Imágenes de páginas
PDF
EPUB

tuelle des Nonnes, nom qui lui est venu de là (1). Il fit dans l'une et dans l'autre de fréquentes visites, et traita, à diverses reprises, soit avec les religieuses, soit avec leurs supérieurs, de cette grande question de la réforme. Il nous reste peu de documents sur ce point, mais il y a lieu de penser que ses efforts, et les prières dont il les accompagna, ne furent pas inutiles.

Il accomplissait en même temps par ses discours, ses saints exemples et son habile direction, une révolution heureuse parmi les dames de Grenoble. Plusieurs d'entre elles, qui avaient mené jusque-là une vie mondaine et toute livrée aux vanités, revinrent à des habitudes sérieuses et vraiment chrétiennes, à l'exemple de la fameuse Mme Le Blanc; d'autres, qui étaient régulières et pieuses, devinrent encore plus édifiantes, de sorte que, à la fin de la station, il y avait à Grenoble, dit notre manuscrit (), un grand nombre de Philothées.

On pense bien qu'elles parlèrent dès lors d'une << maison de la Visitation », mais saint François ne parut pas entendre, et ne répondit rien à cette première ouverture, fidèle à son habitude « de marcher réservé en matière de fondation, et d'aller, en cela, bride en mains, ayant toujours son mot à la bouche: peu et bien (3). » Il se contenta de confier, intérieurement, ces pieux désirs à l'action de la Providence; puis, il

(1) Mss., p. 1. — L'abbaye des Hayes avait alors pour abbesse Adrienne de Chamberon (Notice par M. E. Maignien).

(2) Mss., p. 2.

(3) Esprit, P. VIII, sect. xxi.

- T. II, p. 156.

repartit pour Annecy, le cœur tout plein des joies que Grenoble lui avait données.

II.

CARÈME DE 1617.

Peu de temps après son départ, et avant que le saint évêque n'eût prêché le Carême qu'il avait promis pour 1617, le Parlement de Dauphiné voulut encore s'assurer ses prédications pour la station suivante, c'est-à-dire pour l'avent de 1617 et le carême de 1618. Nous avons cité plus haut la lettre du 18 février, par laquelle François demandait au duc de Savoie ses « commandements à ce sujet (').

Cette démarche du Parlement était le plus bel éloge qu'il pût faire des premiers travaux apostoliques de l'évêque de Genève parmi nous; ajoutons, qu'il pût faire de lui-même et de la ville de Grenoble. Notre Saint en fut touché et heureux. Lesdiguières s'était joint à la Cour pour faire cette demande, ou du moins l'avait ensuite appuyée; car François, parlant de cette seconde partie de la station, dit dans une lettre que nous citerons plus tard : « Son Altesse a promis à M. le maréchal que j'irai à Grenoble (2). » Pouvons-nous douter que Jean de la Croix et toute la ville désirassent son arrivée avec la même ardeur?

() OEuvres, éd. Migne, t. VI, p. 739. (1) Ibid., p. 1083.

Ainsi, il venait vers un peuple qui lui était connu et sympathique; et si l'Avent précédent avait déjà donné des fruits, François pouvait avoir la confiance que le Carême en donnerait de bien plus abondants encore. Cette confiance ne devait pas être trompée; car il allait d'abord se produire, parmi les calvinistes, un mouvement de retour vers l'Eglise catholique, plus prononcé et plus décisif qu'auparavant.

Le saint évêque pensa qu'il serait bon de traiter, pendant ce Carême, la controverse, c'est-à-dire les questions débattues entre les catholiques et les protestants.

