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boire, aller & venir à propos & selon que les befoins du corps le demandent, éviter les perils, chercher les commodités, attaquer & fe défendre auffi induftrieufement qu'on le puiffe, imaginer, rufer même, & ce qui eft plus fin encore, prévenir les fineffes, comme il fe voit tous les jours à la chaffe, où les animaux femblent montrer une fabtilité exquife.

D'ailleurs, on les dreffe, on les inftruit, ils s'inftruifent les uns les autres. Les oifeaux apprennent à voler en voyant voler leurs meres. Nous apprenons aux perroquets à parler, & à la plufpart des animaux mille chofes que la nature ne leur apprend pas.

Ils femblent même fe parler les uns aux autres. Les poules, animal d'ailleurs fimple & niais, femblent appeller leurs petits égarés, & avertir leurs com pagnes par un certain cri, du grain qu'elles ont trouvé. Un chien nous pouffe quand nous ne lui donnons rien, & on diroit qu'il nous reproche notre oubli. On les entend gratter à une porte qui leur eft fermée: ils gemiffent, ou crient d'une manier à nous faire connoître leurs befoins, & il femble qu'on ne leur puiffe refufer quelque efpece de

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Langage. Cette reflemblance des actions des bêtes aux actions humaines, tromles hommes, ils veulent à quelque prix que ce foit que les animaux raifonnent, & tout ce qu'ils peuvent accorder à la nature humaine, c'est d'a voir peut-être un peu plus de raisonnes

ment.

Encore y en a-t-il qui trouvent que ce que nous en avons de plus, ne fert qu 'à nous inquiéter, & qu'à nous rendre plus malicieux. Ils s'eftimeroient plus tranquilles & plus heureux, s'ils étoient comme les bêtes.

C'est qu'en effet les hommes mettent ordinairement leur felicité dans les chofes qui flattent leurs fens, & cela mê: me les lie au corps, d'où dépendent les fenfations. Ils voudroient fe perfuader qu'ils ne font que corps, & ils envient la condition des bêtes, qui n'ont que leur corps à foigner. Enfin, ils femblent vouloir élever les animaux jufques à eux-même, afin d'avoir droit de s'abbaiffer jufques aux animaux, & de pou voir vivre comme eux.

Ils trouvent des Philofophes qui les flattent dans ces penfées. Plutarque qui paroît fi grave en certains endroits,a fait des traités entiers du raifonnement

des animaux, qu'il éleve ou peu set faut au-dellus des hommes. C'eft un plaifir de voir Montagne faire raisonner fon oye, qui fe promenant dans fa baffe-cour, fe dit à elle-même que tout eft fait pour elle: que c'eft pour elle que le Soleil fe leve & fe couche, que la terre ne produit fes fruits que pour la nourrir que la mailon n'est faite que pour la loger, que l'homme même eft fait pour prendre foin d'elle, & & que fi enfin il égorge quelquefois des oyes, auffi fait-il bien fon femblable.

Par ces beaux difcours, il fe rit des hommes qui penfent que tout eft fait pour leur fervice. Celfe qui a tant écrit contre le Chriftianifme eft plein de femblables raifonnemens. Les grenouilles, dit-il, & les rats, discourent dans leurs marais, & dans leurs trous, difant que Dicu a tout fait pour eux, & qu'il eft venu en perfonne pour les fecourir. Il veut dire que les hommes devant Dieu ne font que rats & vermiffeaux, & que la difference entre eux & les animaux, eft petite.

Ces raifonnemens plaifent par leur nouveauté. On aime à rafiner fur cette matiere, & c'eft un jeu à l'homme de plaider contre lui-même la caufe dés bêtes.

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Ce jeu feroit fupportable, s'il n'y entroit pas trop de ferieux, mais comme nous avons dit, l'homme cherche dans ces jeux des excufes à fes defirs fenfuels, & reffemble à quelqu'un de grande naiffance, qui ayant le courage bas, ne voudroit point fe fouvenir de fa dignités depeur d'être obligé à vivre dans les exercices qu'elle demande. 1

C'est ce qui fait dire à David: l'homme étant en honneur ne l'a pas connu, il s'est comparé lui-même aux animaux infenfes, & s'est fait femblable à eux.

Tous les raifonnemens qu'on fait ici en faveur des animaux, fe reduisent à deux, dont le premier eft : les animaux font touteschofes convenablement auffi bien que l'homme, donc ils raifonnent? comme l'homme. Le fecond eft: les animaux font femblables aux hommes à l'extérieur, tant dans leurs organes, que dans la plupart de leurs actions, donc ils agilent par le principe intérieur, & ils ont du raifonnement.

Le premier argument a un défaut maIT. nifefte. C'est autre chofe de faire tout Réponse at convenablement, autre chöfe de con-premier Az noître la convenance. L'un convient non-feulement aux animaux, mais al tout ce qui eft dans l'Univers: l'autre

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guments.

ft le vrai effet du raifonnement & de l'intelligence.

Dés-là que tout le Monde eft fait pas raifon, tout s'y doit faire convenablement. Car le propre d'une caufe intelligente, eft de mettre de la convenance & de l'ordre dans tous fes ouvrages.

Au-deffus de notre foible raifon,reftrainte à certains objets, nous avons reconnu une raifon premiere & univerfelle, qui a tout conçu avant qu'il füt, qui a tout tiré du neant, qui rappelle tout à fes principes, qui forme tout fur la même idée, & fait tout mouvoir en concours.

Cette raifon eft en Dieu, ou plûtôt cette raifon eft Dieu même.. Il n'est forcé en rien, il eft le maître de fa matiere, & la tourne, comme il lui plaît.. Le hazard n'a point de part à fes ouvrages, il cft dominé par aucune neceffitéEnfin, fa raifon feule eft fa loi. Ainfi tout ce qu'il fait eft fuivi, & la raison, y paroît partout.

Il y a une raifon qui fait que le plus grand poids emporte le moindre, qu'une pierre enfonce dans l'eau plûtoft que. du bois, qu'un arbre croît en un lieu plûtôt qu'en un autre, & que chaque arbre tire de la terre Farmi une infinité

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