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certaines bornes, aide naturellement l'intelligence.

Nous avons vû auffi que notre esprit averti de cette fuite de faits que nous apprenons par nos fens, s'éleve au-deffus, admirant en lui-même & la nature des chofes, & l'ordre du monde. Mais les regles & les principes par lefquels il apperçoit de fi belles verités dans les objets fenfibles, font fuperieurs aux fens, & il en eft à peu-prés des fens & de l'entendement, comme de celui qui propofe fimplement les faits, & de celui qui en juge.

Il y a donc déja en notre ame une opération, & c'eft celle de l'entendement, qui précisément & en elle-même, n'eft point attachée au corps, encore qu'elle en dépende indirectement entant qu'elle fe fert des sensations & des images fenfibles.

La volonté n'eft pas moins indépendante, & je le reconnois par l'empire qu'elle a fur les membres exterieurs & fur tout le corps.

Je fens

XV. La volonté aucun of

n'eft attachée

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gane corpo rel, & loin

de

fuivre les

le

y préade..

du corps, el

que je puis vouloir ou tenir ma main immobile, ou lui donner du mouvemens mouvement : & cela en haut, ou en bas, à droit ou à gauche, avec une égale facilité de forte qu'il n'y a rien qui me determine que ma seule volonté.

Car je fuppofe que je n'ai deffein e remuant ma main, de m'en fervir nipour prendre ni pour foutenir, ni pour approcher, ni pour éloigner quoi que ce Loit: mais feulement de la mouvoir du côté que je voudrai, ou fi je veux, de la tenir en repos.

Je fais en cet état une pleine experience de ma liberté, & du pouvoir que j'ai fur mes membres, que je tourne où je veux, & comme je veux, feulement parce que je le veux.

neceffité

Et parce que j'ai connu que les mouvemens de ces membres dépendent tous du cerveau, il faut par que ce pouvoir que j'ai fur mes membres, je l'aye principalement fur le cerveau mễ

me.

Il faut donc que ma volonté le domine, tant s'en faut qu'elle puiffe être une fuite de fes mouvemens, & de fes impreffions.

Un corps ne choifit pas où il fe meut, mais il va comme il eft pouffé, & s'il n'y avoit en moi que le corps, ou que ma volonté fût comme les fenfations,attachée à quelqu'un des mouvemens du corps, bien loin d'avoir quelque empire, je n'aurois pas même de liberté.

Auffi ne fuis-je pas libre à fentir, ou

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ne fentir pas quand l'objet eft present. Je puis bien fermer les yeux ou les détourner & en cela je fuis libre, mais je ne puis en ouvrant les yeux, empêcher la fenfation attachée neceffairement aux impreffions corporelles, où la liberté ne peut pas être.

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Ainfi l'empire fi libre que j'exerce fur mes membres, me fait voir que je tiens le cerveau en mon pouvoir, & que c'eftlà le fiege principal de l'ame.

Car encore qu'elle foit unie à tous les membres, & qu'elle les doive tenir tous en fujetion, fon empire s'exerce immédiatement fur la partie d'où dépendent tous les mouvemens progreffifs, c'est-àdire fur le cerveau.

En dominant cette partie, où aboutiffent les nerfs, elle fe rend arbitre des mouvemens, & tient en main , pour ainfi dire, les rénes par où tout le corps eft pouffé, ou retenu.

Soit donc qu'elle ait le cerveau entier immédiatement fous fa puiffance, foit qu'il y ait quelque maîtreffe piece par où elle contienne les autres parties, comme un pilote conduit tout le vaiffeau par le gourvernail, il eft certain que le cerveau eft fon fiege principal, & que c'est delà qu'elle préfide à tous les mouvemens du corps.

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XVI.

L'en pire

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Et ce qu'il y a ici de merveilleux, c'est qu'elle ne fent point naturellement ni ce cerveau qu'elle meut, ni les mouvemens qu'elle y fait pour contenir ou pour ébranler le reste du corps, ni d'où lui vient un pouvoir qu'elle exerce fi absolument. Nous connoiffons feulement: qu'un empire eft donné à l'ame, & qu'une loi eft donnée au corps,en vertu de laquelle il obéit.

Cet empire de la volonté fur les membres d'où dépendent les mouvemens exque lavolonterieurs, eft d'une extreme confequence. exerce fur Car c'eft par-là que l'homme se rend mens exteri- maître de beaucoup de chofes, qui par eurs, la rend elles-mêmes fembloient n'être point fou mai- mifes à fes volontés..

les mouve

indircae

ment

paffions,

reffe des Il n'y a rien qui paroiffe moins foumis à la volonté, que la nutrition › & cependant elle se reduit à l'empire de la volonté en-tant que l'ame maîtreffe des membres exterieurs donne à l'eftomac 'ce qu'elle veut, & dans la mesure que la raifon preferit, en forte que la nutrition eft rangée fous cette regle.

Et l'eftomac même en reçoit la loi, la nature l'ayant fait propre à fe laiffer plier par l'accoutûmance.

Par ces mêmes moyens l'ame regle auffi le femmeil, & le fit fervir à la raifon

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En commandant aux membres des exercices penibles, elle les fortifie elle les durcit aux travaux, & fe fait un plaifir de les affujettir à fes loix.

Ainfi elle se fait un corps plus fouple, & plus propre aux opérations intellectuelles. La vie des faints Religieux en eft une preuve.

Elle étend auffi fon empire fur l'imagination & les paffions, c'eft-à-dire, fur ce qu'elle a de plus indocile.

L'imagination & les paffions naiffent des objets, & par le pouvoir que nous avons fur les mouvemens exterieurs nous pouvons ou nous approcher, ou nous éloigner des objets.

Les paffions dans l'execution dépendent des mouvemens exterieurs, il faut frapper pour achever ce qu'a commencé la colere, il faut fuir pour achever ce qu'a commencé la crainte; mais la volonté peut empêcher la main de frapper, & les pieds de fuir.

Nous avons vû dans la colère tout le corps tendu à frapper, comme un arc à tirer fon coup. L'objet a fait fon impreffion, les efprits ont coulés, le cœur a battu plus violemment qu'à l'ordinaire le fang s'eft émû, & a envoyé des efprits & plus abondans & plus vifs.

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