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ses frontières; au-dedans une quantité prodigieuse de rivières et de ruisseaux, semblables dans leurs ramifications aux veines d'un corps animé, portoient par-tout la fraîcheur et la vie; des bois touffus y entretenoient l'ombrage; des montagnes, dont l'emploi sembloit être d'étancher la soif des plaines pendant l'été, paroissoient comme des agens intermédiaires entre la terre et les nuages qu'elles arrêtoient sur leurs têtes, et répandoient ensuite dans les campagnes qu'elles dominoient. Si le sol étoit remarquable par la variété et l'excellence de ses fruits, les rivières ne l'étoient pas moins par l'abondance des poissons et la différence des espèces mais les forêts l'emportoient sur tout, autant par la quantité des bêtes fauves qu'elles nourrissoient, que par leur grandeur (a). Les Romains y trouvèrent

(a) Il est parlé de l'Élan dans les Commentaires de César. Les anciennes histoires de France et de

l'élan, aujourd'hui relégué dans le nord; le bizon; l'uroch, ce bœuf énorme et farouche, dont la chasse étoit aussi redoutable que glorieuse, et de nombreux troupeaux de chevaux et d'ânes sauvages, dont les peaux faisoient la principale branche du commerce de ces peuples avec les autres nations. Ces présens de la nature furent quelquefois funestes à ces contrées, excitèrent l'envie des peuples du nord; et leurs efforts pour s'en emparer répondirent à la beauté du climat et à l'impétuosité de leurs desirs.

Sur cette grande et belle contrée étoient répandus les Gaulois ou Cel

Bourgogne font mention de l'Uroch ou Urus, de sa férocité, de la force et de la grandeur de ses cornes. Il falloit que le Bizon fût commun et utile, puisqu'il avoit un culte ; car il nous reste encore de ses images, et nos rois de la première race prenoient beaucoup de plaisir à la chasse de cet animal. Pline et Strabon nous apprennent qu'il y avoit dans les Gaules de nombreux troupeaux de cheyaux et d'ânes sauvages.

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tes (a), peuples dont nous descendons. La terre qu'ils habitoient les avoit vus passer par tous les degrés qui conduisent de la rusticité aux arts, et de la simplicité au luxe (b). Soit qu'ils en fussent originaires, ou qu'ils y fussent venus d'ailleurs, leurs commencemens n'avoient été que ceux des peuples sauvages, chasseurs ou pasteurs; le carquois ou la houlette pourvurent

(a) Sous le nom de Celtes on a anciennement compris les peuples de la Gaule, de la Germanie, des Isles Britanniques, même les Espagnols et les Illyriens ce titre fut ensuite restreint aux Gaulois et aux Germains, puis il resta aux Gaulois seuls. Il n'est pas hors de propos d'observer que les mœurs de ces peuples différoient peu entr'elles, qu'il y avoit assez d'affinité dans le langage, et que celui des Gaulois et des habitans des isles Britanniques étoit le même.

(b) Les druides enseignoient qu'une partie de ces peuples étoit indigene; mais que d'autres, que des guerres fréquentes et l'accroissement de l'impétueux Océan chassèrent de leurs foyers, vinrent des isles les plus éloignées et des pays situés au-delà du Rhin, se joindre à eux. Ammien Marcellin, chap. 9, tom. I.

long-tems à leurs besoins, et furent leurs soutiens sur une terre qui renfermoit ses trésors dans un sein avare, que le fer de la charrue n'avoit pas encore ouvert. Partageant ce sol avec les bêtes fauves que la population et l'agriculture firent disparoître ensuite, ils n'eurent d'abord d'autres vêtemens

que leurs peaux. Il semble que le tems qui se plaît à tout détruire, ait voulu nous humilier dans la jouissance orgueilleuse des arts, en laissant sous sa faulx et en nous remettant sous les yeux un monument qui atteste cette haute misère et cette simplicité qui furent alors le partage de nos ayeux. Ce monument (a) est le bénitier de

(a) Les druides avoient un collège à Mavilly auprès de Beaune; ses débris, lors de la construction de l'église qui est fort ancienne, furent jetés dans les fondations: une colonne fut coupée en deux; une partie servit de bénitier, ayant été creusée, et l'autre de fonts baptismaux. M. le marquis de Migieux, aussi célèbre par son érudition que par le beau cabinet d'antiques qu'il a formé,

l'église de Mavilly près de Beaune, sur une des faces duquel on voit un Gaulois armé d'une pique, et couvert de peaux de bêtes; le ciseau est aussi brut que le sujet. Quelques morceaux de bois couverts de chaume ou de joncs, et revêtus de terre, composoient leurs

les a achetés de la fabrique, et les a fait transporter avec d'autres anciens monumens dans son château de Savigny, où on les voit actuellement. Ces colonnes sont quarrées, d'une pierre à l'épreuve des injures du tems; il y a sur chaque face des figures aussi grossières les unes que les autres; les yeux sont sans prunelles, et les proportions mal observées: on juge, à la simple inspection, que c'est l'ouvrage d'une nation qui commence, comme on juge à la couleur de la pierre, à son air de vétusté, qu'elle est de la plus haute antiquité. C'est sur un de ses côtés qu'on voit un Gaulois tenant une lance, et couvert d'une peau qui lui tombe, comme un jupon jusqu'au milieu des cuisses; une autre peau, dont le poil est également en dehors, lui couvre les épaules en forme d'un manteau de pélerin : le reste du corps est nud. Cette colonne paroît faire partie d'un des ouvrages par où la sculpture commença son établissement dans les Gaules, quelque tems après l'arrivée des Phocéens, et bien avant les Romains; car elle n'est décorée d'aucun des ornemens qui caractérisent l'architecture de ces peuples

A y

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