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Nous avons ensuite deux jugements qui donnent mainlevée d'oppositions à mariage.

L'une de ces oppositions, formée par une femme, était fondée sur ce motif que la future épouse avait été la marraine d'un enfant naturel que le futur mari avait eu de l'opposante elle-même.

Le mariage, en effet, était interdit, et est resté interdit même après le concile de Trente, entre la marraine et le père de la personne baptisée (1).

L'official rejette l'opposition comme non justifiée en fait.

Quant à l'autre opposition, le manuscrit n'en rapporte pas la cause, mais au quatorzième siècle l'official était compétent, quel que fût le motif de l'opposition. Plus tard, et après l'ordonnance de 1539, il ne le fut que lorsque l'opposant soulevait une question de validité de mariage ou de fiançailles, en se prétendant marié ou fiancé avec la personne dont le mariage était annoncé (*).

La liste des jugements civils est close par deux sentences qui annulent deux mariages pour cause d'impuissance du mari, et d'impuissance antérieure au mariage.

Cette cause de nullité du mariage donnait lieu à des procès déplorables. C'est d'elle qu'était sortie cette scandaleuse épreuve du congrès que le Parlement de Paris avait fini par proscrire au dix-septième siècle (3). Mais, restaient encore ces visites d'experts ou de matrones,

(') D'Espinay, De l'influence du Droit canonique sur la législation française, p. 251.

(2) Pothier, Contrat de mariage, no 83.

(*) Ibid., no 458.

T. III.

3

visites si révoltantes pour la pudeur, et précisément notre official statue et ne pouvait statuer qu'après une vérification de ce genre. Il faut donc louer les rédacteurs du Code Napoléon de n'avoir point inscrit l'impuissance parmi les causes de nullité du mariage, et c'est à tort, selon moi, que, malgré le silence de la loi, certains auteurs ont prétendu faire revivre les principes de l'ancien Droit.

Il résulte de notre manuscrit que l'official, en déclarant le mariage nul pour cause d'impuissance, interdisait en même temps à l'époux convaincu de cette infirmité de contracter une nouvelle union, et autorisait l'autre époux à se remarier.

Une observation générale s'applique à tous ces jugements civils. Les jugements étaient composés de deux parties, l'une, correspondante à ce que nous appelons aujourd'hui les qualités, et contenant les noms des parties, ainsi que l'exposé sommaire du fait litigieux; l'autre, le dispositif, le dictum, comme on disait autrefois. L'idée de faire précéder le dispositif de la relation abrégée du point à juger, appartient au droit canonique, et la législation civile la lui a empruntée, comme beaucoup d'autres règles de procédure; mais nous ne trouvons pas dans les jugements civils de notre officialité. cette partie si importante que nos codes modernes ont exigée, à savoir, les motifs. Il n'est donc pas exact de prétendre, comme l'a fait un auteur contemporain ('), que les tribunaux ecclésiastiques motivaient leurs décisions. Avant 1789, aucune juridiction ne prenait la peine de justifier les solutions qu'elle adoptait. C'est

(') M. Bonnier, Procéd. civile, p. 124.

l'Assemblée Constituante qui, sur ce point, a introduit une salutaire réforme dans nos lois.

J'arrive à la seconde espèce de documents mentionnés dans notre manuscrit.

Ce sont des actes qui n'ont pas le caractère de jugements. Les seuls qui méritent une mention sont la formule du serment des avocats et des notaires de l'officialité.

Une information criminelle et des procès-verbaux de visites des églises par l'official.

D'abord, le serment des avocats de l'officialité. A l'époque même où s'établissaient les officialités, c'està-dire à la fin du treizième siècle, le barreau se réorganisait. De Charlemagne à saint Louis, il avait en quelque sorte disparu de la scène par suite de cet usage barbare qui livrait au duel le sort de tous les procès. Saint Louis, en abolissant le combat judiciaire dans ses domaines, provoqua le rétablissement de l'ordre des avocats. Cet ordre fut accueilli par l'Eglise dans ses officialités naissantes avec d'autant plus d'empressement qu'à cette date de notre histoire les membres du barreau étaient presque tous ecclésiastiques. Le clergé, en effet, possédait seul le degré de culture intellectuelle qu'exige l'art de la plaidoirie.

