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monftrueux, en connoît la vanité. L'imagination, felon qu'on en ufe peut fervir ou nuire à l'intelligence. Le bon ufage de l'imagination, eft de s'en fervir feulement pour rendre l'efprit attentif. Par exemple, quand en dif courant de la nature du cercle & du carré, & des proportions de l'un avec l'au tre, je m'en figure un dans l'efprit, cette image me fert beaucoup à empêcher les distractions, & à fixer ma pen fée fur ce fujet.

Le mauvais ufage de l'imagination, eft de la laisser décider ; ce qui arrive principalement à ceux qui ne croyent rien de veritable que ce qui eft imaginable & fenfible. Erreur groffiere, qui confend l'imagination & le fens avec l'entendement.

Auffi l'experience fait-elle voir qu'une imagination trop vive étouffe leraifon nement & le jugement.

Il faut donc employer l'imagination & les images fenfibles feulement pour nous recueillir en nous-mêmes, en forte que la raifon prefide toûjours.

Par là fe peut remarquer la difference entre les gens d'imagination, & les gens d'efprit, ou d'entendement. Mais il faut auparavant démêler l'équivoquede ge terme, efprit,

XI.

L'efprit s'étend quelquefois tant à l'iDifference magination qu'à l'entendement, & d'efprit & en un mot à tout ce qui agit au-dedans d'un homme de nous.

d'un homme

d'imagina

tion,

Ainfi quand nous avons dit qu'on fe figuroit dans l'efprit un cercle ou un carré, le mot d'efprit fignifioit là l'imagination

Mais la fignification la plus ordinaire du mot d'efprit, eft de la prendre pour entendement : ainfi un homme d'efprit, & un homme d'entendement, eft à peu près la même chofe, quoique le mot d'entendement marque un peu plus ici le bon jugement.

Cela fuppofé, la difference des gens d'imagination & des gens d'efprit, eft évidente. Ceux-là font propres à retenir & à fe reprefenter vivement les chofes qui frappent les fens. Ceux-ei fçavent démêler le vrai d'avec le faux, & juger de l'un & de l'autre.

Ces deux qualités des hommes fe re marquent dans leurs difcours & dans leur conduite.

Les premiers font feconds en defcriptions en peintures 'vives, en comparaifons, & autres chofes femblables que les fens fourniffent. Le bon efprit donne aux autres un fort raisonnement avec

un difcernement exact & jufte, qui produit des paroles propres & precifes. Les premiers font paffionnés & emportés, parce que l'imagination qui prévaut en eux, excite naturellement & nourrit les paffions. Les autres font reglés & moderés, parce qu'ils font plus difpofés à écouter la raison, & à la fuivre.

Un homme d'imagination eft fécond en expedient, parce que la memoire qu'il a fort vive, & les paffions fort ardentes, donnent beaucoup de mouvement à fon efprit. Un homme d'enten-' dement fçait mieux prendre fon parti, & agit avec plus de fuite. Ainfi l'un trouve ordinairement plus de moyens pour arriver à une fin, l'autre en fait meilleur choix & fe foûtient mieux.

Comme nous avons remarqué que l'imagination aide beaucoup l'intelligence, il eft clair que pour faire un habile homme il faut de l'un & de l'autre. Mais dans ce temperament, il faut que l'intelligence & le ráifonnement prévalent Et quand nous avons diftingué les gens d'imagination d'avec les gens d'efprit, ce n'eft pas que les premiers foient tout-à-fait deftitués de raifonnement ni les autres d'imagination. Ces deux chofes vont toûjours enfemble'; mais

E

XII. Les Actes

de l'intelli

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on définit les hommes par la partie qui domine en eux.

Il faudroit parler ici des gens de memoire; qui eft comme un troifiéme caractere entre les gens de raifonnement, & les gens d'imagination. La memoire fournit beaucoup au raisonnement mais elle appartient à l'imagination; quoique dans l'ufage ordinaire on appelle gens d'imagination ceux qui font inventifs, & gens de memoire ceux qui retiennent ce qui eft inventé par les au

tres.

Après avoir féparé l'intelligence d'avec les fens & l'imagination, il faut maintenant confiderer quels font les actes particuliers de l'intelligence.

C'est autre chofe d'entendre la pre miere fois une verité, autre chofe de particuliers la rappeller à notre efprît après l'avoir fçue. L'entendre la premiere fois, s'appelle entendre fimplement, concevoir apprendre: & la rappeller dans fon efprit, s'appelle fe reffouvenir.

gence.

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On diftingue la memoire qui s'appelle imaginative, où fe retiennent les chofes fenfibles & les fenfations, d'avec la memoire intellectuelle par laquelle se retiennent les verités & les chofes de rai Lonnement & d'intelligence,

On diftingue auffi entre les penfées de l'ame qui tendent directement aux objets, & celles où elle fe retourne fur ellemême & fur fes propres operations, par cette maniere de penfer qu'on appelle réflexion.

Cette expreffion eft tirée des corps, lorfque repouffés par d'autres corps qui s'opposent à leur mouvement, ils retournent pour ainfi dire, fur eux-mê

mes.

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Par la réflexion, l'efprit juge des objets, des fenfations enfin de lui-même & de fes propres jugemens, qu'il redreffe ou qu'il confirme. Ainfil y a des réflexions qui fe font fur les actes même' de l'intelligence, & celles-la font les plus fures & les meilleures.

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Mais ce qu'il y a de principal en cette matiere, eft de bien entendre les trois operations de l'efprit. 9 Dans une propofition c'eft autre chofe d'entendre les termes dont élle eft com

posée, autre chose de les affembler, ou de les disjoindre par exemple dans ces deux propofitions:

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Diou et éternel, l'homme n'eft pag éternel. crib q lorsq on stofa, C'eft autre chofe d'entendre ces tere

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mes, Dicu, homme, éternel

autre

XIII. Les trois operations

de l'efprit

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