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C'EST de ce moment que commence

véritablement l'histoire de nos Rois. Nous en sommes à l'époque où le tems écoulé n'est plus indifférent pour ces princes; il va se représenter pour leur gloire ou leur honte. Il est utile pour le bien des hommes que l'historien ait le privilège d'évoquer les mânes de ceux qui les gouvernent, pour les citer au tribunal de la postérité. Ce monarque repose dans le silence du tombeau;

les pas des siècles en ont effacé les caractères, des évènemens l'ont fait disparoître de la tradition; vaines précautions pour le soustraire au souvenir des générations. C'est inutilement qu'on a voulu empêcher le nom d'Erostrate de parvenir à la postérité, et qu'on a voulu lui celer les noms et les actions de quelques hommes; la justice et l'histoire réclament contre ces défenses et contre l'abus de l'oubli. Les tems sont rappelés, la mémoire est remise en vigueur; les traits même sont retracés, quel qu'ait été le masque qui les a couverts, eût-il été de fer; l'œil de l'histoire pénètre par-tout; sa main saisit celui qui s'étoit enfui dans les ténèbres du passé, sous un manteau inconnu; elle le marque de son sceau, le livre aux regards et au jugement de la postérité.

et

Heureux le roi qui n'est pas animé par l'esprit de conquête! il ne met pas sa gloire à fonder des colonies

à assujettir des peuples qui se séparent à la longue ou se soulèvent, et mutilent, lorsque le ressort de leur liberté se redresse, la nation sanglante qui les avoit subjugués. Heureux le prince qui loin des projets ambitieux, concentrant son bonheur dans ses états, n'a pour objet que leur félicité! Sa vertu, le seul monument digne de mémoire, se conserve au milieu de l'oubli géné ral. Il viendra un tems où la philosophie, en possession de la plume de l'histoire, ne s'occupera plus que des princes dont la gloire eut pour but l'utile et le juste, et qui ont été pénétrés de cette vérité : que pour bien régner, il faut une vertu qu'aucune autre qualité ne peut suppléer, qui est d'aimer les hommes;, que le meilleur et le plus grand des rois est celui qui chérit davantage ses sujets, et travaille le plus à leur bonheur. L'histoire alors, au lieu d'être un tableau de dévastation et de cruauté, ne sera

plus qu'un récit de la sagesse des princes et du bonheur des peuples. Nous touchons, sous le règne actuel, à ce degré de perfection de gouvernement; mais combien nous en étions éloignés sous les premiers rois Francs, lors du passage de la nation dans les Gaules! Aussi allons-nous voir ces règnes, comme ceux de tous les conquérans, plus remarquables par les combats que par la félicité des peuples.

Nous avons vu jusqu'ici l'histoire des Francs subordonnée à celle des Romains; elle va s'élever actuellement par ses propres forces, et devenir une histoire particulière, propre au peuple dont elle traite. On va poser la première pierre de ce grand édifice, en présentant lé règne de Théodemir ou Teudome, ce premier monarque des Francs dans les Gaules.

de

Les Francs arrivés sur les frontières des Gaules, frémissoient de rage vant les barrières qui les avoient ar

rêtés pendant tant d'années: ils s'animoient à les renverser et à envahir l'état qu'elles défendoient. L'ancien propriétaire, de son côté, étoit en armes pour repousser l'usurpateur et défendre ses possessions. Ils ressembloient, dans cette position, à deux rivaux qui ont déja le bras levé pour se frapper. Mais il n'étoit pas difficile de prévoir de quel côté se déclareroit la victoire entre deux puissances dont l'une n'ayant que l'extérieur imposant de sa grandeur, étoit agitée dans sa décrépitude par des convulsions continuelles; et l'autre petite, mais agile, nerveuse et animée du feu d'une jeunesse sauvage et indomptée : encore la première avoit-elle rendu son épuisement sans ressource, par la haîne de son gouvernement vicieux et révoltant. C'est satisfaire aux vues de l'his toire, que d'exposer en deux mots les moyens pernicieux dont le funeste emploi opéra sa ruine, et précipitera

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