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Les mystères.

et Jean Michel.

Mystère de la Passion. Les frères Gréban

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Le Martyre de saint Pierre et saint Paul.

Les enfants Sans-Souci et la Basoche.. Moralités.

Les

Farces.

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Le Cuvier. L'avocat Patelin.

Les Soties.

Nous voilà bien loin des chansons de gestes. Cependant, malgré le discrédit des jongleurs et la décadence de l'esprit chevaleresque, elles n'étaient pas complétement abandonnées dans le cours du quatorzième siècle. En effet, nous avons déjà rencontré i cette époque un poëme à couplets monorimes dont e héros, imaginaire il est vrai, est Baudouin de Sébourg, que le trouvère rattache à la famille des comtes de Flandre conquérants de Jérusalem: ouvrage singulier qui n'est pas sans mérite, où dominent l'enjouement et la galanterie et qui semble un prélude au badinage hérol-comique de l'Arioste. Nous trouvons encore dans le même rhythme, mais avec toute la fidélité historique, la chronique de Du Guesclin, écrite par Cuvelier peu de temps après la mort du héros breton. Ce genre de production ne cesse complétement qu'au siècle suivant, et celles des chansons de gestes qui ne sont pas tout à fait délaissées passent des vers à la prose, par une métamorphose facilement opérée, pour s'accommoder au

goût dominant. On a cessé de les chanter et quelques fidèles veulent encore les lire, mais ils les lisent dans une prose languissante et surchargée de détails oiseux. Changer ainsi n'est pas gagner. Les fabliaux subissent en partie la même épreuve et deviennent, sous le nom de Nouvelles, des contes en prose. Ces contes étaient un délassement aristocratique, comme le prouve le recueil des Cent nouvelles nouvelles, dont plusieurs récits, et ce ne sont pas les moins libres, appartiennent au dauphin qui fut plus tard Louis XI et aux seigneurs de la cour de Bourgogne. L'Heptaméron de Marguerite de Navarre et les Joyeux Devis de son valet de chambre Bonaventure de Perriers, venus plus tard, attestent la durée de cet usage.

Le silence des trouvères héroïques ou badins qui avaient longtemps ému et amusé la foule ne laissa point le populaire dépourvu de tout aliment pour l'esprit, de tout spectacle pour les yeux; seulement la nécessité de satisfaire ce besoin de voir et d'entendre qui ne périt jamais, quels que soient le trouble et la grossièreté des esprits, donna un caractère nouveau à la prédication religieuse et un puissant essor aux représentations dramatiques. Le peuple eut des sermonnaires qui, pour être utilement écoutés, ui parlèrent son langage, et des acteurs qui disposèrent selon son goût les grandes scènes de l'histoire qui l'intéressait le plus, l'histoire sainte. Ni ces sermons populaires de cordeliers, ni ces drames mis en scène, je ne dis pas composés, par des artisans, ne furent ni aussi étranges ni aussi barbares qu'on a voulu le faire croire. Les franciscains se gardèrent

d'être ennuyeux, afin d'être utiles; et les confrères de la Passion, qui dressèrent leurs tréteaux en plein air avec l'intention d'instruire et d'intéresser la foule, y ont souvent réussi. Il est vrai qu'ils appelèrent à leur aide d'habiles gens pour composer les pièces qu'ils représentaient. Nous en apporterons plus d'une preuve. Le rapprochement que nous faisons des sermonnaires du quinzième siècle et des confrères de la Passion n'a rien d'arbitraire ni de hasardé leur action est parallèle, leur intention est la même, leurs procédés analogues; ils veulent également plaire et instruire.

