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III.
Diverfes

des douleurs. Celle de la migraine ne
reffemble pas à celle de la colique ou de
la
goutte. Il y a certaines efpeces de dou-
leurs qui reviennent & ceffent tous les
jours: & c'eft la faim & la foif.

Parmi nos fens, quelques uns ont leur organe double nous avons deux proprietés yeux, deux oreilles, deux narrines; des fens. & la fenfation peut être exercée par ces organes conjointement, ou séparément. Quand ils agiffent conjointement, la fenfation eft un peu plus forte. On voit mieux de deux yeux enfemble que d'un feul, encore qu'il y en ait qui ne remarquent gueres cette difference.

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Quelques-unes de nos fenfations nous font fentir d'où elles nous viennent, & d'autres ne font point ces effets en nous. Quand nous fentons la douleur de la goutte, ou de la migraine, ou de la colique nous fentons bien la douleur dans une certaine partie, mais nous ne sen tons pas d'où le coup y vient. Mais nous fentons affez de quel côté nous viennent les fons & les odeurs. Nous fentons par le toucher ce qui nous arrête, ou ce qui nous cede. Nous rapportons naturellement à certaines chofes le bon & le mauvais goût. La vûe furtout, rapporte

jours & fort promptement d'un certain côté, & à un certain objet, les couleurs qu'elle apperçoit.

De-là s'enfuit que nous devons encore fentir en quelque façon la figare & le mouvement de certains objets par exemple, des corps colorés. Car en reffentant comme nous faifons au premier abord de quel côté nous en vient le fentiment, parce qu'il vient de plufieurs côtés, & de plufieurs points, nous en appercevons l'étendue, parce qu'ils font réduits à certaines bornes, au-delà defquelles nous ne fentons rien, nous fommes frappés de leur figure: s'ils changent de place, comme un flambeau qu'on porte devant nous, nous en reffentons le mouvement, ce qui arrive principalement dans la vûë, qui eft le plus clair & le plus diftin&t de tous les fens.

Ce n'eft pas que l'étendue, la figure & le mouvement, foient par eux-mêmes vifibles, puifque l'air qui a toutes ces chofes, ne l'eft pas : on les appelle auff visibles par accident, à caufe qu'elles ne le font que par les couleurs.

De-là vient la diftinction des chofes fentibles par elles-mêmes, comme les couleurs, les faveurs, & ainfi du refte; & fenfibles par accident comme les

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grandeurs, les figures & le mouvement. Les chofes fenfibles par accident s'appellent auffi fenfibles communes parce qu'elles font communes à pluhieurs fens. Nous ne fentons pas feulement par la vûë, mais encore par le toucher, une certaine étendue, & une certaine figure dans nos objets & quand une chofe que nous tenons échape de nos mains, nous fentons par ce moyen en quelqué façon qu'elle fe meut. Mais il faut bien remarquer que ces chofes ne font pas le propre objet des fens, ainfi qu'il a été dit.

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Il y a donc fenfibles communs, & fenfibles propres. Les fenfibles propres font ceux qui font particuliers à chaque fens, comme les couleurs à la vûë, le fon à l'ouïe, & ainfi du refte. Et les fenfibles communs, font ceux dont nous venons de parler, qui font communs à plufieurs fens.

On pourroit ici examiner fi c'eft une operation des fens, qui nous fait appercevoir d'où nous vient le coup & l'étendue, la figure, ou le mouvement de l'objet, car peut-être que ces fenfibles communs appartiennent à quelqu'autre opération qui fe joint à celle des fens. Mais je ne veux point encore aller à ces

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précisions; il me fuffit ici d'avoir ob
fervé que la perception de ces fenfibles.
communs ne fe fépare jamais d'avec les
fenfations.

Il reste encore deux remarques à faire
fur les fenfations.

IV. 7

Le fens

l'imagina

La premiere, c'eft que toutes diffe- commun & rentes qu'elles font, il y a en l'ame une tion. faculté de les réunir. Car l'experience nous apprend qu'il ne fe fait qu'un feul objet fenfible de tout ce qui nous frappe enfemble, même par les fens differens, furtout quand le coup vient du même endroit. Ainfi quand je vois le feu d'une certaine couleur, que je reffens le chaud qu'il me caufe, & que j'entens le bruit qu'il fait, non feulement je vois tte couleur, je reffens cette chaleur,& entens ce bruit, mais je reffens ces fenfations differentes comme venant du même feu.

Cette faculté de l'ame qui réunit les fenfations, foit qu'elle foit feulement une fuite de ces fenfations, qui s'uniffent naturellement quand elles viennent ensemble, ou qu'elle faffe partie de l'imaginative, dont nous allons parler, cette faculté, dis-je, quelle qu'elle foit, en-tant qu'elle ne fait qu'un feul objet de tout ce qui frappe ensemble nos fens,

eft appellée le fens commun : terme qui fe tranfporte aux operations de l'efprit; mais dont la propre fignification est celle que nous venons de remarquer.

La feconde chofe qu'il faut obferver dans les fenfations, c'eft qu'aprés qu' elles font paffées, elles laiffent dans l'ame une image d'elles-mêmes & de leurs objets, c'eft ce qui s'appelle imaginer.

Que l'objet coloré que je regarde fe retire, que le bruit que j'entens s'appaife, que je ceffe de boire la liqueur qui m'a donné du plaifir, que le feu qui m'échaufoit foit éteint, & que le fentiment du froid ait fuccédé fi vous voulez à la place, j'imagine encore en moi-même cette couleur, ce bruit, ce plaifir & cette chaleur ; tout cela moins vifà la verité, que lorfque je voyois ou que j'entendois, que je goûtois ou que je fentois actuellement; mais toûjours de même

nature.

Bien plus, aprés une entiere & longue interruption de ces fentimens, ils peuvent fe renouveller. Le même objet coloré, le même fon, le même plaifir d'une bonne odeur, ou d'un bon goût me revient à diverfes reprises, ou en veillant, ou dans les fonges, & cela s'appelle

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