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difpofitions du corps, dont elles doivent avertir l'ame il paroît que les paffions doivent fuivre auffi en forte que le corps doit être ébranlé par un certain mouvement avant que l'ame foit follicitée à s'y joindre par fon defir.

En un mot, en ce qui regardé les fenfations, les imaginations & les paffions, elle eft purement patiente. Et il faut toujours penfer que comme là fenfation fuit l'ébranlément du nerfs & que l'imagination fuit l'impreffion du cerveau, le defir ou l'averfion fuivent auffi la difpofition où le corps eft mis par les objets qu'il faut ou fuir ou chercher.

La raifon eft, que les fenfations & tout ce qui en dépend, eft donné à l'ame pour l'exciter à pourvoir aux befoins du corps, &que tout cela par confequent devoit être accommodé à ce qu'il fouffre.

Et il ne faut pour nous en convain ere, que nous obferver nous-mêmes dans un de nos appetits les plus naturels, qui eft celui de manger. Le corps vuide de nourriture en a befoin, & l'ame au ffila defire le corps eft alteré par ce befoin & l'ame reffent auffi la douleur preffante de la faim. Les viandes frappent l'ail ou l'odorat, & en ébranlent les

nerfs

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nerfs,les fenfations conforme s'excitent, c'est-à-dire, que nous voyons & fentons les viandes par l'ébranlement des nerfs, cet objet eft imprimé dans le cerveau, & le plaifir de manger remplit l'imagi nation. A l'impreffion que les viandes font dans le même cerveau, les efprits coulent dans tous les endroits qui fervent à la nutrition, l'eau vient à la bouche, & on fçait que cette eau eft propre à ramollir les viandes, à en exprimer le fuc, à nous les faire avaler d'autres eaux s'apprêtent dans l'eftomac, & déja elles le picotent, tout le prépare à la digeftion, & l'ame devore déja les viandes par la pensée.

C'est ce qui fait dire ordinairement que l'appetit facilite la digestion, non qu'un défir puiffe de foi-même inciser les viandes, les cuire & les digerer; mais c'est ce défir vient dans le temps que que tout eft prêt dans le corps à la digeftion.

Et qui verroit un homme affamé en présence de la nourriture offerte aprés un long-temps, verroit ce que peut l'ob-: jet préfent, & comme tout le corps fe tourne à le faifir & à l'engloutir.

Il en eft donc de notre coprs dans les paffions; par exemple, dans une faim.. ou dans une colere violente, comme R

d'un arc bandé, dont toute la difpofition tend à décocher le trait, & on peut dire qu'un arc en cet état ne tend pas plus à tirer, que le corps d'un homme en colere tend à frapper l'ennemi. Car & le cerveau, & les nerfs,& les muscles, le tournent tout entier à cette action, comme les autres paffions le tournent aux actions qui leur font conformes.

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Et encore qu'en même-temps que corps eft en cet état, il s'éleve dans notre ame mille imaginations & mille défirs, ce n'eft pas tant ces penfées qu'il faut regarder, que les mouvemens du cerveau aufquels elles fe trouvent jointes, puifque c'eft par ces mouvemens que les paffages font ouverts, que les efprits coulent que les nerfs, & par eux les muscles, en font remplis, & que tout le corps

eft tendu à un certain mouvement.

Et ce qui fait croire que dans cet état il faut moins regarder les penfées de l'ame, que les mouvemens du cerveau, c'eft que dans les paffions, comme nous les confiderons, l'ame eft patiente, & qu'elle ne préfide pas aux difpofitions du corps, mais qu'elle y fert.

C'eft pourquoi il n'entre dans les paffions ainfi regardées, aucune forte de zaifonnement, ou de réflexion. Car

ous y confiderons ce qui prévient tout raifonnement & toute réflexion, & ce qui fuit naturellement la direction des efprits pour caufer certains mouvemens.

Et encore que nous ayons vû dans le Chapitre de l'Ame, que les paffions fe diverfifient à la préfence,ou à l'abfence des objets, & par la facilité ou à la diffculté de les acquerir, ce n'eft pas qu'il intervienne une réflexion par laquelle nous concevions l'objet préfent ou abfent, facile ou difficile à acquerir ; mais c'eft que l'éloignement auffi-bien que la préfence de l'objet, ont leurs caracteres propres qui fe marquent dans lesorganes & dans le cerveau, d'où fuivent dans

tont le corps les difpofitions convena

bles, & dans l'ame auffi des fentimens & des défirs proportionnés.

Au refte il est bien certain que les réflexions qui fuivent aprés, augmentent ou rallentiffent les paffions:mais ce n'est pas encore de quoi il s'agit. Je ne regarde ici que le premier coup que porte la paffion au corps & à l'ame. Et il me fuffit d'avoir obfervé comme une chofe indubitable,que le corps eft difpofé y ar les paffions à de certains mouvemens, & que l'ame eft en même-temps puiff mment portée à y confentir. De-là vien

XII.

fet de l'union

nent les efforts qu'elle fait quand il fau par vertu s'éloigner des chofes où le corpseft difpofé. Elle s'apperçoit alors combien elle y tient, & que la corref pondance n'eft que trop grande.

Jufques ici nous avons regardé dans l'ame ce qui fuit les mouvemens du corps. Voyons maintenant dans le corps ce qui fuit les penfées de l'ame.

C'eft ici le bel endroit de l'homme, Second ef- Dans ce que nous venons de voir, c'eftde l'ame & à-dire dans les opérations fenfuelles, du corps, où l'ame eft affujettie au corps; mais dans Le voyent les les opérations intellectuelles que nous du corps af- allons confiderer, non feulement elle actions de eft libre; mais elle commande.

mouvemens

fujettis aux

l'ame:

Et il lui convenoit d'être la maîtreffe, parce qu'elle eft la plus noble, & qu'elle eft née par confequent pour commander Nous voyons en effet comme nos membres fe meuvent à fon commandement, & comme le corps fe transporte promptement où elle veut.

Un auffi prompt effet du commande, ment de l'ame, ne nous donne plus d'admiration, parce nous y fommes accoû❤ tumés mais nous en demeurons étonnés fi peu que nous y faffions de réflexion,

Pour remuer la main, nous avons vu qu'il faut faire agir premierement le cer

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