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ÉGLISE CATHÉDRALE DE NOTRE-DAME D'EMBRUN.

Les monuments religieux de l'époque carlovingienne ne sont pas rares en France. On peut soutenir, sans trop s'aventurer, qu'une partie du corps extérieur de l'église d'Embrun est l'œuvre de Charlemagne.

(FABRE: Recherches histor, sur les pélerinages des rois de France à N.-D. d'Embrun.)

La cathédrale d'Embrun, par l'affirmation persistante de la tradition locale attribuant son érection aux soins de Charlemagne, et par la négation du Nord, qui n'admet rien d'antérieur au XIe siècle, parce que chez lui, en effet, il n'y a rien ou presque rien, devient, on le voit, un sujet intéressant à étudier. Quelques érudits de cette province ont tenté, avec l'aide de dates historiques et la connaissance acquise du style Franco-Gothique dit Roman secondaire, de dégager l'inconnu de ce monument, c'est-à-dire les parties anciennes de sa construction première.

En l'état actuel de la science, il ne dépendait pas d'eux que cette part fût plus nettement définie. Du moins, en osant s'affranchir des formules banales du Nord pour y voir plus clair, ils ont eu le mérite de démontrer, en faveur de la tradition, l'existence millénaire d'une partie de cet édifice. Mais, simple appendice à de sérieux

travaux d'histoire locale, ce n'était qu'un rapide aperçu, sans préjudice d'une étude archéologique plus étendue, soumise à une plus intime analyse, qu'attend encore et dont est bien digne ce vénérable monument. C'est là l'objet de ce travail.

Opinion de l'école romane.-Voici préalablement l'opinion de l'école romane d'archéologie sur l'âge et le style de cette église : «L'église cathédrale d'Embrun appartient >> au style roman secondaire par son plan et par la forme » de ses piliers, et au style gothique (c'est à-dire ogival), par sa façade et son clocher. C'est à tort que les » habitants de la localité attribuent sa fondation à Char» lemagne. Quelque flatteuse qu'elle soit à l'honneur » de cette ville, cette assertion n'est pas admissible. Il » est trop bien reconnu aujourd'hui, qu'avant le XI » siècle, la plupart des constructions étaient de bois, » que les Normands ont tout détruit, sauf le baptistère » de Poitiers, la basse œuvre de Beauvais et l'église de Germigny, et que d'ailleurs la crainte de la fin du » monde empêchait de rien édifier avant l'an 1003. >> C'est donc aux XI ou XIIe siècle et au XIII® qu'ap>> partient la construction de cet édifice. »A présent que me voilà quitte, je reprends mon travail.

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EXTÉRIEUR. Description de la nef. -L'église cathédrale d'Embrun se compose de trois nefs, divisées en quatre travées, accusées au dehors par cinq contre-forts, et terminées, à l'orient, par trois absides en hémicycle; la grande porte, abritée d'un porche, ouvre sur le côté nord, dans la deuxième travée. Du même côté, s'élève le clocher, sur l'angle de la première travée et de la fa

çade de l'ouest; la troisième travée ne montre sur sa façade lisse qu'une fenêtre étroite et profonde, décorée d'une archivolte ciselée. Remarquons aussi que ces murs latéraux reposent sur une base presque ionique, composée d'une gorge entre deux tores sur plinthe, et que le plan incliné sur lequel ils reposent, ayant nécessité dès le principe deux niveaux différents au pavé de l'intérieur, on voit, au pied de la quatrième travée, la base courante se dresser comme une rampe, sur un mètre de longueur, afin d'atteindre à un niveau supérieur de 60 centimètres environ. Sur cette même travée, joignant le chœur, s'ouvre, à son extrémité, la petite porte du chœur. Le couronnement se compose d'une frise sur arcatures, portant la corniche sous le toit et, au-dessus des combles de ces nefs latérales, s'élève, d'une faible hauteur, le mur gouttereau de la grande nef, percé de quatre petites fenêtres.

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Description des absides. — J'ai dit que les trois nefs sont terminées, à l'orient, par trois absides, une grande entre deux petites. Les petites sont à cinq pans et reçoivent le jour chacune par une seule fenêtre. La grande abside se compose aussi de cinq pans, mais qui sont précédés de deux pans parallèles, soudés à l'un des cinq pans des petites absides qui n'en découvrent ainsi que quatre. Cette partie, sensiblement plus élevée que l'hémicycle de l'abside, était le chœur des chantres, séparant la nef du sanctuaire. La partie des murs des trois nefs qui domine les trois absides est percée d'une fenêtre pour chaque nef.

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nefs par quatre contre-forts et la surélévation du pignon central. Une porte de moyennes dimensions s'ouvre au centre sous trois voussures portées par des colonnettes; deux œils-de-boeuf la surmontent; au-dessus resplendit une grande et magnifique rosace rayonnante, et, dans le pignon, un troisième œil-de-bœuf. Une frise à arcatures sur modillons couronne comme partout ailleurs, l'entablement. Une fenêtre à plein cintre éclaire chacune des deux nefs latérales dont la première travée, celle du nord, porte le clocher, percé d'ouvertures à plein cintre à ses premiers étages, avec cintre brisé dans les étages. supérieurs.

Description du clocher.—Une flèche octogone, accompagnée de quatre sections de pyramide sur les angles et de quatre lucarnes à crochets fleuris sur les côtés, s'élève à une grande hauteur.

Tel est, à l'extérieur, l'aspect général de cet édifice, qui me fait exprimer cette opinion:

Opinion préalable de l'auteur: parties du 8 siècle. -Les deux murs latéraux de la cathédrale d'Embrun, les deux petites absides qui les terminent à l'orient, et les deux premiers pans de la grande abside, appartiennent au style Gothique, c'est-à-dire, des Goths, créé au milieu du 8° siècle et régnant dans la vallée du Rhône, jusqu'à la fin du 10o.

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Parties du 11 au 12° siècle. Les fenêtres ouvertes dans les deux murs latéraux et la décoration de leurs archivoltes, les trois pans extrêmes de la grande abside et les deux travées de la grande nef, du côté du choeur, ap

partiennent au style Franco-Gothique, appelé Roman secondaire, style régnant pendant les 11 et 12° siècles.

Parties du 13 siècle. Enfin, les deux premières travées de la grande nef et la voûte de la troisième, ainsi que la façade, appartiennent au style Ogival et reviennent à la première moitié du 13 siècle, y compris les premiers étages du clocher dont les parties hautes reviennent à la fin de ce même siècle ou au commencement du 14o, tandis que le porche qui abrite la grande porte sur le côté nord, est une œuvre du 16° siècle.

Analyse. Après cette affirmation, un travail d'analyse va nous donner les preuves.

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Murs extérieurs. Mes observations porteront sur le côté nord, plus abordable que celui du midi, masqué en partie par une construction du 16° siècle.

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Matériaux. Deux sortes de matériaux ont été employés dans la construction: un calcaire dur, de couleur grise, pour le plein des murs, les pilastres et les contre-forts, et une pierre molasse jaune pour les frises, archivoltes et colonnettes.

L'appareil gothique de la vallée du Rhône, du 8 au 10e siècle, adopté par Cluny, et employé dans le Nord aux 11 et 12° siècles, est moyen, de 15 à 20 centim. de haut, sur 20 à 35 environ de largeur, et presque toujours en pierre tendre. Les moellons, taillés, sont plus longs que hauts dans la proportion de trois sur cinq, et plus hauts que longs dans celle de un sur cinq. La taille des pierres tendres est faite à la hache, tant dans

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