Imágenes de páginas
PDF
EPUB

foient placés, Sans parler de fes pendules à trois parties, de fes répétitions fans rouages & à réveil, on lui doit la compensation des effets de la chaleur & du froid fur les regulateurs au moyen de l'allongement inégal de divers métaux.

Supérieur à ces baffes jaloufies, à ces petites défiances qui dégradent l'art & l'artifte, il fut intimément lié avec Henri Suly, qui a excité tant d'émulation parmi les horlogers. Ils trouvoient un grand plaifir à s'entretenir ensemble de leur art. L'anglois porta la confiance qu'il avoit dans fa candeur & dans fes lumieres, jufqu'à le mettre prefque feul dans la confidence du projet qu'il avoit formé pour les longitudes, projet fur lequel il fondoit les plus flatteufes efpérances.

Leroy méritoit toutes ces marques d'amitié. Jamais homme fut-il plus acceffible, plus communicatif, plus prodigue de fes connoiffances. Il a employé autant d'industrie à mettre fes ouvrages fous les yeux des gens de l'art, que les anglois en mirent d'abord pour les leur cacher. Où eft l'artiste qui ignore les peines qu'il s'eft données pour former d'habiles ouvriers, lorfqu'ils étoient auffi rares qu'ils font actuellement communs? Qui ne fait enfin qu'il y a facrifié une partie de fa fortune; qu'il ne fe bornoit pas à les encourager par fes confeils & par fes exemples; qu'il y ajoutoit encore les ré

compenfes autant que fes moyens le lui mettoient.

per

Lorfque les manufactures de Verfailles & de Saint-Germain furent diffipées, Suly engagea fon ami à accepter une penfion du miniftere de Londres; c'étoit l'obliger à paffer à Londres. Il crut que fes lumieres comme fon cœur appartenoient à fa patrie. Suly étant mort, Julien fut preffé de demander fa penfion; il ne voulut point la ravir, ni même la partager avec la veuve.

Sa vie, extrêmement simple, n'offre point de ces événemens qui excitent la curiofité. Mais pour les gens qui penfent, le patriote qui donne des citoyens à l'état, des découvertes utiles à fon art, qui emporte en mourant l'eftime des peuples & celle même des rois, celui-là eft vraiment digne des longs fouvenirs de la postérité.

3 Octobre 1687. n.

HENRI COCHIN.

ELEVE de l'université, c'est au milieu des orateurs grecs, latins & françois qu'il apprit l'art de plaire, d'inftruire & de tou

cher.

Sans une inclination particuliere pour un genre d'étude plutôt que pour un autre, il se portoit à tout avec une égale vivacité.

Son pere avoit une bibliotheque de livres. bien choifis; mais n'en pouvant lire autant qu'il pouvoit s'en procurer, il n'en prenoit qu'autant qu'il en pouvoit lire. Il se bornoit aux poëtes, aux orateurs, aux hiftoriens & aux jurifconfultes. Ceux qui lifent reffemblent un peu à ceux qui voyagent: être partout, c'eft n'être nulle part.

Il ne fut pas long-temps à s'appercevoir dans le monde qu'une partie de la vie fe paffoit à mal faire, la plus grande à ne rien faire, & la totalité à faire autre chofe que ce que l'on devoit. Dès le moment qu'il eut choifi la carriere du barreau, tout entier à son état, il ne vit plus qu'un but, & ce but devint l'unique objet de fes pensées & de fes actions. A vingt-deux ans, il plaida fa premiere caufe, & la gagna; elle lui valut une caufe importante au grand-confeil. Il avoit à faire voir que les religieux de la congrégation de Saint-Maur, pourvus de bénéfices, n'en peuvent difpofer fans la permiffion de leur général. Son plaidoyer fut celui d'un très-habile canonifte.

Enfin le parlement defiroit l'entendre; il y vint difputer de force avec M. Julien de Prunay, de graces avec M. Aubry, & de dignité avec M. Normand. La premiere fois que M. Cochin plaida au palais, M. Normand le joignit au fortir de l'audience, & lui protesta tout haut que dé fa vie il n'avoit

[ocr errors]

rien entendu de fi éloquent. On voit bien que vous n'êtes pas de ceux qui s'écoutent, lui répondit M. Cochin.

MM. Julien de Prunay & Aubry, avocats de deux parties unies d'intérêt, avoient en tête M. Cochin. M. Julien ayant plaidé le premier fut fi frappé de la réponse de M. Cochin, que fe tournant vers M. Aubry qui s'étoit chargé de la réplique: C'est à vous de voir comment vous vous en tirerez dans huit jours. Pour moi, je reconnois que je n'ai fait que balbutier. Voilà un homme qui remplit l'idée que j'avois de l'éloquence.

Ces éloges ne le corrompirent pas, & il travailloit toujours comme fi fa réputation n'eût pas été faite. Ses délaffemens n'étoient qu'un changement d'occupations. Tous les pendant les vacances à fa campagne de Mally, il reprenoit la fuite de ses études d'hiftoire, de morale & de religion.

ans,

[ocr errors]

Ses promenades fe faifoient avec un Defcartes un Newton ou un Malebranche. Ses heures de récréations fe paffoient à lire les poëtes latins; il les favoit prefque tous par cœur, & fes applications étoient quelquefois heureuses.

Un jour il étoit question dans une affaire de produire une piece dont on parloit depuis l'origine de la contestation, & que l'adverfaire n'apportoit jamais. Il y a long-temps, dit M. Cochin, qu'on nous flatte de l'ef

pérance de la voir, mais elle n'arrive pas, & fi quelqu'un attend qu'elle paroiffe, rufticus expectat dum defluat amnis.

M. Cochin n'étoit jamais plus éloquent que dans le feu de l'action. On l'a vu parler des heures entieres fans préparation; c'étoit Minerve qui fortoit toute armée du cerveau de Jupiter.

Au milieu des applaudiffemens les plus unanimes, il confervoit une modeftie... c'étoit de l'humilité, telle que la religion la confeille. Vous êtes, monfieur, fi fupérieur aux autres hommes, lui dit en pleine grand-chambre une femme de qualité dont il venoit de plaider la caufe, que fi c'étoit le temps du paganifme je vous adorerois comme le dieu de l'éloquence.

Dans la

vérité du chriftianifme, madame, l'homme n'a rien dont il fe puiffe approprier la gloire. Une autre fois l'abbé de Cîteaux lui ayant dit publiquement: Tout parle en vous, monfieur, & il femble que votre corps même ait les facultés de l'efprit; M. Cochin répliqua: Et s'il arrive que la moindre fibre de ce corps fe dérange, vous ferez tenté de dire que tout eft matiere inanimée.

Avec cette finguliere modeftie, il avoit un amour extrême de fes devoirs. Chargé de quelqu'affaire, rien ne pouvoit le difpenfer d'aller au palais. Un jour qu'il avoit commencé fon plaidoyer avec une voix pref

« AnteriorContinuar »