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yeux doublent les objets, & voici fur ce fujet quelle eft fa regle..

Quand on change la fituation natu relle des organes; par exemple,quand on preffe l'œil enforte que les nerfs optiques. ne font point frappés en même sens, alors l'objet paroît double en des lieux differens, quoiqu'en l'un plus obscur qu'en l'autre de forte que vifiblement il excite deux fenfations distinctes. Mais quand les deux yeux demeurent dans leur fituation, comme deux cordes fem-blables montées fur un même ton, &: touchées en même temps de la même force ne rendent qu'un même fon à motre oreille; ainfi les nerfs des deux yeux touchés de la même forte, ne préfentent à l'ame qu'un feul objet, & ne lui font remarquer qu'une fenfation.. La raifon en eft évidente, puifque les deux nerfs touchés de même, ont un même rapport à l'objet, & le doivent par confequent faire voir tout-à-fait un, fans aucune diverfité, ni de couleur » mi de fituation, ni de figure..

Ileft donc abfolument impoffible que nous ayons en ce cas deux fenfations » qui nous paroiffent diftinctes, parce que leur parfaite reffemblance, & leur rapport uniforme au même objet, ne

permet pas à l'ame de les diftinguer: au contraire elles doivent s'y unir ensemble comme chofes qui conviennent entout point. Et ce qui doit réfulter de Feur union, c'eft qu'elles foient plus fortes étant unies que féparées; en forte qu'on voie un peu mieux de deux yeux. que d'un, comme l'experience le mon

tre.

Voilà ce qu'il y avoit à confiderer fur la Nature, & les differences des fenfation en-tant qu'elles appartiennent au corps, & à l'ame, & qu'elles dépendent de leur concours. Avant que de paffer: à l'ufage que l'ame en fait, pour le corps, & pour elle-même, il eft. bon de recueillir cequi vient d'être expliqué, & d'y faire un peu de réflexion.

VIK

Réflexion fur la Doris

Si nous l'avons bien compris, nous avons vû qu'il fe fait en toutes les fenfations>un mouvement enchaîné qui com- ne préceden mence à l'objet, & fe termine au-de- te. dans du cerveau.

Il n'eft pas befoin de parler ni dur di toucher ni du goût, où l'application de l'objet eft immédiate, & trop palpable pour être niée. A l'égard des trois au tres fens, nous avons dit que dans la vue le rayon doit fe réfléchir de deffus Pobjet : que dans l'oüie, le corps réfon

nant doit être agité. Enfin, que dans l'o dorat, une vapeur doit s'exhaler du corps odoriferant.

Voilà donc un mouvement qui se commence à l'objet ; mais ce n'eft rien s'il ne continue dans tout le milieu, qui eft entre l'objet & nous.

C'eft ici que nous avons remarqué ce que peuvent les vents & l'eau, & les autres corps interpofés, opaques & non tranfparens, pour empêcher les objets

& leur effet naturel.

Mais pofons qu'il n'y ait rien dans lė milieu, qui empêche le mouvement de fe continuer jufqu'à moi, ce n'est pas allez. Si je ferme les yeux, ou que je bouche les oreilles & les narines, les rayons réfléchis, & l'air agité, & la va peur exhalée, viendront inutilement. Il faut done que ce mouvement qui a commencé à l'objet, & s'eft étendu dans le milieu, fe continue encore dans les organes. Et nous avons reconnu qu'il fe pouffe le long des nerfs jufques au-dedans du cerveau.

Toute cette fuite de mouvemens enchaînés & continués,eft neceffaire pour la fenfation, & c'eft aprés tout cela qu'elle s'excite dans l'ame.

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Mais le fecret de la Nature on pour.

hieux parler, celui de Dieu eft d'exciter la fenfation lorfque l'enchaînement finit, c'est-à-dire, lorfque le nerf est ébranlé dans le cerveau, & de faire qu'el le fe termine à l'endroit oùl 'enchaîne. ment commence, c'eft-à dire, à l'objet même, comme nous l'avons expliqué.

Par-là il fera aifé d'entendre de quoi nous inftruifent les fenfations, & à quoi nous fert cette inftruction tant pour le corps que pour l'ame.

Pour cela remettons-nous bien dans l'efprit les quatre chofes que nous ve nons d'obferver dans les fenfations, c'est-à-dire, ce qui fe fait dans l'objet, ce qui fe fait dans le milieu, ce qui fe fait dans nos organes, ce qui fe fait dans notre ame, c'est-à-dire, la fenfation elle-même, dont tout le reste a été la préparation.

VIII.

Six propo fitions qui

font voir de

eft inftruite

VII. Propofition. Ce qui fe fait dans le's nerfs, c'est-à-dire, le mouvement auquel le fentiment eft attaché, n'est ni fenti ni connu. Quand nous voyons, quoi l'ame quand nous écoutons, ou que nous goû- par les fentons, nous ne fentons, ni ne connoif- fations & fons en aucune maniere ce qui fe fait elle en fait l'ufage qu'dans notre corps ou dans nos nerfs, tant pour le & dans notre cerveau ni même si › nous avons un cerveau & des nerfs. même. Tout ce que nous appercevons, c'est

corps que pour elle

qu'à la présence de certains objets, il s'excite en nous divers fentimens ; par exemple, ou un fentiment de plaifir ou un fentiment de douleur, ou un bon, ou un mauvais goût, & aink du refte.. Ce bon & ce mauvais goût ne nous fait rien fentir ni appercevoir de ce qui se fait dans les nerfs. Tout ce que nous en fçavons nous vient du raifonnement, qui n'appartient pas à la fenfation, & n'y fert de rien.

VIII. Propofition. Non feulement nous ne fentons pas ce qui se fait dans nos nerfs, c'est-à-dire, leur ébranlement ; mais nous ne fentons non plus, ce qu'il y a dans l'objet qui le rend capable de les ébranler, ni ce qui fefait dans le milieu par où l'impreffion de l'objet vientjusqu'à Bous. Cela eft conftant par l'experience. La vûë ne nous rapporte pas les diverfes réflexions de la lumiere qui fe font dans les objets, & dont nos yeux font frappés, ni comme il faut que l'objet, ou le milieu, foient faits pour être opaques ou tranfparens pour caufer lesréflexions ou les réfractions & les autres accidens femblables, ni pourquoi le blanc on le noir, ou dilatent nos nerfs, ou les refferrent, & ainfi des autres couleurs. L'oüie ne nous fait fentir ni l'agitation de l'air, ni celle des corps ré

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