La Reine des Fées n'étoit pas une de ses bonnes Fées, qui font les protectrices de la vertu, & qui ne fe plaisent qu'à bien faire. Après le cours de plufieurs ficcles, elle étoit parvenue à la Royauté par fon grand fçavoir, & par fon artifice. Le nombre de fes ans l'avoit renduë fort petite, & l'on ne l'appelloit plus que Nabote. Nabote donc affembla fon Confeil, & lui fit fçavoir qu'elle avoit résolu de venger tant de belles perfonnes qu'elle avoit dans fa Cour, & toutes celles qui étoient par toute la terre, qu'elle vouloit s'absenter & aller elle-même voir & ravir cette beauté qui faifoit un bruit fr désavantageux à leurs charmes : ainfi fut dit, ainfi fut fait. Elle partit, & prenant des vêtemens fimples, elle fe transporta au Château qui renfermoit cette merveille, elle s'y rendit bien-tôt fa miliere, & engagea par fon efprit les Dames de la Princeffe à la recevoir parmi elles. Mais Nabote fut frapée d'un grand étonnement quand aprés avoir confideré le Château, elle reconnut, par la force de fon Art, qu'un grand Magicien l'avoit conftruit, & qu'il y avoit attaché telle vertu, que dans toute fon enceinte, & celle de fes promenades, on n'en pouvoit fortir que volontairement, & qu'il n'étoit pas poffible de fe fervir d'aucunes fortes de charmes contre les perfonnes qui l'habitoient. Ce n'étoit pas un fecret ignoré de la Gouvernante de Plus belle que Fée, qui connoiffant bien le trefor fans prix qui étoit confié à ses soins, vivoit fans crainte, fçachant que perfonne au monde ne pouvoit lui ôter cette jeune Princeffe, tant qu'elle ne fortiroit pas du Château ni des Jardins. Elle lui avoit défendu expreffément de le faire, & Plus belle que Fée, qui avoit déja beaucoup de prudence, n'avoit garde de man quer à cette précaution. Mil amans qu'elle avoit tentoient des efforts inutiles pour l'enlever, mais vivant affurée elle ne redoutoit point leur vio lence ni leurs tentatives. Il ne falut pas beaucoup de temps à Nabote pour s'infinuer dans fes bonnes graces; elle lui apprenoit à faire de beaux ouvrages; & pendant un travail qu'elle rendoit divertiffant, clle lui faifoit des historiettes agreables; elle n'oublioit rien pour la divertir, & elle lui plaifoit fi naturellement, qu'on ne les voyoit plus l'une fans l'au tre. Nabote dans tous ces foins n'étoit pas moins occupée de fa vengeance, El |