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Car l'ame élevée par la réflexion audeffus du corps & au-deffus des objets, n'eft point entraînée par leurs impresfions, & demeure libre & maîtresse des objets & d'elle-même. Ainfi elle s'attache à ce qu'il lui plaît, & confidere ce qu'elle veut pour s'en fervir felon les fins qu'elle fe propofe.

Cette liberté va fi loin, que l'ame s'y abandonnant, fort quelquefois des limites que la raison lui prescrit, & ainfi parmi les mouvemens, qui diverfifient en tant de manieres la vie humaine, il faut compter les égaremens & les fautes.

De-là font nées mille inventions. Les loix, les inftructions, les récompenfes, les châtimens& les autres moyens qu' a inventés pour contenir, ou pour redreffer la liberté égarée.

on

Les animaux ne s'égarent pas en cette forte. C'eft pourquoi on ne les blâme jamais. On les frappe bien de nouveau, par la même raifon, qui fait qu'on retouche fouvent à la corde qu'on veut monter fur un certain ton. Mais les blâmer ou fe fâcher contre-cux, c'est comme quand de colere on rompt fa plume qui ne marque pas, ou qu'on jette à terre un couteau qui refufe de couper.

Ainf

Ainfi la nature humaine a une étendue en bien & en mal, qu'on ne trouve point dans la nature animale.

Et c'eft pourquoi les paffions dans les animaux, ont un effet plus fimple & plus certain. Car les nôtres fe compliquent par nos refléxions, & s'embarraffent mutuellement. Trop de vûës, par exemple, mêleront la crainte avec la colere, ou la tristelle avec la joye. Mais comme les animaux qui n'ont point de réflexion, n'ont que les objets naturels, leurs mouvemens font moins détournés.

Joint que l'ame, par fa liberté, eft ca-i pable de s'oppofer aux paffions avec une telle force qu'elle en empêche l'effet. Ce qui étant une marque de raifon dans l'homme, le contraire eft une marque que les animaux n'ont point de raifon.

Car partout où la paffion domine fans refiftance, le corps & fes, mouvemens font & y peuvent tout, & ainfi la raifon n'y peut pas être.

y

Mais le grand pouvoir de la volonté fur le corps.confifte dans ce prodigieux effere que nous avons remarqué que l'homme eft tellement maître de fon corps, qu'il peut même le facrifier à un plus grand bien qu'il fe propofe. Se'jetter.

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maux.

au milieu des coups, & s'enfoncer dans les traits par une impetuofité aveugle, comme il arrive aux animaux, ne marque rien au-deffus du corps. Car un verre fe brife bien en tombant d'en haut de fon propre poids ; mais fe déterminer à mourir avec connoiffance & par raison, malgré toute la difpofition du corps, qui s'oppose à ce deffein, marque un principe fuperieur au corps & parmi tous les animaux,l'homme eft: le feul où fe trouve ce principe.

La pensée d'Ariftote eft belle ici, que l'homme feul a la raison, parce que feub il peut vaincre & la nature & la

coûtume.

X.. Par les chofes qui ont été dites, il Combien paroît manifeftement, qu'il n'y a dans Ja fagefe de les animaux ni art ni réflexion, ni inDieu paroist dans les ani- Vention ni liberté. Mais moins il y a de raifon en eux, plus il y en a dans celui qui les a faits. Et certainement c'eft l'effet d'un àrt admirable, d'avoir fi induftrieufement travaillé une matiere brute qu'on foit tenté de croire qu'elle agit par elle-même & par une induftrie qui lui eft propre.

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Les Sculpteurs & les Peintres femblent animer les pierres, & faire parler les couleurs, tant ils réprefentent vis

vement les actions exterieures, qui marquent la vie. On peut dire à peuprés dans le même fens, que Dieu fait raifonner les animaux, parce qu'il imprime dans leurs actions une image fi vive de raifon qu'il femble d'abord qu'ils raifonnent.

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Il femble en effet, que Dieu ait voulu nous donner dans les animaux une image de raifonnement, une image de fineffe, bien plus, une image de vertu, & une image de vice. Une image de pieté dans le foin qu'ils montrent tous pour leurs petits, & quelques-uns pour leurs peres une image de prévoyance une image de fidelité, une image de flatterie, une image de jaloufie & d'orgueil une image de cruauté une image de fierté & de courage.. Ainfi les animaux nous font un fpectacle, où nous voyons nos devoirs & nost manquemens dépeints. Chaque animal eft chargé de fa repréfentation. Il étale comme un tableau la reffemblance qu'on lui a donnée, mais il n'ajoûte, non plus qu'un tableau, rien à fes traits. Il ne montre d'autre invention que celle de fon auteur, & il eft fait, non pour être ce qu'il nous paroît, mais pour nous en rappeller le reffouvenir.

XI.

Admirons donc dans les animaux; non point leur fineffe & leur industrie car il n'y a point d'industrie, où il n'y a point d'invention; mais la fageffe de celui qui les a conftruits avec tant d'art, qu'ils femblent même agir avec art.

Il n'a pas voulu toutefois que nous Les ani- fuffions déçus par cette apparence de raifonnement, que nous voyons dans Thomme, & les animaux. Il a voulu au contraire,

MAUX font

foumis

ent pas

meme leder. que les animaux fuffent des inftrumens nier degré de dont nous nous ferviflions, & que cela même fût un jeu pour nous.

raisonne

Nous domptons les animaux les plus forts, & venons about de ceux qu'on imagine les plus rufés. Et il eft bon de remarquer que les hommes les plus groffiers font ceux que nous employons à conduire les animaux, ce qui montre combien ils font au-deffous du raifonnement, puifque le dernier degré de raifonnement fuffit pour les conduire com

me on veut.

Une autre chofe nous fait voir encore combien les bêtes font loin de raisonner. Car on n'en a jamais vût, qui fuffent touchées de la beauté des objets qui fe prefentent à leur yeux, ni de la douceur des accords, ni des autres chofes femblables, qui confiftent en proportions

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