Dieu d'avoir paffé la nuit fans danger, & pour demander fa protection pour la journée : & pour lors tous étant debout au chœur, chacun en fa place, auffi-tôt que le dernier coup fera fonné on commencera l'office : l'hyver depuis les calendes de Novembre jufqu'à Pâques, on fe levera à la huitiéme heure de la nuit, (c'étoit une heure trois quarts du matin,) afin que la digeftion eut le tems de fe faire. Le refte eft affez conforme à ce que faint Benoît prefcrit dans fa Regle, c'eft ce qui avoit fait croire que Chrodogand l'avoit pris de faint Benoît, ou que dans la fuite on avoit inferé dans le Regle de faint Benoît le chapitre de l'office, qui eft dans Chrodogand, ce que plufieurs croient plus vrai-semblable, parce qu'il y a des ufages dans la Regle de faint Benoît qui font plûtôt du tems de Chrodogand que de celui de ce Saint; & aufli parce qu'il paroît affez que ce ne fut que vers le huitiéme fiécle que l'on donna à l'office divin la forme qu'on voit dans ces deux Regles.

Remarques générales fur l'Office divin avant le neuviéme fiécle, & l'uniformité que lon y a de tout tems defirée.

N peut voir par ce qui a été dit jusqu'à prefent, qu'avant le huitiéme fiécle l'office divin n'avoit pas toute la for me qu'il a eu depuis, que chaque Eglife ou païs avoit le fien propre, qu'on y ajoûtoit & qu'on y inferoit ce que chaque Evêque jugeoit à propos ; que les Evêques regloient eux-mêmes la maniere de dire l'office, pour les Moines, comme le marquent les Regles de faint Céfaire, de faint Ferreol, de faint Donat, & de plufieurs autres Evêques : Saint Leandre & Taint Ifidore fon frere drefferent l'office pour l'Eglife de Seville, où ils furent tous deux Evêques, & pour toute l'Espagne : & ce fut cet office qui fut depuis appellé Mozarabique, parce que les Arabes aiant fait une irruption en Espagne, les Chrétiens fe trouverent pour lors mêlez avec eux: on y dît cet office jufqu'au tems de Grégoire VII. On voit encore que la France avoit plufieurs manieres de dire l'office: que Lyon, Paris, & autres Eglifes, ont encore des veftiges de leurs anciens ufages, quoique Charlemagne eût obligé tous fes Etats de fe conformer aux ufages de Rome : que l'office

Romain n'eft pas le plus ancien de tous, quoiqu'il foit prefentement le plus étendu : que faint Jérôme n'eft point l'auteur ni du Lectionaire ni de l'Antiphonier Romain: que le pape Gelafe peut bien y avoir travaillé auffi bien que faint Grégoire, mais que ce fut principalement fous Grégoire VII. qu'il fut plus parfait; auffi ce Pape fit tous les efforts pour le faire dire par tout: cet office étoit fort long, les clercs de la chapelle du Pape s'aviferent de l'abreger; & les Cordeliers, comme quelques-uns le croient, furent les premiers à s'accommoder de ce nouvel office; Nicolas III. vers l'an 1225. le fit recevoir dans cette nouvelle forme par toutes les Eglifes de Rome; & enfin depuis le concile de Trente, fous Pie V. & Clement VIII. on y fit de nouvelles rubri ques que ces Papes approuverent, & qui y ont auffi introduit divers changemens.

Il eft donc certain que chaque Evêque avoit droit autrefois de difpofer lui-même l'office de fon Eglife de la maniere qu'il le jugeoit à propos, & de marquer les Pfeaumes, les leçons & les hymnes qu'on devoit dire, ainfi qu'on peut voir par l'exemple de Nepos Evêque d'Egypte, par faint Hilaire, faint Chryfoftome, faint Augustin, faint Céfaire, faint Ferreol, & tant d'autres Evêques qui en usoient ainsi : on com

mença d'avoir des offices propres en chaque Eglife, enfuite on en fit pour chaque province, & on obligea les Evêques fuffragans de s'en fervir, pour tâcher d'introdui re dans l'Eglife l'uniformité. Le concile de Vannes en Bretagne de l'an 465. le prefcriCan. 2. vit pour la province de Tours; Unam officiorum regulam teneamus juxta noftram provinciam. Le premier concile de Brague de Ibid. même; Ut unus atque idem pfallendi orda in officiis tenatur; neque private

nea

que monafteriorum confuetudines. Il défend d'introduire des devotions particulieres ou les ufages des Moines dans l'Eglife. Le qua triéme concile de Tolede ordonne la même chofe, & veut que chaque prêtre reçoi ve de fon Evêque à l'ordination le livre de prieres dont il doit fe fervir dans l'office, afin de fe conformer à l'Eglife cathedrale; Can. 2 Quando prefbyteri ab Epifcopo ordinantur in pareciis libellum officialem à fuo facerdote accipiant.

Caffien nous apprend que les premiers Moines fouhaitoient fort qu'un chacun s'accordât dans la maniere de faire l'office, de peur que la diverfité des rits ne donnât occafion de fchifme & de divifion; Verentes ne diffonantia vel varietas inter viros ejuf dem culture, quandoque in pofterum erroris vel amulationis feu fchifmatis noxium ger

men emitteret. Ce fut pour cette même raifon que Charlemagne fupprima les rits & les ufages des Eglifes particulieres, & qu'il introduifit l'ordre Romain dans tout fon Empire, afin, dit-il, que comme il n'y a qu'une foy, il n'y ait auffi qu'une feule & même maniere de faire l'office, conformé ment à ce que faint Paul recommande de Rom. 1 glorifier Dieu d'un même cœur & d'une même bouche; Ut unanimes uno ore honorificent Deum.

6.

27.

Le pape Gelafe veut qu'on fuive dans toute une province la maniere de dire l'of- Ep. r. fice qui eft en ufage dans l'églife metropolitaine; Ad celebranda divina officia ordinem quem motropolitana tenet, provinciales obfervare debebunt. L'onziéme concile de Tolede impofe des peines confiderables à ceux qui ne fe conforment pas à l'ufage du Metropolitain dans la célébration des offices. Eudes de Sully évêque de Paris dans fes ftatuts d'environ l'an 1200. re commande à tous les Curez de fon diocèze de fuivre l'ufage de la grande Eglife (c'est la Cathedrale) dans le fervice divin; Habeant finguli facerdotes parœciales ordinarium officiorum Ecclefia fecundum ufum & modum qui fervatur in majori Ecclefia: c'eft de là que dans la fuite les Moines prîrent le Breviaire du lieu où ils vinrent s'établir