu'il arrive, ce canal << se fera, et que si les Actionnaires ont la patience et le <<courage nécessaires, ils peuvent mener l'affaire à sa « réussite complète. »

Que dirait-il aujourd'hui que les puissantes machines de MM. Borel et Lavalley font un million de mètres cubes par mois et se préparent graduellement à porter ce chiffre à 1,500,000 mètres, à 2 millions peut-être ?

M. Guimet a eu la bonne fortune de remonter le Nil et de parcourir les grandes ruines de Louqsor, de Thèbes et de Karnac. Ce voyage lui donna l'occasion de décrire, toujours avec enthousiasme, souvent avec bonheur, les lieux qu'il a visités. Ecoutez cette page pleine de poésie, écrite en revenant de Philæ (Page 214):

<«< Nous l'avons vue l'île sans pareille, la belle Philæ, » la favorite des Ptolémées! Nous l'avons vue et son » souvenir nous charme encore. Quelle poésie dans ce » site unique au monde! Quelle splendeur dans ces >> ruines de temples et de palais ! Quelle magnificence » dans cette verdure qui encadre les pylônes et les co»lonnades! Et le fleuve aux eaux bleues qui court » tout autour des hautes terrasses en les enveloppant » d'une écume blanchissante. Et les montagnes de » granit rose qui forment des rives sauvages et arides.

plongeant à pic dans le fleuve: elles semblent pro

» téger ce paradis, dédié à Isis, contre l'approche des

[ocr errors]

profanes. Ce n'est pas sans une suave et vive impression que je me rappelle les moments, trop courts, » hélas ! que j'ai passés dans ce lieu ravissant.

D

» La visite à l'île de Philæ est un véritable pèleri»nage artistique et archéologique. C'est pour ainsi dire » le but de notre voyage Elle le termine d'une ma»nière parfaite et en fait le couronnement suprême. »

Je regrette de ne pouvoir suivre M. Guimet au milieu de ses savantes réflexions sur l'architecture des temples et des tombeaux, sur les symboles religieux de la vieille Egypte, et surtout de ne pouvoir vous lire tant de gracieuses descriptions, tant de tableaux et de paysages que j'avais admirés comme lui en visitant le Nil inférieur. Une partie de ce qu'il a vu, je le vois encore........ excepté les brouillards, le froid et la pluie.... J'invite M. Guimet à visiter une deuxième fois l'Egypte, je lui garantis, en toute saison, ce splendide soleil dont il a, parfois et comme malgré lui, décrit la magnificence en termes enchantés, et ces effets de lune qu'il dépeint ainsi (Pages 259 et 260) :

<< La nuit arrive que nous sommes encore hors des portes de la ville; nous avons par conséquent, pour >> rentrer chez nous, à traverser, au milieu de l'obscu» rité, le Kaire dans toute sa longueur.

» C'est l'heure où tout le monde va aux mosquées ou » en revient, et les rues sont fort animées. Les lueurs » du crépuscule, se combinant avec la clarté de la » lune qui se lève, jettent sur le haut des maisons et » sur les minarets, qu'on rencontre à chaque pas, des » éclats fantastiques, pendant que la partie inférieure

« AnteriorContinuar »