On peut d'abord être surpris de cette résolution, quand on connaît sa pensée sur ce genre de prédication. « Ce n'était nullement son avis, dit Mgr Camus, que l'on traitât de controverses dans la chaire évangélique (1). » »-« J'aime, disait-il lui-même, à traiter les sujets fort simplement et catéchitiquement, non point en forme de controverse, comme vous savez que ce n'est ni mon humeur ni ma façon (2). »

Mais il faut savoir que sa méthode spéciale de controverser était singulièrement douce et jamais irritante. Il n'effarouchait pas les esprits; il ne portait pas la lumière trop près des yeux et ne faisait pas de l'escrime; il maniait les armes de la milice spirituelle, non comme un escrimeur à outrance, mais avec la même dextérité dont se servent les chirurgiens qui usent de leurs rasoirs et de leurs lancettes avec toute l'adresse qu'il leur est possible, pour blesser les patients le moins qu'ils peuvent (3).

[blocks in formation]

Vous avez reconnu que cette appréciation est de l'évêque de Belley.

<< Et de fait, continue-t-il, il avait des méthodes si agréables pour traiter cette sorte de théologie, qui est toute épineuse et hérissée de pointes, qu'il la rendait toute couverte de fleurs et de roses. Il savait cacher le style sous le coton musqué ou huilé, et assaisonnait de tant de sucre l'amertume naturelle de la drogue, qu'il changeait les médicaments en confitures délicieuses, frappant également les volontés que les entendements. par la lumière et la douce chaleur de ses raisons et de ses preuves. Ainsi, au lieu que les autres, par un zèle immodéré, changent assez souvent le jugement en absinthe, lui, au contraire, à la façon d'un sage enchanteur, changeait l'absinthe en jugement, et faisait aboutir les foudres et les orages en douces pluies ('). »

Nous avons voulu citer tout ce passage, parce que nous n'aurions pu dire aussi bien comment saint François traita à Grenoble cette délicate matière des questions controversées.

D'ailleurs, il sut toujours y mettre ce profond sentiment, cet esprit de Dieu qui faisait une vive impression sur les âmes. Ainsi, lorsque, dès le mercredi des Cendres, en arrivant en chaire, il s'écria: « Me voilà donc dans la chaire de la vérité; je n'y suis que pour la dire entièrement, et je la dirai sans crainte ; que plutôt ma langue s'attache à mon palais, qu'elle se sèche et demeure immobile dans ma bouche!» Les historiens rapportent qu'il prononça ces paroles avec un accent de foi et de convic

(') Esprit, t. II, p. 263.

T. 111.

6

tion qui disposa également les calvinistes et les catholiques à suivre exactement ses sermons (').

Ils ramenèrent dans le chemin de la vérité un grand nombre d'esprits parmi les simples fidèles de toutes les classes de la société, et même plusieurs ministres. L'histoire de la conversion de Claude Boucard et de Josué Barbier est fort connue. Il me sera permis néanmoins de la rappeler ici en peu de mots.

Claude Boucard était un misérable apostat qui, autrefois professeur de philosophie et de théologie à Lausanne, religieux et prêtre, avait embrassé l'hérésie par «< l'entraînement de la jeunesse et de la vaine gloire (2). » Il était une première fois rentré dans son devoir, entre les mains de l'évêque de Genève, et lui avait ainsi procuré « une des plus douces joies de sa vie. » Mais il était ensuite revenu à ses erreurs et retombé dans ses désordres. Enfin, poursuivi par les remords de sa conscience, il se rendit à Grenoble où il savait que François prêchait le Carême, lui fit de nouveau l'aveu de ses fautes, le supplia de lui ouvrir encore le bercail de la véritable Eglise et de l'admettre à la pénitence. Le bon Saint reçut sa seconde abjuration, et poussa la charité jusqu'à lui assurer une pension annuelle de 350 florins (). Il eut du moins, cette fois, la consolation de le voir persévérer dans le bon chemin, de telle sorte que, trois ans après, Claude Boucard dédia au saint évêque un excellent ouvrage où il déclare que sa félicité sur la terre serait de jouir toujours de la présence d'un prélat

(1) Histoire, etc., par M. le curé de Saint-Sulpice, t. II, P. 179. (*) Ibid., t. I, P. 387-388.

(3) C'est-à-dire 295 fr. environ.

« AnteriorContinuar »