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battant fur les dents & fur le palais en tire des fons exquis. L'œil a fes humeurs & fon cryftalin, les réfractions fe ménagent avec plus d'art que dans les verres les mieux taillés. Il a auffi fa prunelle qui s'allonge & ferefferre pour rapprocher les objets comme les lunettes de longue vue. L'oreille a fon tambour, ou une peau auffi délicate que bien tendue, qui réfonne au mouvement d'un petit marteau que le moindre bruit agite. Elle a dans un os fort dur, des cavités pratiquées pour faire retentir la voix de la même forte qu'elle retentit parmi les rochers & dans les échos. Les vaiffeaux ont leurs foupapes ou valvules tournées en tous fens, les os & les muscles ont leurs poulies & leurs leviers les proportions qui font & les équilibres, & la multiplication des forces mouvantes, y font obfervées dans une jufteffe où rien ne manque. Toutes les machines font fimples, le jeu en eft fi ailé, & la ftructure fi délicate, que toute autre machine eft groffiere à comparaison.

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A rechercher de prés les parties, on y voit de toute forte de tilfus, rien n'est mieux filé, rien n'eft mieux paffé, rien n'eft ferré plus exactement.

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Nul cifeau, nul tours nul pinceau ne peut approcher de la tendrelle avec laquelle la nature tourne & arrondit fes fujets. Fauly99. Jeg

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Tout ce que peut faire la feparation & le mélange des liqueurs, leur précipitation leur digeftion, leur fermentation, & le refte, eft pratiqué fi habilement dans le corps bumain, qu'auprés de ces opérations la chymie la plus fine n'eft qu'une ignorance.

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. On voit à quel deffein chaque chofe
a été faite Pourquoi le cœur, pourquoi
le cerveau pourquoi les efprits pour-
quoi la bile, pourquoi le fang, pour-
quoi les autres humeurs. Qui voudra
dire que le fang
n'eft pas
fait pour nour-
tir l'animal que l'eftomac & les eaux
qu'il jette par fes glandes, ne font pas
faites pour préparer par la digeftion la
formation du fang, que les arteres &
les veines ne font pas faites de la ma-
niere qu'il faut pour le contenir, pour
le porter partout, pour le faire circuler
continuellement, que le cœur n'eft pas
fait pour donner le branle à cette circu-
lation qui voudra dire que la langue
& les févres, avec leur prodigieufe mo-
bilité, ne font pas faites pour former la
voix en mule fortes d'articulations you

fert

que la bouche n'a pas été mise à la place la plus convenable, pour tranfmettre la nourriture à l'eftomac, que les dents n'y font pas placées pour rompre cette nourriture, & la rendre capable d'entrer, que les eaux qui coulent deffus ne -font pas propres à la ramollir, & ne viennent pas pour cela à point nommé, ou que ce n'eft pas pour ménager les organès & la place, que la bouche eft pratiquée de maniere que tous y également à la nourriture & à la parole qui voudra dire ces chofes, fera mieux de dire encore qu'un bâtiment n'eft pas fait pour loger, & que fes appartemens ou engagés ou dégagés, ne font pas conftruits pour la commodité de la vie, ou pour faciliter les mi nifteres néceffaires, en un mot, il fera un infenfé qui ne merite pas qu'on parle à lui.

Si ce n'eft peut-être qu'il faille dire que le corps humain n'a point d'architecte, parce qu'on n'en voit pas l'architecte avec les yeux, & qu'il ne fuffit pas de trouver tant de raifon & tant de deffein dans fa difpofition, pour entendre qu'il n'eft pas fait fans raifon & fans deffein.

Plufieurs chofes font remarquer com

bien eft grand & profond l'artifice dont il eft conftruit.

Les fçavans & les ignorans, s'ils ne font tout à fait ftupides, font également faifis d'admiration en le voyant. Tout homme qui le confidere par lui-même, trouve foible tout ce qu'il en a oui dire, & un feul regard lui en dit plus que tous les difcours & tous les livres.

Depuis tant de temps qu'on regarde & qu'on étudie curieufement le corps humain, quoiqu'on fente que tout y a fa raison, on n'a pû encore parvenir à en penétrer le fond. Plus on confidere, plus on trouve de chofes nouvelles, plus belles que les premieres qu'on avoit tant admirées : & quoiqu'on trou ve tres-grand ce qu'on a déja découvert, on voit que ce n'eft rien à comparaifon de ce qui reste à chercher.

Par exemple, qu'on voye les mufeles fi forts & fi tendres, fi unis pour agir en concours, fi dégagés pour ne se point mutuellement embarraffer, avec des filets i artiftement tiffus & fi bien tors comme il faut pour faire leur jeu ; au refte,fi bien tendus, fi bien foûtenus fi proprement placés, fi bien inferés où il faut,allurément on eft ravi,& on ne peut quitter un fi beau fpectacle & malgré

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qu'on en ait, un fi grand ouvrage parle de fon artifan. Et cependant tout cela eft mort, faute de voir par où les efprits S 'infinuent, comment ils tirent, comment ils relâchent, comment le cerveau les forme, & comment il les envoye avec leur adreffe fixe. Toutes chofes qu'on voit bien qui font, mais dont le fecret principe & le maniement n'est pas connu.

Et parmi tant de fpeculations faites par une curieufe anatomie, s'il eft arrivé quelquefois à ceux qui s'y font occupés, de defirer que pour plus de commodité, les chofes fuffent autrement qu'ils ne les voyoient, ils ont trouvé qu'ils ne faifoient un fi vain defir, que faute d'avoir tout vû, & perfonne n'a encore trouvé qu'un feul os dût être figuré autrement qu'il n'eft, ni être brifé autrepart, ni être emboîté plus commodément, ni être percé en d'autres endroits, ni donner aux mufcles dont il est l'appui, une place plus propre à s'y enclaver, ni enfin qu'il y eût aucune partie dans tout le corps, à qui on pût feulement defirer on une autre temperature ou une autre place.

Il ne reste donc à defirer dans une fi belle machine fi-non qu'elle aille

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