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Et comme il ne prend pas feu tout-àcoup, fon ardeur ne s'éteint auffi qu'avec le temps.

qu

naiffent

Des paffi ons, à quel

du corpselles

De cette agitation du cerveau & des. XI. penfées qui l'accompagnent, les paffions avec tous les mouvemens le difpofition 'elles caufent dans le corps, & tous font unies. les défirs qu'elles excitent dans l'ame. Pour ce qui eft des mouvemens corporels, il y en a de deux fortes dans les paffions, les interieurs, c'est-à-dire, ceux des efprits & du fang, & les exterieurs, c'est-à-dire, ceux des pieds, des mains & de tout le corps,pour s'unir à l'objet, ou s'en éloigner, qui eft le propre effet des paffions.

La liaison de ces mouvemens interieurs, &exterieurs, c'eft-à-dire, du mouvement des efprits avec celui des membres externes, eft manifefte, puifque les membres ne fe remuënt qu'au mouvement des muscles, ni les mufcles qu'au mouvement & à la direction des efprits.

Et il faut en général, que les mouvemens des animaux fuivent l'impreffion des objets dans le cerveau, puifque la fin naturelle de leur mouvement, eft de les approcher, ou de les éloigner des objets mêmes

C'est pourquoi nous avons vû que

pour lier ces deux chofes, c'est-à-dire ». l'impreffion des objets & le mouvement, la Nature a voulu qu'au même endroiv où aboutit le dernier coup de Fobjet c'est-à-dire, dans le cerveau, commençât le premier banle du mouvement, & pour la même raifon elle a conduit jufqu'au cerveau les nerfs qui font tout enfemble & les organes par où les objets nous frappent, & les tuyaux par où les efprits font portés dans les mufcles, & les font jouer.

Ainfi par la liaifon qui fe trouve naturellement entre l'impreffion des objets, & les mouvemens par lefquels le corps eft tranfporté d'un lieu à un autre, il eft aifé de comprendre qu'un objet qui fait une impreffion forte, par-là difpofe le corps à de certains mouve mens, & l'ébranle pour les exercer.

En effet, il ne faut que fonger ce que c'est que le cerveau frappé, agité, imprimé pour ainfi parler, par les objets, pour entendre qu'à ces mouvemens quelques paffages feront ouverts & d'autres fermés, & que de-là il arri vera que les efprits qui tournent fans ceffe avec grande impetuofité dans le cerveau, prendront leur cours à certains endroits plûtôt qu'en d'autres qu'ils

templiront par confequent certains nerfs plûtôt que d'autres, & qu'enfuite le cœur, les mufcles, enfin toute la ma-chine mûë & ébranlée en conformité, fera pouffée vers certains objets, ou à' Foppofite felon la proportion que la Nature aura mife entre nos corps & ces objets.

En cela la fageffe de celui qui a reglé tous ces mouvemens, confiftera' feulement à tourner le cerveau, de forte que le corps foit ébranlé vers les objets convenables, & détourné des objets

contraires.

Aprés cela, il eft clair que s'il veut joindre une ame à un corps, afin que tout le rapporte, & il doit joindre les defirs de l'âme à cette fecrette difpofition, qui ébranle le corps d'un certain côté, puifqué même nous avons vû que les defirs font à l'ame ce que le mouvement progreffif eft au corps, & que e eft par-là qu'elle s'approche, our qu'elle s'éloigne à fa maniere.

Voilà donc entre l'ame & le corps une proportion admirable. Les fenfations répondent à l'ébranlement des nerfs, les imaginations aux impreffions du cerveau, & les defirs ou les averfions, à ce branle fecret que reçoit le corps dam

les les paffions, pour s'approcher ou fe reculer de certains objets.

Et pour entendre ce dernier effet de correfpondance, il ne faut que confi~ derer en quelle difpofition entre le corps dans les grandes paffions, & en même temps combien l'ame eft follicitée à y accommoder fes defirs.

Dans une grande colere, le corps fe trouve plus prêt à infulter l'ennemi & à l'abattre, & fe tourne tout à cette infulte & l'ame qui fe fent auffi vivement preffée, tourne toutes fes pensées au même deffein.

Au contraire la crainte fe tourne à l'éloignement, & à la fuite qu'elle rend vite & précipitée plus qu'elle ne le feroit naturellement, fi ce n'eft qu'elle devienne fi extreme, qu'elle dégénere en langueur ou en défaillance. Et ce qu'il y a de merveilleux, c'eft que l'ame entre auffi-tôt dans des fentimens convenables à cet état ; elle a autant de defir de fuir que le corps y a de difpofition. Que fi la frayeur nous faifit de forte, que fang fe glace fi fort

le

que le corps tombe en défaillance, l'ame défaut en mêmetemps, le courage tombe avec la force, & il n'en refte pas même affez pour vou loir prendre la fuite.

Et il étoit convenable à l'union de l'ame & du corps, que la difficulté du mouvement, auffi-bien que la difpofition à le faire, eût quelque chofe dans Fame qui lui répondit, & c'eft auffi ce qui fait naître le découragement, la profonde mélancolie, & le defefpoir.

Dans l'ef

Contre de fi triftes paffions, & au défaut de la joye qu'on a rarement bien pure l'efperance nous eft donnée comme une efpece de charme qui nous empêche de fentir nos maux. perance les efprits ont de la vigueur, le courage fe foutient auffi, & même il s'excite. Quand elle manque tout tombe, & on fe fent comme enfoncé dans un abyfme.

Selon ce qui a été dit, on pourra définir la paffion, à la prendre en ce qu'elle eft dans l'ame & dans le corps, un defir ou une averfion qui naît dans l'ame,à proportion que le corps eft difpofé audedans à pourfuivre, ou à fuir certa ins objets.

Ainfi le concours de l'ame & du corps eft vifible dans les paffions. Mais il eft clair que la bonne & mauvaise difpofition doit commencer par le corps. Car comme les paffions fuivent les fenfations, & que les fenfations fuivent les

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