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les paffions qui en naiffent, il redreffera fon jugement, pourvû qu'une droite volonté le rende attentif à fon objet & à lui-même.

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- Secondement, le fens eft bleffe & affoibli par les objets les plus fenfibles : le bruit à force de devenir grand, étourdit & affourdit les oreilles. L'aigre & le doux extremes offenfent le goût, que le feul mêlange de l'un & de l'autre fatisfait. Les odeurs ont befoin auffi d'une certaine mediocrité pour être agréables, & les meilleures portées à l'excés, choquent autant ou plus que les mauvaifes. Plus le chaud & le froid font fenfibles plus ils incommodent nos fens. Tout ce qui nous touche trop violemment nous bleffe. Les yeux trop fixement arrêtés fur le Soleil, c'est-àdire, fur le plus vifible de tous les objets, & par qui les autres fe voyent, y fouffrent beaucoup, & à la fin s'y aveugleroient. Au contraire plus un objet eft clair & intelligible, plus il eft certain, plus il eft connu comme vrai, plus il contente l'entendement, & plus il le fortifie. La recherche en peut être laborieufe ; mais la contemplation en eft toû jours douce. C'est ce qui a fait dire à Ariftote, que le fenfible le plus fort offen

fe

fe le fens : mais que le parfait intelligi ble recrée l'entendement & le fortifie. D'où ce Philofophe conclut, que l'entendement de foi n'eft point attaché à un organe corporel, & qu'il eft par fa nature féparable du corps, ce que nous confidererons dans la fuite.

Troifiémement, le fens n'eft jamais touché de ce qui paffe, c'est-à-dire, de ce qui fe fait & fe défait journellement: & ces chofes mêmes qui paffent dans le temps qu'elles demeurent, il ne les fent pas toûjours de même. La même chofe qui chatouille aujourd'hui mon goût, ou ne lui plaît pas toûjours, ou lui plaît moins. Les objets de la vûë lui paroiffent autres au grand jour, au jour médiocre, dans l'obfcurité, de loin ou de prés, d'un certain point ou d'un autre. Au contraire ce qui a été une fois entendu ou démentré, paroît toûjours le même à l'entendement. S'il nous arrive de varier fur cela, c'est que les fens & les paffions s'en mêlent : mais l'objet de l'entendement, ainsi qu'il a été dit, eft immuable & éternel, ce qui lui montre qu'au-deffus de lui; il y a une verité éternellement fubfiftante, comme nous avons déja dit, & que nous le verrons ailleurs plus claire

ment.

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Ces trois grandes perfections de l'intelligence nous feront voir en leur tems, qu'Ariftote a parlé divinement quand il a dit de l'entendement, & de sa sépa ration d'avec les organes, ce que nous venons de rapporter.

Quand nous avons entendu les chofes, nous fommes en état de vouloir & de choifir. Car on ne veut jamais, qu'on ne connoiffe auparavant.

XVIII. Vouloir eft une action par laquelle La volonté nous pourfuivons le bien & fuyons le mal, & choififfons les moyens pour parvenir à l'un & éviter l'autre.

Par exemple, nous defirons la fanté, & fuyons la maladie ; & pour cela nous choififfons les remedes propres, & nous nous faifons faigner, ou nous nous abftenons des chofes nuifibles, quelques agréables qu'elles foient, & ainfi du refte. Nous voulons être fages, & nous choififfons pour cela ou de lire, ou de converfer, ou d'étudier, ou de méditer en nous-mêmes, ou enfin quelques au tres chofes utiles pour cette fin.

Ce qui eft defiré pour l'amour de foimême, & à caufe de fa propre bonté, s'appelle fin. Par exemple, la fanté de l'ame & du corps, & ce qui fert pour y arriver, s'appelle moyen ; par exemple,

fe faire inftruire, & prendre une mede

cine.

Nous fommes déterminés par notre nature à vouloir le bien en general; mais nous avons la liberté de notre choix à l'égard de tous les biens partiauliers. Par exemple, tous les hommes veulent être heureux, & c'eft le bien general que la nature demande. Mais les uns mettent leur bonheur dans une chofe,les autres dans une autre les uns dans la retraite, les autres dans la vie commune les uns dans les plaifirs & dans les richeffes, les autres dans la

vertu.

C'eft à l'égard de ces biens particuliers que nous avons la liberté de choifir, & c'eft ce qui s'appelle le franc-arbitre, ou le libre-arbitre.

Avoir fon franc-arbitre, c'eft pouvoir choisir une certaine chofe plûtôt qu'une autre : exercer fon franc-arbitre, c'eft la choifir en effet.

Ainfi le libre-arbitre eft la puiffance que nous avons de faire, ou de ne pas faire quelque chofe; par exemple, je puis parler, ou ne parler pas, remuer ma main, ou ne la remuer pas, la remuer d'un côté plûtôt que d'un autre. C'est par-là que j'ai mon franc-arbi

H

tre, & je l'exerce quand je prens parti entre les chofes que Dieu a mifes en mon pouvoir.

Avant que de prendre fon parti, on raifonne en foi-même fur ce qu'on a à faire; c'est-à-dire qu'on délibere, & qui délibere, fent que c'eft à lui à choiGir.

Ainfi un homme qui n'a pas l'efprit gâté, n'a pas befoin qu'on lui prouve fon libre-arbitre, car il le fent. Et il ne fent pas plus clairement qu'il voit, ou qu'il oit, ou qu'il raifonne, qu'il se sent capable de déliberer & de choifir.

De ce que nous avons notre libre-arbitre à faire, ou à ne pas faire quelque' chofe, il arrive que felon que nous faifons bien ou mal, nous fommes dignes de blâme ou de loüange, de récompenfe ou de châtiment ; & c'eft ce qui s'ap pelle mérite, ou démerite.

On ne blâme ni on ne châti un enfant d'être boiteux, ou d'être laid : mais on le blâme & on le châtie d'être opiniâtre, parce que l'un dépend de fa volonté, & que l'autre n'en dépend

pas.

Un homme à qui il arrive un malinéXIX. vitable, s'en plaint comme d'un mal

La vertu &

les vices, la heur: mais s'il a pû l'éviter, il fent qu'il

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