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ous chantons fimplement aprés un autre, nous l'imitons naturellement; mais nous apprenons à chanter, quand nous nous rendons attentifs aux regles de l'art aux mefures, au temps, aux differences des tons, à leurs accords, & aux autres chofes femblables.

Et

pour recueillir en deux mots tout te qui vient d'être dit,il ya dans l'inftruction quelque chofe, qui ne dépend que de la conformation des organes, & de cela les animaux en font capables comme nous, & il y a ce qui dépend de la réflexion & de l'art, dont nous ne voyons en eux aucune marque.

Par-là demeure expliqué tout ce qui fe dit de leur langage. C'eft autre chofe d'être frappé du fon ou de la parole.entant qu'elle agite l'air, & enfuite les oreilles & le cerveau: autre chofe de la regarder comme un figne, dont les hommes font convenus, & rappeller en fon efprit les chofes qu'elle fignifie. Ce dernier, c'est ce qui s'appelle entendre le langage, & il n'y en a dans les animaux aucun veftige.

C'eft auffi une fauffe imagination qui nous perfuade qu'ils nous font des fignes. C'eft autre chofe de faire un figne pour fe faire entendre, autre chofe d'être Ff

VI.

mů de telle maniere, qu'un autre puiffe entendre nos difpofitions.

La fumée nous eft un figne du feu, & nous fait prévenir les embrafemens. Les mouvemens d'une aiguille nous marquent les heures, & reglent notre journée. Le rouge au vifage & le feu aux yeux, font un figne de la colere, & comme l'éclair qui nous avertit d'éviter ce foudre. Les cris d'un enfant nous font un figne qu'il fouffre & par-là il nous invite, fans y penser à le foulager. Mais de dire que pour cela ou le feu, ou une montre, ou un enfant, & même un homme en colere, nous faffent figne de quelque chofe, c'est s'abufer trop vifiblement.

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Cependant fur ces legeres reffem. Exreme blances, les hommes fe comparent aux Ms leur voyent un corps

difference de

Phomme & animaux. de la bête.

comme à eux, & des mouvemens corporels femblables aux leurs. Ils font d'ailleurs attachés à leurs fens, & par leurs fens à leurs corps. Tout ce qui n'eft point corp, leurs paroît un rien, ils oublient leur dignité, & contens de se qu'ils ont de commun avec les bêtes, ils menent auffi une vie, toute bestiale.

C'eft une chofe étrange, qu'ils ayent befoin d'être réveillés fur cela, L'hom

me, animal fuperbe, qui veut s'attribuer à lui-même tout ce qu'il connoît d'excellent, & qui ne veut rien ceder à fon femblable, fait des efforts pour trouver que les bêtes le valent bjen, ou qu'il y a peu de difference entre lui & elles.

Une fi étrange dépravation, qui nous fait voir d'un côté combien notre orgueil nous enfle, & de l'autre, combien notre fenfualité nous ravilit, ne peut être corrigée, que par une ferieufe confideration des avantages de notre nature. Voici donc ce qu'elle a de grand, & dont nous ne voyons dans les animaux aucune apparence.

La nature humaine connoît Dieu. & voilà déja par ce feul mot les animaux au-deffous d'elle jufques à l'infini Car qui feroit affez infenfé pour dire qu'ils ayent feulement le moindre foupçon de cette excellente nature, qui a fait toutes les autres, ou que cette connoiffance ne falle pas la plus grande de toutes les differences?

La nature humaine, en connoiffant Dieu a l'idée du bien, & du vrai, d'une fageffe infinie, d'une puiffance abfoluë, d'une droiture infaillible, en un un mot de la perfection.

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La nature humaine connoît l'immu tabilité & l'éternité, & fçait que ce qui eft toûjours, & ce qui eft toûjours de même, doit préceder tout ce qui change, & qu'à comparaifon de ce qui eft toujours, ce qui change ne merite pas qu'on le compte parmi les Eftres.

La nature humaine connoît des verités éternelles, & elle ne ceffe de les chercher au milieu de tout ce qui change, puifque fon génie eft de rappeller tous les changemens à des regles immuables.

Car elle fçait que tous les changemens qui fe voyent dans l'Univers fe font avec mefure, & par des proportions cachées, en forte qu'à prendre l'ouvrage dans fon tout, on n'y peut rien trouver d'irregulier.

C'eft-là qu'elle apperçoit l'ordre du Monde, la beauté incomparable des Aftres, la regularité de leurs mouvemens les grands effets du cours du Soleil, qui ramene les faifons, & donne à la Terre tant de differentes parures, Notre raifon fe promene par tous les ouvrages de Dieu, où voyant & dans le détail & dans le tout, une fageffe d'un côté fi éclatante, & de l'autre fi profonde & fi cachée, elle eft ravie & fe

perd dans cette contemplation. Alors s'apparoît à elle la belle & veritable idée d'une vie hors de cette vie, d'une vie qui fe paffe toute dans la contemplation de la verité, & elle voit que la verité éternelle par elle-même doit mefurer une telle vie par l'éternité qui lui eftpropre.

La nature humaine connoît que le hazard n'est qu'un nom inventé par l'ignorance, & qu'il n'y en a point dans le monde. Car elle fçait que la raifon s'abandonne le moins qu'elle peut au hazard, & que plus il y a de raifon dans une entreprise, ou dans un ouvrage, moins il y a de hazard; de forte qu'où préfide une raifon infinie, le hazard ne peut y avoir de lieu.

La nature humaine connoît que ce Dieu qui préside à tous les corps, & qui les muet à fa volonté, ne peut pas être un corps: autrement il feroit changeant, mobile, altérable, & ne feroit. point la raifon éternelle & -immuable par qui tout eft fait.

La nature humaine connoît la force de la raison, & comment une chose doit fuivre d'une autre. Elle apperçoit en elle-même cette force invincible de la raifon. Elle connoît les regles cer

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