Imágenes de páginas
PDF
EPUB

chofe de les affembler, ou de les disjoindre, en difant, Dieu eft éternel, ou l'homme n'eft pas éternel,

Entendre les termes, par exemple, entendre que Dieu veut dire la premiere› caufe, qu'homme veut dire animal raifonnable, qu'éternel veut dire ce qui n'a ni commencement ni fin, c'eft ce qui ̈ s'appelle conception, fimple apprehenfion, & c'est la premiere operation de l'efprit.

[ocr errors]

Elle ne fe fait peut-être jamais toute feule, & c'eft ce qui fait dire à quelquesuns qu'elle n'eft pas. Mais ils ne prennent pas garde qu'entendre les termes» eft chofe qui précede naturellement les affembler autrement, on ne fçait ce qu'on affemble.

Affembler ou disjoindre les termes, c'eft en affurer un de l'autre, ou en nier un de l'autre, en difant, Dieu eft éter nel, l'homme n'eft pas éternel. C'est ce qui s'appelle proposition ou jugement, qui confifte à affirmer ou nier, & c'est la feconde operation de l'efprit.

A cette operation appartient encore de fufpendre fon jugement quand la chofe ne paroît pas claire, & c'eft co qui s'appelle douter.

Que fi nous nous fervons d'une chofe

claire

pour en rechercher une obfcure, cela s'appelle raifonner, & c'eft la troifiéme operation de l'efprit.

Raifonner, c'eft prouver une chofe par une autre. Par exemple, prouver une propofition d'Euclide par une autres prouver que Dieu hait le peché, parce qu'il eft faint; ou qu'il ne change-jamais fes réfolutions, parce qu'il eft éternel & immuable dans tout ce qu'il est· ·

Toutes les fois que nous trouvon's dans le difcours ces particules parce que, car, puifque, donc, & les autres qu'on nomme caufales, c'eft la marque indubitable du raisonnement.

,

Mais fa construction naturelle & celle qui découvre toute fa force, eft d'arranger trois propofitions, dont la derniere fuive des deux autres: Par exemple, pour réduire en forme les deux Taifonnemens que nous venons de propofer fur Dieu il faut dire ainfi:

ر

Ce qui eft faint bait le pecbé:
Dien eft faint,

Donc Dieu bait le peche.

Ce qui eft éternel & immuable dans tout ce qu'il eft, ne change jamais fes réfolutions.

Dieu et éternel & immuable dans

tout ce qu'il eft. Donc Dieu ne change jamais fes réfolutions.

Nous entendons naturellement, que fi les deux premieres propofitions qu'on appelle majeure & mineure, font bien prouvées, la troifiéme qu'on appelle conclufion ou confequence, eft indubitable.

Nous ne nous aftreignons gueres à conftruire le raifonnement de cette forte, parce que cela rendroit le difcours trop long, & que d'ailleurs un raifonnement s'entend tres-bien fans zcela. Car on dit, par exemple, en tres-peu de mots: Dieu qui eft bon, doit être bienfaifant envers les hommes, & on entend facilement que parce qu'il eft bon de fa nature, on doit croire qu'il eft bienfai fant envers la nôtre.

genre

[ocr errors]

Un raifonnement eft, ou feulement probable, vraisemblable & conjectural, ou certain & démonftratif. Le premier de raifonnement fe fait en matiere douteufe ou particuliere & contingente. Le fecond fe fait en matiere certaine, univerfelle & neceffaire. Par exemple, j'entreprens de prouver que Cefar eft un ennemi de fa Patrie, qui a toûjours eu le deffein d'en opprimer la liberté comme il a faità la fin,& que Brutus qui l'a tué,n'a jamais eu d'autre deffein que celui de

que.

rétablir la forme legitime de laRepubli. C'eft raifonner en matiere douteufe, particuliere & contingente, & tous les raifonnemens que je fais font du gen re conjectural. Et au contraire quand je trouve que tous les angles au fommet' & les angles alternes font égaux, & qu'e les trois angles de tout triangle font égaux à deux droits, c'eft raisonner en matiere certaine, univerfelle & neceffaire. Le raifonnement que je fais eft démonftratif, & s'appelle démonftration.

Le fruit de la démonstration eft la fcience. Tout ce qui eft démontré ne peut pas être autrement qu'il eft démontré. Ainfi toute verité démontrée eft neceffaire, éternelle & immuable. Car en quelque point de l'éternité qu'on fuppofe un entendement humain, il feta capable de l'entendre. Et comme cet en tendement ne la fait pas, mais la fuppofe il s'enfuit qu'elle eft éternelle & par là indépendante de tout entendekomib 1.01

ment creé.

Il faut foigneufement remarquer qu'il ya des propofitions qui s'entendent par elles-mêmes, & dont il ne faut point demander de preuve ; par exemple, dan's les Mathematiques, le tout eft plus grand que fa partic. Deux lignes paral

leles ne fe rencontrent jamais à quetz que étendue qu'on les prolonge. De tout point donné on peut tirer une ligne à un autre point. Et dans la morale, if faut fuivre la raifon, l'ordre vaut mieux que la confufion. Et autres de cette na

ture.

par

De telles propofitions font claires elles-mêmes, parce que quiconque les confidere, & en a entendu les termes, ne peut leur refufer fa croyance.

Ainfi nous n'en cherchons point de preuves; mais nous les faifons ferviz de preuves aux autres qui font plus obfcures. Par exemple, de ce que l'ordre eft meilleur que la confufion, je conclus qu'il n'y a rien de meilleur à l'homme que d'être gouverné felon les Loix, & qu'il n'y a rien de pire que l'Anarchie, c'eft-à-dire, de vivre fans gouvernement & fans Loix.

Ces propofitions claires & intelligibles par elles-mêmes, & dont on fe fert pour démontrer la verité des autres, s'appellent axiomes, ou premiers principes. Elles font d'éternelle verité, parce qu'ainsi qu'il a été dit, toute verité certaine en matiere univerfelle, eft éternelle & fi les verités démontrées le font, à plus forte raison celles quifeg

« AnteriorContinuar »