Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Ainfi mourut fans douleur, fans remords & fans crainte le refpectable doyen de la littérature de la France & de l'Europe, dont la vie entiere a été la preuve de ce qu'a dit Cicéron, du bonheur que procurent les lettres dans tous les âges. Elles avoient nourri fa jeuneffe, elles embellirent fes plus beaux jours, elles furent fon réfuge & fa confolation dans fes peines, elles le rendirent heureux par-tout & dans tous les momens, elles ont fait le charme de fa vieilleffe; & pour derniere faveur, elles honorent sa mé

moire.

M. de Burigny avoit fait par ordre du roi un voyage en Angleterre, Angleterre, d'où il a rapporté un grand nombre de titres très-intéreffans pour la France & pour plufieurs de nos grandes maifons, tirés de la bibliotheque britannique & des archives renfermées à l'échiquier & à la tour de Londres. La connoiffance des anciens titres eft devenue un art d'autant plus important, que ces titres font pour les anciennes maifons les preuves de leur origine & de leur fplendeur, & pour les églifes, les abbayes, les monafteres, ces familles perpétuelles & immuables, les garans de leurs établiffemens & de leurs propriétés. On voit quelle eft l'étendue de fon travail, quelles font les nombreufes recherches qu'il a été obligé de faire, les immenfes lectures auquelles il a fallu fe livrer, les dif

ficultés minutieufes qu'il a rencontrées, & les reffources infinies qu'il offre à ceux qui se dévoueront à l'étude de l'histoire. Envoyé & recommandé par les miniftres françois, il fut accueilli par les favans, par les miniftres anglois & par le roi lui-même. Son voyage eft dans la littérature une époque qui honore également les rois, les ministres & les favans des deux nations.

Perfonne n'a mieux fait connoître que M. de Burigny dans fa differtation de Mahomet cet heureux artifan d'une nouvelle religion & d'un nouvel empire.

9 Octobre 1688. m. CLAUDE PERRAULT.

IL vouloit être médecin, & il étudia cet art de faire fubfifter enfemble l'intempé→ rance & la fanté; mais la nature l'avoit fait architecte. Il traduifit Vitruve, & la belle façade du Louvre eft fon ouvrage. Ce fut alors que Louis XIV, qui convoquoit en France tous les artiftes, apprit des étrangers même que quand on avoit de tels hommes chez foi il n'en falloit pas aller chercher ailleurs. Sans doute il eut pu fe paffer de faire venir de Rome dans fes équipages le Bernin, qui reçut outre cinq louis par jour pendant huit mois qu'il refta en

France, un préfent de cinquante mille écus avec une penfion pour lui & pour fon fils. Celui qui fit le bufte de Louis XIV & la ftatue équeftre de Marcus-Curtius, fut le premier à admirer cette colonade fi noble, fi hardie qui excite encore notre étonnement & nos regrets. Il n'y a perfonne qui en la voyant ne s'écrie comme le poëte du Frefny: Superbe monument de la magnificence d'un de nos plus grands rois, vous feriez achevé fi l'on vous eût donné à un des ordres mendians pour tenir fon chapitre & loger fon général.

Si Perrault qui inventa les machines avec lefquelles on tranfporta des pierres de cinquante-deux pieds de long, étoit par fes deffins fublimes, le premier homme de fon fiecle, comme médecin, il avoit quelques droits à la reconnoiffance publique. Boileau lui-même lui dut la fanté, & ce n'est que quand il fe porta bien, qu'il osa lui dire : Soyez plutôt maçon, fi c'est votre talent. L'académie des fciences plus jufte que le Juvenal françois, fe l'affocia & pour fes talens & pour fon caractere.

Quoiqu'il n'eût guère exefcé la médecine que pour fa famille, fes amis & les pauvres, la faculté plaça fon portrait dans fes écoles publiques. Tous ces honneurs doivent effacer les épigrammes contre le docteur de Flo

rence.

Charles fon frere, voué aux mufes dès fon enfance, prit moins à leur école le talent d'écrire que le goût des lettres & des arts. Tous ceux qui les cultivoient devenoient fes amis, & il ne profita de fon crédit auprès de Colbert que pour leur folliciter des récompenfes & des penfions. Son fuffrage étoit la moins fufpecte des cautions; car il avoit autant de probité que de connoiffances. Contrôleur général des bâtimens, c'est lui qui donna la forme aux académies de peinture, de fculpture & d'architecture. L'académie françoise lui doit son logement au Louvre. Epris jufqu'à l'enthoufiafie de la gloire de la nation, il chanta les merveilles du regne de Louis XIV. Son poëme, le fiecle de Louis-le-Grand, ne parut aux partifans fuperftitieux de l'antiquité que la fatyre la plus indécente des fiecles d'Alexandre & d'Augufte: Ce fut le fignal d'une guerre. Cette controverfe reffembla prefqu'à une guerre de religion par l'aigreur & la haine qu'on y mit de part & d'autre. Il eft très-vrai que Perrault trouvoit trop de défauts dans les anciens; mais fa grande faute eft de les avoir critiqués mal-adroitement, & de s'être fait des ennemis de ceux même qu'il pouvoit oppofer aux anciens. Racine fit contre lui un couplet, & Def préaux une épigramme. Le prince de Conti, qui defiroit voir le fatyrique entrer en lice

armé de pied en cap, dit un jour qu'il iroit à l'académie françoife écrire fur la place de Defpréaux, tu dors Brutus!... Le fatyrique fe réveilla enfin. On écrivit beaucoup & le public fut plus amufé qu'éclairé; fottife des deux parts eft, comme on fait, la devife de toutes les querelles. Quoi qu'on en dife, les Paralleles font un livre estimable; ce ne font point les plaifanteries de Boileau qui ont fait tort à cet ouvrage: c'eft Perrault lui-même par fon poëme de SaintPaulin, fon conte de Peau-d'Ane, & fa Femme au né de boudin. Il n'en résulte pas

moins de la trop fameufe queftion, qu'Euripide eft toujours Euripide; mais auffi Racine eft toujours Racine. Comme tous ceux qui cultivent les fciences & les arts doivent être amis, la paix fe fit, & elle fut conclue

en 1666.

Si Perrault a exalté le fiecle de Louis XIV, du moins ofa-t-il écrire & dire à la face de Louis XIV lui-même des vérités que Fénélon n'ofa depuis produire qu'en fecret fous le voile de l'allégorie, & fous le mafque de Mentor. Voici des vers qu'il n'a pas pris aux anciens, & on n'en trouve point de pareils, de fi philofophiques dans Boileau.

N'imitez pas ces rois dont l'efprit orgueilleux Penfe que leurs états ne font faits que pour eux; Qu'un digne potentat doit n'aimer que la guerre,

« AnteriorContinuar »