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d'incidents, le tout pour aboutir à un dénouement aussi émouvant qu'il est honnête et de bon exemple. L'intrigue est peu compliquée et elle peut se résumer en quelques lignes. Le cavalier le plus accompli de la cour de Henri II, le duc de Nemours, tombe amoureux d'une jeune femme mariée sans inclination au prince de Clèves. Il n'ose laisser soupçonner sa passion ; mais la princesse la devine et s'aperçoit avec effroi qu'elle la partage. Elle veut fuir le péril et, pour y parvenir plus sûrement, elle va jusqu'à avouer à son mari la faiblesse de son cœur. Le mari la rassure et la console d'abord; mais, par suite d'une démarche imprudente de Nemours, il se croit trahi et meurt de chagrin. Le duc de Nemours ne voit plus d'obstacles à son bonheur : qui pourrait l'empêcher d'épouser Mme de Clèves? Ce sera Mme de Clèves elle-même qui, veuve inconsolable, veut rester fidèle au souvenir de son mari et s'ensevelir dans un monastère 1.

Tel est cet agréable et émouvant récit qui attache sans aucune invention extraordinaire, par la vive peinture d'une situation touchante, que le lecteur se

1 Doit-on croire que la Princesse de Clèves est la propre histoire de Mme de la Fayette et qu'elle s'est peinte elle-même sous les traits du personnage principal. A ce compte, il faudrait voir La Rochefoucauld dans le duc de Nemours, et M. de la Fayette, en dépit de sa mort tranquille et toute naturelle, ne serait autre que le prince de Clèves. Rien n'autorise cette supposition sur laquelle Mm de Sévigné est restée absolument muette et qui nous paraît une pure imagination d'un critique trop ingénieux.

HIST. DE LA LITT. T. I.

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représente d'autant mieux qu'elle est tirée de la vie réelle et qu'il en conçoit plus facilement la possibilité. Il n'y a là ni merveilles héroïques, ni coups d'épée foudroyants, ni exaltation surhumaine d'amours impossibles. Les personnages de la Princesse de Clèves ne sont déjà plus de la famille de Pauline ou de Chimène; ils ressemblent bien davantage à cette douce, aimable et triste Andromaque, ce modèle accompli de la fidélité conjugale 1. Le roman, aussi bien que la tragédie, représentent maintenant les hommes tels qu'ils sont, non plus tels qu'ils doivent être; si l'on peut comparer les petites choses aux grandes, Mme de la Fayette se sépare de Corneille pour se rapprocher de Racine.

Elle est en même temps de l'école de Boileau, par toutes sortes de qualités fermes et solides du goût et de l'esprit, par le souci du bien dire, la recherche du tour naturel et de l'expression la plus simple, mais aussi la plus précise et la plus vraie. On a retenu d'elle un mot caractéristique qui la peint comme écrivain et qui est un précepte à la manière de l'Art poétique : « Une période retranchée d'un ouvrage vaut un louis d'or; un mot, vingt sous. »

1 On verra bientôt et il est bon d'en prendre note dès maintenant que la pièce d'Andromaque a précédé, de quinze ans, la publication de la Princesse de Clèves.

FIN DU PREMIER VOLUME.

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