Parlons d'abord des sermons; nous arriverons plus tard aux Mystères, aux Miracles et aux Moralités. Les plus célèbres parmi les prédicateurs populaires de cette époque sont Olivier Maillard et Michel Ménot. Franciscains tous deux, ils ont leur franc parler devant les princes et même devant les prélats; voués à a pauvreté, ils attaqueront sans pitié le luxe et les vices qu'il traîne à sa suite : ils seront loyalement du parti du faible et de l'opprimé contre le puissant et l'oppresseur. Pour piquer au vif leurs adversaires et pour tenir en éveil leurs clients, ils prodigueront les comparaisons familières, les proverbes populaires, les allusions piquantes, les mordantes personnalités, les anecdotes et les apologues satiriques; la liberté de leur langage sera voisine de la licence; mais or les calomnierait, si on les taxait de rechercher le scandale pour le scandale, la plaisanterie pour la plaisanterie dans leurs écarts les plus hardis, ils ont pour but le châtiment des pervers et la défense des

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faibles, et ils prennent, sans choisir, les armes qui frapperont ou protégeront le mieux. On peut bien dire qu'ils manquent de goût, non d'habileté; d'ailleurs, on a beaucoup grossi leurs torts en qualifiant la liberté de leur langage de cynisme et de bouffonnerie, et on leur a prêté gratuitement l'usage d'un jargon macaronique composé de latin barbare et de français trivial. En réalité, ils ont parlé la langue du peuple; et l'hypothèse contraire tombe d'elle-même puisqu'ils parlaient de préférence au peuple. Auraient-ils donc prêché pour n'être pas entendus ?

Michel Ménot ne se contente pas de piquer l'attention de son auditoire, de le tenir en éveil par des récits ingénieux, par des traits de satire; il va quelquefois jusqu'à l'âme, qu'il émeut profondément. Ainsi, il est touchant et pathétique lorsque, voulant amener les pécheurs à résipiscence, il montre, par des exemples propres à frapper l'imagination, la rapidité des changements qui s'opèrent dans le monde: « Qu'est-ce que passer seize ou vingt ans dans les délices du siècle à faire son plaisir, pour être ensuite pendant l'éternité dans le feu de l'enfer! Ainsi, la pensée de la mort nous pousse à la pénitence: nous mourons tous, et comme l'eau, nous rentrons dans la terre, et nous ne revenons plus à la surface. Oui, Seigneur, nous allons tous à la mort. L'eau de la Loire ne cesse de couler, mais est-ce l'eau de la veille qui passe aujourd'hui sous le pont ? Le peuple qui est aujourd'hui dans cette ville n'y était pas il y a cent ans. Maintenant je suis ici, l'an prochain vous aurez un autre prédicateur. Où est le roi Louis, naguères si

redouté? et Charles qui, dans la fleur de sa jeunesse, faisait trembler l'Italie ? Hélas! la terre a déjà pourri son cadavre. Où sont toutes ces demoiselles dont on a tant parlé ? n'avez-vous pas le roman de la Rose et Mélusine et tant d'autres beautés célèbres? Voilà que nous mourons tous, et que, comme les eaux, nous entrons dans la terre pour ne plus revenir à sa surface; je crains bien que si Dieu ne jette pas sur nous un regard de miséricorde, nous n'allions tous en enfer, pécheurs indignes. Je veux donc vous persuader à tous de faire pénitence pour que Dieu soit en paix avec vous, suivant le texte que nous avons choisi: Seigneur, ne vous irritez pas1. »>

Il n'épargne pas les sarcasmes et les vives apostrophes à ceux qui excitent sa colère par le déréglement de leurs mœurs ou par leurs iniquités. Voici un passage où il frappe coup sur coup et les gros bénéficiaires scandaleux et les magistrats qui vendent la justice: «Messieurs les curés et chanoines, vous qui avez cinq ou six clochers sur vos têtes (figure qui exprimait le cumul des abbayes et des bénéfices), pensez-vous qu'on vous donne ces bénéfices pour entretenir tant de cuisines; je l'ai dit et je le dirai encore, tout ce que l'homme d'Église retient au delà de la nécessité et des convenances de son état, ce sont des vols faits à Dieu et aux pauvres2, et leur gourmandise

1 Sermones quadragesimales Turonis declamati. Vol. in-12 goth. Claude Chevallon. Paris, 1525. Ser. V, post. Cineres, fo XVIII.

* Massillon a dit plus tard et presque dans les mêmes termes: Vous n'êtes pas le maître absolu de vos biens, et tandis que

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