Les avocats de l'officialité prêtaient un serment, et il est permis de penser que l'ordonnance de Philippe de Valois, en date du 13 février 1327, qui imposa aux avocats des juridictions laïques l'obligation du serment, s'inspira de la pratique inaugurée par les juges d'Eglise.

La formule du serment des avocats de l'officialité présente d'assez grandes analogies avec celle qu'ont adoptée

les ordonnances anciennes et nouvelles relatives au

barreau.

L'officialité avait, outre ses avocats, ses notaires, des notaires apostoliques et chargés de rédiger les actes empreints d'un caractère ecclésiastique, notamment ceux relatifs à la prise de possession des bénéfices. Notre manuscrit rapporte le serment que prêtaient ces fonctionnaires, qui presque tous étaient clercs.

Parmi les actes qui ne sont pas des jugements, nous rencontrons, après le serment des avocats et des notaires, une information criminelle faite par l'official au sujet d'un assassinat imputé à un clerc.

Cette information est commencée par le magistrat d'office et sur la rumeur publique, per famam publicam. Elle comprend la déposition de vingt-deux témoins entendus sous la foi du serment.

Nous ne possédons pas le résultat de cette enquête, à savoir, le jugement de l'accusé. Il est probable que, dans cette affaire, l'accusé, subissant l'application d'une jurisprudence déjà en vigueur au 14° siècle, fut dégradé par l'Eglise de sa qualité de clerc et livré ensuite au bras séculier.

Cette marche avait été introduite afin d'atténuer les inconvénients qui résultaient de la mansuétude excessive des peines canoniques. La plus sévère de ces peines était la prison, d'où il suivait que les crimes les plus graves commis par les clercs n'étaient frappés que d'une insuffisante pénalité. Voilà pourquoi il fut admis qu'en cas de crime atroce, le clerc pourrait être dégradé par l'Eglise et abandonné ensuite aux juges séculiers qui appliqueraient une peine proportionnée à la gravité de l'infraction. Toutefois, il paraît qu'en fait l'Eglise ne

consentait pas très-facilement à cet abandon du clerc à la justice ordinaire.

L'information dont nous parlons avait été, avonsnous dit, commencée d'office par l'official. Cette initiative du magistrat ecclésiastique est l'application d'un nouveau et important principe qu'introduisit le droit canonique et qu'il a légué à notre législation pénale ancienne et moderne.

Dans l'antiquité, à Rome et en Grèce, la poursuite des crimes était abandonnée à la vigilance des citoyens. Nul, en conséquence, ne pouvait être mis en jugement qu'autant qu'un simple particulier se portait son accusateur et prenait en main ce que nous appelons aujourd'hui l'action publique. La lutte s'établissait directement entre l'inculpé et son adversaire. Chacun d'eux produisait ses témoins à l'audience et le tribunal de répression statuait.

C'était le système de la procédure accusatoire. Ce système, qu'a flétri Montesquieu, traversa les âges. Au 12° siècle, il était encore en pleine vigueur. A cette époque, il reçut de l'Eglise une première atteinte. L'Eglise cessa d'admettre l'accusation privée comme une condition préalable de la poursuite, et décida qu'en cas de crime le juge ecclésiastique pourrait, soit sur une simple dénonciation, soit même d'office, commencer une information secrète et écrite, à la suite de laquelle l'inculpé, s'il y avait lieu, serait traduit en justice.

Ce mode nouveau de poursuite, la poursuite d'office, fut restreint d'abord aux procès d'hérésie; il se généralisa ensuite, et notre manuscrit nous en montre l'application à un crime d'assassinat. La poursuite d'office, imaginée par l'Eglise, envahit bientôt les juridictions

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