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feau contemporain,s'il n'eft pas le même; il y a uniformité dans les traits & reffemblance dans les fujets, conçus & exprimés felon l'efprit du onzième fiècle. Dans l'un on voit Dagobert qui paffe dans une barque reffemblante à celle de Caron, & deux évêques qui l'attendent pour l'arracher des griffes

des diables. Sur le bas relief de Semur, le duc Robert, fondateur de l'églife, eft environné d'eccléfiaftiques, & mené dans une barque que conduit un vieillard à longue barbe; la sculpture eft dans le même goût, & les deffins, aux diables. près, font les mêmes ce qui indique l'identité des idées & des temps, & ce qui ne fe rapporteroit nià la date du tombeau, ni au règne de S. Louis, où D. Montfaucon

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place ce monument. J'ai trouvé la même erreur fur deux ftatues qui font à l'entrée de l'église de Moutier-Saint-Jean, dans le cloître; elles repréfentent Clovis & Clotilde, fondateurs de ce monaftère : on les fait remonter à la date de ces princes, dont elles font bien éloignées.

Les defcriptions font pleines de pareilles erreurs ; on lit dans celle de Bourgogne, qu'on a trouvé à Joug-le-Châtel des antiquités romaines: j'ai été pour les voir; je n'ai trouvé que des piliers, des débris d'une église ou d'une chapelle dans le goût gothique, conftruite dans le neuvième ou dixième siècle; ce qui eft fans replique, c'eft que je me fuis convaincu, à la vue des titres, que ce bourg

& les environs étoient encore coùverts par la forêt d'Arvaux dans le neuvième fiècle, temps où Gérard de Rouffillon& Miles de Noyers firent les premières conceffions de ce terrain. D. Montfaucon luimême s'eft trompé, lorfqu'il á mis à la tête des monumens de la Monarchie Françoise les figures du portail de S. Germain des Prés comme un ouvrage du fixième fiècle, tandis qu'il n'eft que du treizième.

Ces traits fuffifent pour donner une idée des erreurs que peut commettre un rédacteur confiant ; j'en pourrois citer bien d'autres, mais la citation en eft moins utile que la défiance qu'ils doivent infpirer; auffi ai-je vérifié avec le plus grand foin les recherches antérieures:

je ne me fuis pas tenu à la tradi-tion, j'ai été curieux de voir autant qu'il a été en moi les fources où les auteurs ont puifé, les lieux qu'ils ont cités; j'ai tâché par-là de remédier aux omiffions des uns & aux exagérations des autres, de concilier leurs contradictions, & de diftinguer le vrai au milieu de leurs incertitudes. J'ai tenu moimême la fonde, & l'ai portée le plus profondément qu'il m'a été poffible dans la nuit du paffé. Je fens qu'il lui manquoit la main de M. l'abbé Vély, mais je ne l'ai prife qu'à fon défaut; la mort feule eft blâmable d'avoir enlevé l'écrivain le plus propre à cette tâche. Combien plus fenfiblement encore aije reffenti fa privation, lorfqu'arrivé aux temps connus, j'ai défiré

de les préfenter avec cette clarté & cette élégance qui font le principal caractère de cet hiftorien ! J'ai fenti la honte, non pas d'être au deffous de lui, mais d'en être fi éloigné. Il est auffi une vérité qui ne vous échappera pas, MONSEIGNEUR; c'eft que les temps obfcurs & les recherches antiques prêtent peu à ces avantages. Le crayon ra pide & fublime de Boffuet n'a tracé fi majeftueufement l'hiftoire ancienne, que parce qu'il n'efquiffoit que les plus grands traits, & les entaffoit dans un cadre étroit; il eût defcendu de quelques degrés & eût paru moins noble, s'il eût erré dans des détails, & fi, au lieu d'écrire l'hiftoire des rois & des fiècles, il eût écrit celle des hommes & des années. Combien fon

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