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mot ces verités éternelles que j'ai tant confiderées? Sont-ce les triangles, & les quarrés,& les cercles que je trace groffierement fur le papier, qui impriment dans mon efprit leurs proportions & leurs rapports? Ou bien y en a-t-il d'autres, dont la parfaite jufteffe falfe cet effet? Ou les ai-je vûs ces cercles & ces triangles fi juftes, moi qui ne puis m'assurer d'avoir jamais vû aucune figure parfaitement reguliere, & qui entens neanmoins fi parfaitement cette regularité Y a-t-il quelquepart, ou dans le monde, ou hors du monde, des triangles ou des cercles, fubfiftans dans cette parfaite regularité, d'où elle feroit imprimée dans mon efprit ? Et ees regles du raifonnement & des mœurs fubfiftent-elles auffi en quelque part d'où elles me communiquent leur verité immuable Ou bien n'eft-ce pas plûtôt que celui qui a répandu partout la mefure la proportion, la verité même en imprime en mon efprit l'idée

certaine ?

Mais qu'eft ce que cette idée ? Eftce lui-même qui me montre en fa verité tout ce qu'il lui plaît que j'entende, ou quelque impreffion de lui même, ou les deux enfemble;

Et que feroit-ce que cette impreffion Quoi, quelque chofe de femblable à la marque d'un cachet gravé fur la eire Groffiere imagination qui feroit Fame corporelle, & la cire intelligente..

Il faut donc entendre que l'âme faite à l'image de Dieu, capable d'entendre la verité, qui eft Dieu-même, fe tourne actuellement vers fon original, c'eftà-dire, vers Dieu, où la verité lui pa roît autant que Dieu la lui veut faire paroître. Car il eft maître de fe montrer autant qu'il veut, & quand il fe montre pleinement, l'homme eft heu

reux..

C'est une chofe étonnante que l'hom me entende tant de verités, fans entendre en même-temps que toute verité vient de Dieu, qu'elle eft en Dieu, qu'elle eft Dieu même. Mais c'eft qu'il eft enchanté par fes fens & par fes paffions trompeufes, & il reffemble à celui qui renfermé dans fon cabinet, où il s'oceupe de fes affaires, fe fert de la lumiere fans fe mettre en peine d'où elle lui

vient.

Enfin donc, il eft certain qu'en Dien eft la raison primitive de tout ce qui eft » & de tout ce qui s'entend dans l'Univers; qu'il est la verité originale, &

que

que tout eft vrai par rapport à fon idée éternelle, que cherchant la verité nous le cherchons que la trouvant nous le trouvons & lui devenons conformes.

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Nous avons vu que l'ame qui cherche & qui trouve en Dieu la verité, fe tour ne vers lui pour la concevoir. Qu'eftce donc que fe tourner vers Dieu ? Eftce que l'ameife remue comme un corps, & quitte une place pour en prendre une autre? Mais certes un tel mouvement n'a riende commun avec entendre. Ce n'est pas être tranfporté d'un lieu à ́un autre, que de commencer à entendre ce qu'on n'entendoit pas. On ne s'appro che pas, comme on fait d'un corps, de Dieu qui est toujours, & par-tout invifiblement préfent. L'ame l'a toujours en elle-même, car c'eft par lui qu'elle fubfifte, mais pour voir. ce n'eft pas affez d'avoir la lumiere prefente il faut fe tourner vers efle, il lui faut ouvrir les yeux, l'ame a auffi fa maniere de fe tourner vers Dieu, qui eft la lumiere, parce qu'il eft la verité, & fe tourner à cette lumiere, c'est-à-dire, à la verité, c'eft en un mot vouloir l'en"tendre.

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L'ame eft droite par cette volonté, parce qu'elle s'attache à la regle de

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toutes les pensées, qui n'eft autre que

la verité.

Là s'acheve auffi la conformité de l'ame avec Dieu. Car l'ame qui veut entendre la verité, aime des-là cette verité que Dieu aime éternellement, & l'effet de cet amour de la verité, est de nous la faire chercher avec une ardeur infatiguable,de nous yattacher immua blement quand elle nous eft connuë & de la faire regner fur tous nos defirs.

Mais l'amour de la verité en fup pofe quelque connoiffance. Dieu donc qui nous a fait à son image,c'eft-à-dire, qui nous a fait pour entendre & pour aimer la yerité à fon exemple

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com

mence d'abord à nous en donner l'idée generale, par laquelle il nous follicite en rechercher la pleine poffeffion, où nous avançons à mesure que l'amour de la verité s'épure & s'enflamme ef

nous,

Au reste, la verité & le bien ne font que la même chofe. Car le fouverain bien eft la verité entendue & aimée parfaitement, Dieu donc toûjours entendu & toûjours aimé de lui-même, eft fans doute le fouverain bien, dés-là ileft parfait, & fe poffedant lui-mêmes il est heureux

Af eft donc heureux & parfait, parce qu'il entend, & aime fans fin le plus digae de tous les objets c'est-à-dire, lui-même.

Il n'appartient qu'à celui qui feul eft de foi,d'être lui-même fa felicité. L'homme qui n'eft rien de foi, na tien de foi, fon bonheur & fa perfection, eft de s'atta cher à connoître, à aimer fon Auteur."

Malheur à la connoiffance fterile qui he fe tourne point à aimer, & fe trahit elle-même.

C'est donc-là mon exercice, c'est-là ma vie, c'eft-là ma perfection, & tour enfemble ma beatitude, de connoître & d'aimer celui qui m'a fait.

Par-là je reconnois que tout neant que je fuis de moi-même devant Dieu, je fuis fait toutefois à fon image, puifque je trouve ma perfection & mon bonheur dans le même objet que lui, c'eftà-dire, dans lui-même, & dans de femblables opérations, c'est-à-dire, en connoiffant & en aimant.

L'ame at:

C'est donc en vain que je tâche quel XI. quefois de m'imaginer comment est faite mon ame, & de me la réprefenter fous tentive quelque figure corporelle. Cen'eft point noit au corps qu'elle reffemble, puifqu'elle rieure peut connoître & aimer Dieu qui est

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Dieu, fe con

fupe

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corps, & apprend qua

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