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coup d'emportement. Ce qui étoit de plus fâcheux dans les circonftances où nous nous trou vions, c'eft qu'il refufa de nous continuer ces honnêtetez, & nous ne fçavions comment faire pour nous en retourner. Par bonheur que le frere de fon Secretaire, incommodé de deux taches fur les yeux, eut befoin de mes remedes. J'eus le bonheur de le guérir, ce qui fit alfez de plaifir au Chek, pour l'obliger de nous faire donner, pour notre argent, une fort petite Barque, & fi mal équipée, qu'on ne pouvoit pas s'y mettre à couvert de l'ardeur du Soleil, qui étoit violente dans la faifon où nous étions alors. Il fallut pourtant s'en accommoder, à moins que de vouloir demeurer dans un miférable Village, fans efperance de reC tour

Tome III.

tourner au Caire de long-tems. Le feize on s'embarqua avec le Pere François, que mes remedes & le foin que j'avois eu de lui pendant fa maladie, avoient enfin mis hors de danger. Mais à peine étions-nous à trois ou quatre lieuës.de Bajoura > qu'il s'éleva un vent fi impétueux, que je crûs qu'un bâteau, auffi méchant que celui que nous avions, ne réfifteroit pas long-tems à la violence de la tempête, & nous aurions péri infailliblement, fi nous n'avions aperçu un petit enfoncement, dans lequel nous nous mîmes à l'abri. Le mauvais tems dura trois jours, & pendant ce temslà j'allai à Berdis, Village au Couchant du Nil, qui donne fon nom à une affez belle contrée, pour y porter une lettre d'Ibrahim Bey au Chex de ce

lieu, qui l'a reçût avec affez d'indifférence. Comme il étoit

fingu

Gou

dis. en

perfuadé par les bruits qui avoient couru au fujet de mon voiage dans la Haute Egypte que je devois y avoir trouvé beaucoup de trefors, il me de- conmanda fi je ne voulois pas lui verfa en faire part. J'eus beau lui tion dire que l'or & l'argent n'a- liere voient jamais été le motif de avec le mes courfes; que la Médecine verneur feule, & la découverte des Mo- de Bernumens de l'antiquité étoient les feuls objets; il fut impoffible de le convaincre que je lui parlois fincérement. Mouftapha, qui étoit avec moi, lui affura la même chofe; mais il n'ajouta pas à fes difcours plus de foi qu'aux miens. Il nous repliqua feulement qu'un Dervis Franc avoit fait ily a quel ques années, le même voiage C 2

que

que nous, & qu'il en avoit remporté de grands trefors, dont il n'avoit pas voulu lui faire part, & que dans la crainte qu'il avoit eu qu'il ne le fit arrêter, il étoit parti avec tant de précipitation, qu'il avoit laiffé une partie de fes hardes & plufieurs livres, parmi lesquels il y en avoit qui aprenoient le fecret de lever les Talismans. Je le priai là-deffus

de vouloir bien me faire voir ces livres & les aiant fait aporter auffi-tôt, je vis que c'étoit des Bréviaires Italiens, & quel ques Traitez de Médecine. Je propofai au Chek de me vendre ces livres, qui ne lui étoient d'aucune utilité; mais il refufa tous mes offres, perfuadé qu'ils contenoient de grands mifte& pour me perfuader que fon idée n'étoit pas fans fondement, il me montroit les figu

res;

res

res qui étoient dans ces livres de Médecine & dans les Bréviaires, croiant de bonne foi que c'étoit celles des Talismans, fur quoi j'eus bien de la peine de m'empêcher de rire. Je me ref fouvins alors de ce que dit Cyrano de Bergerac, qu'on l'avoit voulu punir comme un forcier, fur ce qu'aiant dans fon équipage le livre des Principes de la Philofophie de M. des Cartes; on avoit pris les figures qui y font, pour celles d'un gri moire de la plus fine magie. Je. fis tout ce que je pus pour faire revenir le Seigneur Arabe de l'erreur où il étoit ; mais il en étoit fi prévenu, que bien loin de m'écouter, il fe tuoit à me raconter les hiftoires des prétendus trefors qui font, à ce qu'il pense

renfermez dans.

les Grottes des Montagnes voi

C 3

fines

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