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qui meritât que les Dieux permiffent que fa maifon fût déhonorée par une telle infamie, remonte jufques à fes ancêtres. Qui de mes peres, dit-il, a commis un crime digne de m'attirer un fi grand opprobre? Nous qui fommesinftruits de la verité, ne demandons plus, en confiderant les malheurs & la honte de notre naiffance, qui de nos peres a peché. Mais confeffons que Dieu ayant fait naître tous les hommes d'un. feul pour établir la focieté humaine fur un fondement plus naturel, ce Pere de tous les hommes, creé auffi heureux que jufte, a manqué volontairement à fon auteur, qui enfuite a vengé, tant fur fui que fur fes enfans, une rebellion fi horrible, afin que le genre humain reconnût ce qu'il doit a Dieu, & ce que meritent ceux qui l'abandonnent. Et ce n'eft fans raifon, que Dieu a voulu imputer aux hommes, non le crime de tous leurs peres, quoiqu'il le pût, mais le crime du feul premier pere, qui contenoit en lui-même tout le genre humain, & avoit reçû la Grace pour tous les enfans, & devoit être puni auffi bien que récompenfé en eux

tous.

pas

Cars'il eût été fidele à Dieu, il eût

vû fa fidelité honorée dans fes enfans, qui feroient nés auffi faints & auffi hureux que lui.

Mais auffi dés-là que ce premier homme, auffi indignement que volontairement rebelle, a perdu la Grace de Dieu, il l'a perdue pour lui-même & pour toute fa pofterité, c'eft-à-dire, pour tout le genre humain, qui avec ce premier homme d'où il eft forti, n'est plus que comme un feul homme justement maudit de Dieu, & chargé de toute la haine que merite le crime de leur premier pere.

Ainfi les malheurs qui nous accablent, &tant d'indignes- foibleffes que nous

reffentons en nous-même, ne font pas de la premiere inftitution de notre na ture, puifqu'en effet nous voyons dans les livres faints, que Dieu qui nous avoit donné une ame immortelle, lui avoit auffi uni un corps immortel, fi bien af forti avec elle qu'elle n'étoit ni inquiétée par aucun befoin, ni tourmentée par aucune douleur, ni tyrannifée par aucune paffion.

Mais il étoit jufte que l'homme, qui n'avoit pas voulu fe foûmettre à fon au teur, ne fût plus maître de foi-même, &que fes paffions revoltées contre fa

و

Taifon lui fiffent fentir le tort qu' avoit de s'être revolté contre Dieu.

'il

Ainfi tout ce qu'il y a en moi-même me fert à connoître Dieu. Ce qui me refte de fort & de regle, me fait connoître fa fageffe, ce que j'ai de foible &de déreglé mefait connoître fa juftice Si mes bras & mes pieds obéiffent a mon ame quand elle commande, cela eft reglé, & me montre que Dieu auteur d'un si bel ordre, eft fage. Si je na puis pas gouverner comme je voudrois mon corps, & les defirs qui en fuivent. res difpofitions, c'eft en moi un déreglement qui me montre que Dieu, qui Ia ainfi permis pour me punir, eft fou yerainement jufte.. Que fi mon ame connoît la grandeur, de Dieu, la connoiffance de Dieu m'ap de ce Chapi prend auffi à juger de la dignité de mon ame, que je ne vois élevée que par le pouvoir qu'elle a de s'unir à fon auteur, avec le fecours de fa Grace.

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C'est donc cette partie fpirituelle & divine, capable de poffeder Dieu, que je dois principalement eftimer & cultiver en moi-même. Je dois par un amour fincere, attacher inviolablement mon efprit au pere de tous les efprits. ceft-à-dire à Dieu.

XII

Conclufion

tre.

Je dois auffi aimer pour l'amour de lui, ceux à qui il a donné une ame femblable à la mienne, & qu'il a fait, comme moi, capable de le connoître & de T'aimer.

Car le lien de focieté le plus étroiť qui puiffe être entre les hommes, c'est qu'ils peuvent tous en commun poffeder le même bien, qui eft Dieu.

Je dois auffi confiderer qué les autres hommes ont comme moi, un corps inArme fujet à mille befoins & à mille travaux, ce qui m'oblige à compatir à leurs miferes.

Ainfi je me rends femblable à celui qui m'a fait à fon image, en imitant fa bonté. A quoi les. Princes font d'autant plus obligés, que Dieu qui les a établis pour le réprefenter fur la Terre, Leur demandera compte des hommes qu'il leur a confiés.

CHAPITRE

V.

De la difference entre l'homme &

NOUS

la bête.

le peché, & par là

1. Pourquo les hommes

ner du rai

Deux Argumens en de

OUS avons vu l'ame raifonnable dégradée par prefque tout à fait affujettie aux difpo- veulent donfitions du corps; nous l'avons vûë atta¬ fonnement chée à la vie fenfuelle par où elle com- aux/animaux mence, & par-là captive du corps & des objets corporels, d'où lui viennent faveur les voluptés & les douleurs. Elle croit n'avoir à chercher ni à éviter que les corps, elle ne penfe, pour penfe, pour ainfi dire que corps, & fe mêlant tout à fait avec ce corps qu'elle anime, à la fin elle a peine à s'en diftinguer. Enfin, elle s'oublie & fe meconnoît elle-même.

Son ignorance eft fi grande, qu'elle a peine à connoître combien elle est au deffus des animaux. Elle leur voit un corps femblable au fien, de mêmes organes, & de mêmes mouve elle les voit vivre & mourir être malades & fe porter bien, à peų prés comme font les hommes, manger,

mens,

cette opi

nion

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