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à-dire, l'ame eft auffi celle qui préfide & que le corps lui eft foumis, les bras, les jambes, tous les autres membres

enfin tous le corps eft remué & tranfporté d'un lieu à un autre au commandement de l'ame. Les yeux & les oreilles fe tournent où il lui plaît, les mains executent ce qu'elle ordonne, la langue explique ce qu'elle penfe & ce qu'elle veut les fens lui préfentent les objets dont elle doit juger & fe fervir, les par ties qui digerent & diftribuent la nourriture, celles qui forment les efprits, & qui les envoyent où il faut, tiennent les membres exterieurs & tout le corps en état pour lui obéir.

C'est en cela que confifte la bonne difpofition du corps.. En effet, noust rouyons le corps fain, quand il peut executer ce que l'ame lui preferit: Au contraire, nous fommes malades, quand le corps foible & abattu ne peut plus fe tenir debout, ni fe mouvoir - comme nous le fouhaitons.

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Ainfi on peut dire que le corps eft un inftrument dont l'ame fe fert à fa volonté, & c'est pourquoi Platon définiffoit l'homme en cette forte. L'homme, dit-il, eft une ame fe fervant da Corps,

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C'eft de-là qu'il concluoit l'extreme difference du corps & de l'ame parce qu'il n'y a rien de plus different de celui qui fe fert de quelque chofe, chofe même dont il fe fert.

, que la

L'ame donc qui fe fert du bras & de' la main comme il lui plaît, qui fe fert de tout le corps, qu'elle tranfporte où elle trouve bon, qui l'expofe àtels perils qu'il lui plaît, &à fa ruine certaine, eft fans doute d'une nature de beaucoup fuperieure à ce corps, qu'elle fait fervir en tant de manieres & fi imperieufement à fes deffeins.

Ainfi on ne fe trompe pas quand on dit que le corps eft comme l'inftrument de l'ame. Et il ne fe faut pas étonner fi le corps étant mal difpofé, l'ame err fait moins bien fes fonctions. La meilleure main du monde avec une mauvaise plume, écrira mal. Si vous ôtés à un ouvrier fes inftrumens, fon adreffe na turelle ou acquife, ne lui fervira de

rien.

Il y a pourtant une extreme diffe→ rence entre les inftrumens.ordinaires & le corps humain. Qu'on brife le pinceaus d'un Peintre, ou le cifeau d'un Sculpteur,il ne fent point les cours dont ils ont été frappés: Mais l'ame fent tous>

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ceux qui bleifent le corps; & au coirtraire elle a du plaifir quand on lui donne ce qu'il faut pour s'entretenir.

Le corps n'eft donc pas un fimple inftrument appliqué par le dehors, ni un vaiffeau que l'ame gouverne à la maniere d'un Pilote. Il en feroit ainfi fi elle n'eftoit fimplement qu'intellectuelle; mais parce qu'elle eft fenfitive, elle eft forcée de s'intereffer d'une façon plus. particuliere à ce qui le touche, & de le gouverner,non comme une chose étrangere, mais comme une chofe naturelle & intimement unie.

En un mot, l'ame & le corps ne font enfemble qu'un tout naturel, & il y a entre les parties une parfaite & neceffaire communication.

Auffi avons-nous, trouvé dans toutes les opérations animales, quelque chofe de l'ame & quelque chofe du corps ; de forte que pour fe connoître foi-même, il faut fçavoir diftinguer dans chaque action, ce qui appartient à l'une d'avec ce qui appartient à l'autre, & remarquer tout enfemble comment deux parties de fi differente nature s'entr'aident. mutuellement..

Pour ce qui regarde le difcernement, Rour fe bien on fe le rend facile par de frequentes

foi méme

de frequen.

ons à difcer

ner en chaque action ce

qu'il y a du ce qu'il ya de

corps d'avec

réflexions. Et comme on ne fçauroit connoitre trop s'exercer dans une meditation fi il faut s'acimportante, ni trop diftinguer fon coûtomerpar ame d'avec fon corps, il fera bon de tes reflexiparcourir dans ce deffein toutes les opérations que nous avons confiderées. Ce qu'il y a du corps quand nous mouvons, c'est un premier branle dans le cerveau fuivi du mouvement & des l'ame. efprits & des mufcles, & enfin du tranfport, ou de tout le corps, ou de quelqu'une de fes parties, par exemple, du bras ou de la main. Ce qu'il y a du côté de l'ame, c'eft la volonté de fe mouvoir, & le deffein d'aller d'un côté plutôt que d'un autre.

Dans la parole, ce qu'il y a du côté du corps, outre l'action du cerveau qui commence tout, c'eft le mouvement du poulmon & de la trachée artere, pour pouffer l'air & le battement du même air, par la langue & par les lévres. Et ce qu'il y a du côté de l'ame, c'est l'intention de parler & d'exprimer fa penfée

Tous ces mouvemens, fi l'on y prend garde, quoiqu'ils fe faffent au commandement de la volonté humaine pourroient abfolument fe faire fans elle, De même que la refpiration qui dépend d'elle en quelque forte, fe fait tout à

fait fans elle quand nous dormons. Ec il nous arrive fouvent de proferer en dormant certaines paroles, ou de faire d'autres mouvemens qu'on peut regarder comme un pur effet de l'agitation du cerveau, fans que la volonté y ait part. On peut auffi concevoir qu'il fe forme certaines paroles par le battement feul de l'air, comme on voit dans les échos; & c'eft ainfi que ce Poëte faifoit parler ce phantôme: darinania verba, dat fine mente fonum.

Cette confideration nous peut fervir à obferver dans les mouvemens, & furtout dans la parole, ce qui appartiens à l'ame, & ce qui appartient au corps. Mais continuons à marquer cette difference dans les autres opérations.

Dans la vûe, ce qu'il y a du côté du corps', c'eft que les yeux foient ouverts, que les rayons du Soleil foient réfléchis de deffus la fuperficie de l'objet à noftre œil en droite ligne ; qu'ils

fouffrent certaines réfractions dans Jes humeurs, qu'ils peignent & qu'ils impriment l'objet en petit dans le fond de l'œil que les, nerfs optiques foient ébranlés, enfin que le mouvement fe communique jufques au-dedans du cerveau. Ce qu'il y a du côté de l'ame.

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