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si admirable pour se former sur l'exemple de ses vertus (1).

Cette conversion eut beaucoup de retentissement.

Celle du ministre Josué Barbier, un des membres les plus savants du consistoire, en eut encore davantage. Barbier était d'un esprit élevé, et son âme, vraiment droite et religieuse, ne pouvait trouver le repos qu'en des croyances profondes. Le calvinisme n'avait pas donné satisfaction à ce besoin de vérité et de paix. La solidité des raisonnements du saint évêque, la largeur et la clarté de sa doctrine, lui offrirent ce qu'il cherchait depuis longtemps avec une si douloureuse anxiété. Il abjura publiquement l'hérésie entre les mains de l'apôtre qui l'avait éclairé, et voulut ensuite rendre compte de sa conduite et des motifs de son retour à l'Eglise. II composa, dans ce but, plusieurs ouvrages remarquables contre les erreurs de Calvin, entre autres la Ministrographie huguenote et le Tableau des divisions calviniques, avec cette épigraphe Sauvez-nous de cette génération perverse (*).

Ces deux conversions en entrainèrent beaucoup d'autres parmi les protestants, mais nous n'avons pu en découvrir le nombre ni les circonstances.

Comme tous d'ailleurs, ainsi que l'année précédente, couraient entendre le saint évêque, « les ministres firent ensemble plusieurs consistoires pour aviser aux moyens de détourner cet orage qui menaçait leur temple d'une vaste solitude. » Saint François n'avait

(1) M. le curé de Saint-Sulpice, t. II, p. 180.

(1) Par Josué Barbier, docteur en droit et avocat au Parlement de Dauphiné. Lyon, Cl. Chatelard, 1618.

plus la protection de Lesdiguières alors absent, de sorte qu'ils crurent le moment favorable pour tenter contre lui les derniers efforts. D'abord l'un d'entre eux mit son prêche à l'heure du sermon de notre saint prédicateur; mais ce moyen ne réussit pas le temple resta désert.

« Le ministre, dit Mgr Camus, se répandit en beaucoup d'invectives et de déclamations tragiques; il s'avisa de menacer de vouloir faire armes, c'est-à-dire d'en venir à la dispute dans une conférence réglée. Il fit courir ce bruit par les langues de ceux de son parti, à quoi François se résolut incontinent. Un homme de fort noble maison, de qui j'ai appris cette particularité, qui avait été conseiller au Parlement de Grenoble et marié, et, depuis son veuvage, qui avait quitté son office pour prendre la soutane d'ecclésiastique, personnage d'insigne probité et piété et qui était un des enfants spirituels de notre Bienheureux, étant entré en propos aved lui sur le sujet de cette conférence dont on parlait par toute la ville, n'étant aucunement d'avis que le Bienheureux s'y accordât, lui représentant l'humeur insolente du ministre qui avait une gorge de fer et la langue la plus contagieuse du monde: - Bon, disait le Bienheureux, voilà justement ce qu'il nous faut. - Et comme l'autre lui représentait que le ministre le traiterait indignement, et n'aurait non plus d'égard à lui qu'à un homme de néant : Encore mieux, répliquait le saint évêque, c'est ce que je demande. Oh! que de gloire Dieu tirera de ma confusion! - Mais, répartit l'autre, voulez-vous exposer votre qualité à l'opprobre? -Notre-Seigneur, reprenait le Bienheureux, en a bien souffert d'autres pour nous; n'a-t-il pas été saoûllé d'opprobres?-Oh! disait notre dévot, vous débutez de

trop haut. C'est là le point, disait le Saint, de la lunette d'approche. Le vous dirai-je ? J'espère que Dieu me fera la grâce d'endurer plus d'injures qu'on ne m'en saurait dire; et si nous sommes bravement humiliés, Dieu sera magnifiquement exalté. Vous verrez des conversions à tas, ensuite de cela, mille tombant à gauche. et dix mille à droite. C'est la pratique de Dieu de tirer son honneur de notre infamie. Les Apôtres ne sortaientils pas joyeux des assemblées où ils avaient enduré des contumélies pour le nom de Jésus? Ayons bon courage, Dieu nous aidera ; ceux qui espèrent en lui ne manquent d'aucun bien et ne seront jamais confondus.

