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'eft la fenfation, c'est-à-dire, la perception de la lumiere & des couleurs, & le plaifir que nous reffentons dans les unes plûtôt que dans les autres, ou dans certaines vûes agréables » plûtôt qu'en d'autres.

Dans l'ouie, ce qu'il y a du côté dự eorps, c'eft que Fair agité d'une certaine façon, frappe le tympan & ébranle les nerfs jufques au cerveau. Du côté de l'ame, e'eft la perception du fon, le plaifir de l'harmonie, la peine que nous donnent de méchantes voix, & des tons difcordans, & les diverfes penfées qui naiffent en nous par la parole.

Dans le goût & dans l'odorat, un eertain fuc tir édes viandes & mêlé avec la falive, cbranle les nerfs de la langue, une vapeur qui fort des fleurs ou des autres corps frappe les nerfs des narines. Tout ce mouvement fe communique à la racine des nerfs, & voilà ce qu'il y a du côté du corps. Il y a dur côté de l'ame la perception du bont & du mauvais goût, des bonnes & des mauvaises odeurs.

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Dans le toucher, les parties du corps font ou agitées par le chaud, ou relferrées par le froid. Les corps que nous.

touchons, ou s'attachent à nous par feur humidité, ou s'en féparent aifément par leur féchereffe. Nôtre chair eft ou écorchée par quelque chofe de rude, ou percée par quelque chofe d'aigu. Une humeur acre & maligne fe jette fur quelque partie nerveufe, la picote, la preffe, la déchire par ces divers mouvemens, les nerfs font ébranlés dans toutes leur longueur & jufqu'au cerveau voilà ce qu'il y a du côté du corps. Et il y a du côté de l'ame,le fentiment du chaud &du froid, & celui de la douleur, ou du plaifir.

Dans la douleur, nous pouffons des cris violent, notre vifage fe défigure, les larmes nous coulent des yeux. Ni ces cris, ni ces larmes, ni ce changement qui paroît fur notre visage, ne font la douleur. Elle eft dans l'ame, à qui elle apporte un fentiment fâcheux & contraire.

Dans la faim & dans la foif, nous remarquons du côté du corps, ces eaux fortes qui picotent l'eftomac, & les vapeurs qui defféchent le golier, & dur côté de l'ame,la douleur que nous cause cette mauvaise difpofition des parties, & le défir de la réparer par le manger & le boire.

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Dans l'imagination & dans la memoire nous avons du côtê du corps. les impreffions du cerveau, les marques qu'il en conferve, l'agitation des efprits, qui l'ébranlent en divers endroits : & nous avons du côté de l'ame, ces penfées vagues & confufes qui s'effacent les unes les autres, & les actes de la volonté qui recommandent certaines chofes à la memoire, & puis les "lui redemande, & les lui fait rendre à propos.

Pour ce qui eft des paffions, quand vous concevez les efprits émûs, le cœur agité par un battement redoublé, le fang échauffé, les mufcles tendus, les bras & tous le corps tourné à l'attaque, vous n'avez pas encore compris la colere, parce que vous n'avez dit que ce qui fe trouve dans le corps, & il faut encore y confiderer du côté de l'ame, le défir de la vengeance. De même ni le fang retiré, ni les extremités froides, ni la pâleur fur le vifage, ni les jambes & les pieds tournés à une fuite précipitée, ne font pas ce qu'on appelle: proprement la crainte, c'eft ce qu'elle fait dans le corps. Dans l'ame,c'eft un fentiment par lequel elle s'efforce d'éviter le peril connu ; & il en eft de mé

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XXII.

on peut dif

me de toutes les autres paffions.

3

En meditant ces chofes, & fe les ren dant familieres, on fe forme une habitude de diftinguer les fenfations, les imaginations, & les paffions on appetits naturels, d'avec les difpofitions & les mouvemens corporels. Et cela fait on n'a plus de peine a en démêler les operations intelle&tuelles, qui loin d'être affujetties au corps, préfident à ses mouvemens, & ne communiquent avec lui que par la liaifon qu'elles ont avec te fenis auquel neanmoin's nous les avons va fi fuperieures.

و

Sur ce qui a été dit de la diftinction Comment qu'il faut faire des mouvemens corpo tinguer les o- porels d'avec les fenfations & les pafpérations fenfions, on demandera peut-être comment on peut diftinguer des chofes qur mens corpo. fe fuivent de fr prés, & qui femblent font infepa. inféparables. Par exemple, comment rables. diftinguer la colere d'avec l'agitation

fitives d'avec

les mouve

rels, qui en

des efprits & du fang? Comment diftinguer le fentiment d'avec le mouve ment des nerfs, ou fi on veut des efprits puifque ce mouvement eftant pofé, le fentiment fuit auffi-tôt, & que jamais on n'a le fentiment que ce mouvement ne précede.

On demandera encore comment le plaifir

plaifir & la douleur peuvent apparteniè à l'ame, puifqu'on les fent dans le corps & Neft-ce pas dans mon doigt coupé que je fens la douleur de la bleffure Et. n'eft-ce pas dans le palais que je fens le plaifir du goût? On en dira autant de toutes les autres fenfations.

le

A cela il eft aifé de répondre, que mouvement dont il s'agit qui n'eft qu'un changement de place, & le fentiment qui eft la perception de quelque chofe, font fort differens l'un de l'au

tre.

-On diftingue donc ces chofes par leur idée naturelle, qui n'ont rien de commun enfemble, & ne peuvent être confondues que par erreur.

La féparation des parties du bras ou de la main dans une bleffure, n'eft pas d'une autre nature que celle qui fe feroit dans un corps inanimé. Cette féparation ne peut donc pas être la douleur.

Il faut raifonner de même de tous les autres mouvemens du corps. L'agitation du fang n'eft pas d'une autre na ture que celle d'une autre liqueur. Le branlement du nerf n'eft pas d'une au tre nature que celui d'une corde, nile mouvement du cerveau que celui d'un autre corps. Et pour venir aux efprits,

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