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& un mouvement plûtôt qu'un autre, comme de fe mouvoir à droite plûtôt qu'à gauche.

Le corps eft cette maffe étendue en longueur, largeur & profondeur, qui nous fert à exercer nos operations. Ainfi quand nous voulons voir, il faut ouvrir les yeux: quand nous voulons prendre quelque chofe, ou nous étendons la main pour nous en faifir, ou nous remuons les pieds & les jambes, & par elles tout le corps, pour nous en appro cher.

Il y a donc dans l'homme trois chofes à confiderer; l'ame féparément, le corps féparément, & Funion de l'un

& de l'autre.

Il ne s'agira pas ici de faire un long raifonnement fur ces chofes, ni d'en rechercher les caufes profondes ; mais plûtôt d'observer & de concevoir, ce que chacun de nous en peut reconnoîtres en faifant réflexion fur ce qui arrive tous les jours, ou à lui-même, ou aux autres hommes femblables à lui. Commençons par la connoiffance de ce qui eft dans notre ame,

CHAPITRE PREMIER.

NOUS

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OUS connoiffons notre Ame par fes operations, qui font de deux Operations fortes les operations fenfitives, & les operations intellectuelles.

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Il n'y a perfonne qui ne connoiffe ce qui s'appelle les cinq fens; qui font, la vûe, l'ouie, l'odorat, le goût & le toucher.

A la vûe appartiennent la lumiere & les couleurs: à l'oiiie les fons: à l'odorat les bonnes&mauvaifes fenteurs:au goût l'amer & le doux, & les autres qualités femblables au toucher le chaud & le froid, le dur & le molle fec & l'humide.

La nature qui nous apprend que ces fens & leurs actions appartiennent pro prement à l'Ame, nous apprend auff qu'ils ont leurs organes, ou leurs inftrumens dans le corps. Chaque fens a le fien propre. La vûe a les yeux: l'ouie a les oreilles : l'odorat a les narrines: le goût a la langue & le palais : le toucher feul fe répand dans tout le corps, & fe trouve partout où il y a des chairs.

fenfitives, & premierement des cinq lens,

Les operations fenfitives, c'est-à-dire celles des fens, font appellées fentimens, ou plûtôt fenfatións. Voir les couleurs, ouir les fons, goûter le doux ou l'amer, font autant de fenfations differentes.

Les fenfations fe font dans notre Ame à la prefence de certains corps, que nous appellons objets. C'eft à la prefence du feu que je fens de la chaleur je n'entens aucun bruit que quelque corps ne foit agité; fans la prefence du Soleil, & des autres corps lumineux, je ne verrois point la lumiere; ni le blanc ni le noir, fi la neige, par exemple, ou la poix, ou l'encre n'étoient prefens. Otez les corps mal polis ou aigus, jene fentirai rien de rude ni de piquant. Il en eft de même des autres fenfations.

Afin qu'elles fe forment dans notre Ame, il faut que l'organe corporel foit actuellement frappé de l'objet, & en réçoive l'impreffion: Je ne vois qu'autant que mes yeux font frappés des raïon, d'un corps l'umineux, ou directs, ou réflechis. Si l'agitation de l'air fait impreffion dans mon oreille, je ne puis entendre le bruit,& c'eft-là proprement auf ce qui s'appelle la prefence de l'objet, Car quelque proche que je fois d'un ta bleau, fi j'ai les yeux fermés, que quel

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qu'autre corps interpofé empêche que les rayons réflechis de ce tableau, ne viennent jufqu'à mes yeux, cet objet ne leur eft pas prefent. Et le même fe verrà dans les autres fens.

Nous pouvons donc définir la fenfation, [fi toutefois une chofe fi intelli gible de foi a befoin d'être définie,] nous la pouvons, dis-je, définir la premiere perception, qui fe fait en notre Ame à la préfence des corps, que nous appellons objets, & enfuite de l'impreffion qu'ils font fur les organes de nos fens.

Je ne prens pourtant pas encore cette définition pour une définition exacte & parfaite. Car elle nous explique plûtôt l'occafion de quoi les fenfations ont acCoûtumé de nous arriver, qu'elle ne nous en explique la nature. Mais cette définition fuffit pour nous faire diftinguer d'abord les fenfations d'avec les autres operations de notre Ame.

Or encore que nous ne puiffions entendre les fenfations fans les corps qui font leurs objets, & fans les parties de nos corps qui fervent d'organes pour les exercer, comme nous ne mettons point les fenfations dans les objets, nous ne les mettons pas non-plus dans les organes, dont les difpofitions bien confiderées,

comme nous ferons en fon lieu, fetrou veront de même nature que celles des objets mêmes. C'eft pourquoi nous regardons lesfenfations comme chofes qui appartiennent à notre Ame: mais qui nous marquent l'impreffion que les corps environnans font fur le nôtre, & la correfpondance qu'il a avec eux.

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Selon notre définition, la fenfation doit être la premiere chofe qui s'élève en l'Ame, & qu'on y reffente à la fence des objets. Et en effet la premiere chofe que j'apperçois en ouvrant les yeux,c'eft la lumiere & les couleurs;fi je n'apperçois rien, je dis que je fuis dang les tenebres. La premiere chofe que je fens en montrant ma main au feu, & en maniant de la glace, c'eft que j'ai chaud, ou que j'ai froid, & ainfi du refte.

Je puis bien enfuite avoir diverfes: penfées fur la lumiere, en rechercher la nature, en remarquer les réflexions, & les réfractions; obferver même que les couleurs, qui difparoiffent auffi-tôt que talumiere fe retire,femblent n'être autre chofe dans les corps où je les apperçois, que des differentes modifications de la lumiere elle-même, c'eft-à-dire, diver fes réflexions ou réfractions des rayons: du Soleil, & des autres corps lumineux..

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