» Mais le diable, de peur de perdre en ce jeu, suggéra tant de raisons de prudence humaine aux suppôts du ministre, qui se défiaient et de la vertu et de la suffisance de leur pasteur, qu'ils firent échouer cette conférence, et toutes ces bravades s'en allèrent en fumée (1). »

François continua son apostolat avec un merveilleux succès et des consolations toujours plus abondantes. L'église était trop étroite pour contenir la foule qui s'y pressait chaque jour. Beaucoup d'auditeurs écrivaient ses prédications à mesure qu'il parlait, afin de ne pas laisser se perdre une seule parcelle de ce don excellent. Toutes les classes de la société étaient là confondues, riches.et pauvres, savants et ignorants. « Quel homme est celui-là, s'écriait quelqu'un devant tout le monde, qui expose avec tant de clarté les points les plus difficiles de la théologie, et fait comprendre aux plus humbles

(') Esprit, t. I, p. 35-57. Année de la Visitation, 17 février.

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esprits les choses les plus abstraites ! » « Ce n'est pas merveille, disait un autre, s'il fait tant de fruit, car il joint la sainteté à la doctrine, entendant fort bien tout ce qu'il dit et le pratiquant mieux encore ('). »

Cette éloquence du cœur et cette sainteté éclatèrent principalement dans un sermon qu'il fit sur ces paroles de l'Ecclésiaste : Vanité des vanités, et tout est vanité (2). Il produisit une impression extraordinaire dans les âmes. Deux gentilshommes de la première noblesse furent si touchés de l'onction et de la force avec laquelle il fit ressortir la prééminence des richesses spirituelles sur les biens du monde, qu'ils se convertirent à l'instant et menèrent depuis une vie très-édifiante (3).

Comme pendant l'Avent précédent, il se consacrait entièrement au soin des âmes; il recevait à toute heure les personnes qui venaient le consulter comme l'oracle du Saint-Esprit, et il paraissait toujours n'avoir rien à faire, quelqu'occupé qu'il fût, ne donnant jamais la moindre marque d'impatience au milieu des importunités des visites. Il continuait à en faire beaucoup luimême, surtout aux malades, quand on le lui demandait. On rapporte qu'il se rendit un jour auprès d'une pauvre jeune fille que l'on croyait possédée du démon. Il lui parla avec une douceur paternelle, lui toucha doucement le haut de la gorge avec son angélique simplicité, la bénit et dit en se retirant : « Cette enfant est guérie, et bientôt elle fera un excellent mariage. Seulement,

(1) M. le curé de Saint-Sulpice, t. II, p. 180.

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ajouta-t-il, ne faites aucun bruit de tout ceci (').» La jeune fille fut en effet immédiatement guérie et, peu de jours après, demandée en mariage par un homme qui appartenait à une des premières familles du pays.

François continuait aussi l'œuvre de réforme qu'il avait entreprise pendant l'Avent précédent dans les communautés religieuses de femmes, et il obtint que, dans le monastère de Montfleury, la prieure, qui était perpétuelle, ne serait élue à l'avenir que pour trois ans : c'était là un grand pas vers le but qu'il poursuivait (*).

Quoique «Dieu le partageât en mille choses,» selon son expression, il se gardait bien de négliger sa correspondance spirituelle qui était fort étendue, et fut pour lui, toute sa vie, un grand moyen de faire le bien et une excellente manière de prêcher. Il faut dire qu'elle était aussi son repos et sa consolation. Il répondait également aux personnes de Grenoble même qui désiraient ses conseils ou ses décisions par écrit (3).

Sa correspondance d'affaires n'était pas non plus interrompue par ses travaux du Carême. Ainsi, sans parler de ses relations avec son cher diocèse, nous voyons que, le 2 et le 5 mars, il écrit deux lettres au duc de Savoie et une au prince de Piémont. Le 1er avril, c'est à Mme de Valespelle (*), et le 7, à une autre dame (5). Nous ne pouvons citer ces lettres, qui mériteraient de l'être. Mais il en est une que nous devons reproduire ici tout

() Mss., p. 7.

(1) Histoire de Montfleury, par H. de Maillefaud, p. 27-28. (3) Mss., p. 6-7.

(*) OEuvres, éd. Blaise; Lettres, t. II, p. 576.

(3) Ibid., t. III, p. 5.

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