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Les principaux Arts font la Grammaire, qui fait parler corectement; la Rhetorique, qui fait parler éloquemment : la Poëtique, qui fait parler divinement, & comme fi on étoit infpiré; la Mufique qui par la jufte proportion des tons, donne à la voix une force feerette pour déle&er & pour émouvoir. La Medecine & fes dépendances, qui tiennent le corps humain en bon état. L'Arithmetique-pratique, qui apprend à calculer fûrement & facilement. L'Architecture, qui donne la commodité & la beauté aux Edifices publies & particuliers, qui orne les Ville & les fortifie, qui bâtit des Palais aux Rois & des Temples à Dieu. La Méchanique, qui fait jouer les refforts & tranfporter ailément les corps pefans, comme les pierres pour élever les Edifices, & les caux pour le plaifir, ou pour la commodité de la vie. La Sculpture & lá Peinture, qui en imitant le naturel reconnoiffent qu'ils demeurent beaucoup audeffous, & autres femblables.

Ces Arts font appelles liberaux, parce qu'ils font dignes d'un homme libre, à la difference des Arts, qui ont quelque chofe de fervile, que notre Langue appelle Métiers & Arts Méchaniques,

quoy que le nom de Méchanique ait une plus noble fignification, lorfqu'il exprime ce bel Art qui apprend l'ufage des refforts, & la conftruction des machines. Mais les Métiers ferviles ufent feulement de machines fans en connoître la force & la conftruction.

Les Arts reglent les Métiers. L'Architecture commande aux Maffons, aux Menuifiers & aux autres. L'Art de ma nier les chevaux dirige ceux qui font les mors, les brides, & les autres chofes femblables.

Les Arts liberaux & méchaniques font diftingués, en ce que les premiers travaillent de l'efprit plûtôt que de la main, & les autres dont le fuccez dépend de la routine & de l'ufage plûtôt que de la fcience, travaillent plus de la main que de l'efprit,

La Peinture qui travaille de la main plus que les autres Arts liberaux, s'eft acquis rang parmi eux, à caufe que le deffin qui eft l'ame de la Peinture, eft un des plus excellens ouvrages de l'efprit ; & que d'ailleurs le Peintre qui imite tout doit fçavoir de tout. J'en dis autant de la Sculpture, qui a' sur la Peinture l'avantage du relief, comme la Peinture a fur elle celui des couleurs,

XVI.

Les Sciences & les Arts font voit combien l'homme eft ingenieux & inventif, en penétrant par les Sciences les œuvres de Dieu, & en les ornant par les Arts, il fe montre vraiement fait à fon image, & capable d'entrer, quoique foiblement, dans fes deffeins.

Il n'y a donc rien que l'homme doive plus cultiver que fon entendement, qui le rend femblable à son Auteur. Il le cultive en le rempliffant de bonnes maximes, de jugemens droits, & de connoiffances utiles.

La vraye perfection de l'entendement eft de bien juger.

Juger, c'eft prononcer au-dedans de Ce que foi fur le vrai & fur le faux; & bien C'est que

.

jubien juger, ger, c'eft y prononcer avec raifon & quels en font connoiffance.

les moyens,

& quels les

mens.

C'est une partie de bien juger que de

empêche- douter quand il faut. Celui qui juge certain ce qui eft certain & douteux ce qui eft douteux, eft un bon Juge.

Par le bon jugement on fe peut exempter de toute erreur. Car on évite l'erreur non feulement en embraffant la verité quand elle eft claire, mais encore en fe retenant quand elle ne l'eft pas.

Ainfi la vraye regle de bien juger, eft de ne juger que quand on voit clair, &

le

le moyen de le faire, eft de juger après une grande confideration.

Confiderer une chofe c'est arrêter fon efprit à la regarder en elle-même, en pefer toutes les raifons, toutes les difficultés & tous les inconveniens.

C'eft ce qui s'appelle attention. C'est elle qui rend les hommes graves, ferieux, prudens, capables de grandes affaires, & des hautes fpeculations.

Eftre attentif à un objets c'eft l'envifager de tous côtés ; & celui qui ne le regarde que du côté qui le flatte, quelque long que foit le temps qu'il employe à le confiderer, n'eft pas

.tentif...

vraiement at

C'eft antre chofe d'être attaché à un objet, autre chose d'y être attentif. Y être attaché, c'est vouloir à quelque prix que ce foit, lui donner fes pensées & fes de firs. Ce qui fait qu'on ne le regarde que du côté agréable: mais y être attentif, c'est vouloir le confiderer pour en bien juger, & pour cela connoître le pour & le contre.

Il y a une forte d'attention aprés que la verité eft connue ; & c'est plûtôt une attention d'amour & de complaifance, que d'examen & de recherche. La caufe de mal juger eft l'inconfide

F

ration qu'on appelle autrement précipi

tation.

Précipitér fon jugement, c'eft croire ou juger avant que d'avoir connu. Cela nous arrive, ou par orgueil, ou par impatience, ou par prévention qu'on appelle autrement préoccupation. Par orgueil, parce que l'orgueil nous fait préfumer que nous connoiffons aifément les chofes les plus difficiles, & prefque fans examen. Ainfi nous jugeons trop vite, & nous nous attachons à nôtre fens fans vouloir jamais revenir, de peur d'être forcés à reconnoître que

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nous nous sommes trompés.

Par impatience, lorfqu'étant las de confiderer, nous jugeons avant que d'avoir tout vû.

Par prévention en deux manieres, OHI par le dehors, ou par le dedans.

Par le dehors, quand nous croyons trop facilement fur le rapport d'autrui, fans fonger qu'il peut nous tromper, ou être trompé lui-même.

Par le dedans quand nous nous trou vons portés fans raifon à croire une chofe plûtôt qu'une autre.

Le plus grand déreglement de l'efprit, c'eft de croire les chofes parce qu'on veut qu'elles foient, & non parce qu'on

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