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Ils ont soin d'entretenir dans ce Temple un feu perpétuel, et leur attention est d'empêcher qu'il ne flambe ils ne se servent de bois sec de noyer ou de pour cela que chêne. Les anciens sont obligés de porter, chacun à son tour, une grosse bûche dans l'enceinte de la palissade. Le nombre des Gardiens du Temple est fixé, et ils servent par quartier. Celui qui est en exercice est comme en sentinelle sous l'appentis, d'où il examine si le feu n'est pas en danger de s'éteindre il l'entretient avec deux ou trois grosses bûches, qui ne brûlent que par l'extrémité, et qui ne se mettent jamais l'une sur l'autre, pour éviter la flamme.

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De toutes les femmes, il n'y a que les sœurs du grand Chef qui aient la liberté d'entrer dans le Temple: cette entrée est défendue à toutes les autres, aussi-bien qu'au menu peuple, lors même qu'ils apportent à manger aux mânes de leurs parens, dont les ossemens reposent dans le Temple. Les mets se donnent au Gardien, qui les porte à côté de la corbeille où sont les os du mort: cette cérémonie ne dure que pendant une lune. Les plats se mettent ensuite sur les palissades de l'enceinte, et sont abandonnés aux bêtes fauves.

Le Soleil est le principal objet de la vénération de ces peuples comme ils ne conçoivent rien qui soit au-dessus de cet astre, rien aussi ne leur paraît plus digne de leurs hommages; et c'est par la même raison que le grand Chef de cette Nation, qui ne con

naît rien sur la terre au-dessus de soi-même prend la qualité de frère du Soleil : la crédulité des peuples le maintient dans l'autorité despotique qu'il se donne. Pour mieux les y entretenir, on élève une butte de terre rapportée, sur laquelle on bâtit sa cabane, qui est de même construction que le Temple: la porte est exposée au Levant. Tous les matins, le grand Chef honore de sa présence le lever de son frère aîné, et le salue de plusieurs hurlemens dès qu'il paraît sur Ï'horizon; ensuite il donne ordre qu'on allume son calumet (1), et il lui fait une offrande des trois premières gorgées qu'il tire; puis élevant les mains au-dessus de la tête, et se tournant de l'Orient à l'Occident, il lui enseigne la route qu'il doit tenir dans

sa course.

Il y a dans cette cabane plusieurs lits à gauche en entrant : mais sur la droite il n'y a que le lit du grand Chef, orné de diffé rentes figures peintes. Ce lit ne consiste que dans une paillasse de cannes et de joncs fort durs, avec une bûche carrée qui lui sert de chevet. Au milieu de la cabane on voit une petite borne personne ne doit approcher du lit qu'il n'ait fait le tour de la borne. Ceux qui entrent saluent par un hurlement, et avancent jusqu'au fond de la cabane, sans jeter les yeux du coté droit où est le Chef: ensuite on fait un nouveau salut, en élevant

(1) Le calumet est une grande pipe dont se servent des Sauvages.

les bras au-dessus de la tête et hurlant trois fois. Si c'est une personne que le Chef considère, il répond par un petit soupir, et lui fait signe de s'asseoir; on le remercie de sa politesse par un nouvel hurlement. A toutes les questions que fait le Chef, on hurle une fois avant que de lui répondre : et lorsqu'on, prend congé de lui, on fait traîner un seul hurlement jusqu'à ce qu'on soit hors de sa présence.

Lorsque le grand Chef meurt, on démolit sa cabane; puis on élève une nouvelle butte où l'on bâtit la cabane de celui qui le remplace dans sa dignité, et qui ne loge jamais dans celle de son prédécesseur. Ce sont les anciens qui enseignent leurs Lois au reste du peuple une des principales est d'avoir un souverain respect pour le grand Chef, comme étant frère du Soleil, et le maître du Temple; ils croient l'immortalité de l'ame; lorsqu'ils quittent ce monde, ils vont, disent-ils, en habiter un autre, pour y être récompensés ou punis. Les récompenses qu'ils se promettent consistent principale-, ment dans la bonne chère, et le châtiment, dans la privation de tout plaisir. Ainsi ils croient que ceux qui ont été fidèles observateurs de leurs lois, seront conduits dans une région de délices, où toutes sortes de viandes les plus exquises leur seront fournies en abondance; qu'ils y couleront des jours agréables et tranquilles au milieu des festins, des danses et des femmes, enfin qu'ils goûteront tous les plaisirs imaginables; qu'au

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contraire les infracteurs de leurs lois seront jetés sur des terres ingrates et toutes couvertes d'eau; qu'ils n'auront aucune sorte do grains, qu'ils seront exposés tout nus aux piquantes morsures des maringouins; que toutes les Nations leur feront la guerre ;` qu'ils ne mangeront jamais de viande, et qu'ils ne se nourriront que de la chair des crocodiles, de mauvais poissons, et de coquillages.

de

Ces peuples obéissent aveuglément aux moindres volontés du grand Chef: ils le regardent comme le maître absolu, nonseulement de leurs biens, mais encore de leur vie, et il n'y a pas un d'eux qui osât lui refuser sa tête. lorsqu'il la demande. Quelques travaux qu'il leur ordonne, il leur est défendu d'en exiger aucun salaire. Les Français, qui ont souvent besoin de chasseurs ou de rameurs pour des voyages long cours, ne s'adressent qu'au grand Chef. Celui-ci fournit tous les hommes qu'on souhaite, et reçoit le paiement sans en faire part à ces malheureux, à qui il n'est pas même permis de se plaindre. Un des principaux articles de leur Religion, sur-tout pour les domestiques du grand Chef est d'honorer ses funérailles en mourant avec lui pour aller le servir dans l'autre monde; ces aveugles se soumettent volontiers à cette loi, dans la folle persuasion où ils sont, qu'à la suite de leur Chef, ils vont jouir du plus grand bonheur.

Pour se faire une idée de cette sanglante

cérémonie, il faut savoir que, dès qu'il naît au grand Chef un héritier présomptif, chaque famille qui a un enfant à la mamelle doit lui en faire hommage. Parmi tous ces enfans on en choisit un certain nombre, qu'on destine au service du jeune Prince, et dès qu'ils ont l'âge compétent, on leur donne un emploi conforme à leurs talens : les uns passent leur vie ou à la chasse, ou à la pêche, pour le service de sa table; les autres sont employés à l'agriculture; d'autres ne servent qu'à lui faire cortège: s'il vient à mourir, tous ces domestiques s'immolent avec joie pour suivre leur cher maître. Ils prennent d'abord leurs plus beaux ajustemens, et se rendent dans la place qui est vis-à-vis le Temple, et où tout le peuple est assemblé; après avoir dansé et chanté assez long-temps, ils se passent au cou une corde de poil de boeuf avec un noeud coulant, et aussitôt les Ministres préposés à cette sorte d'exécution, viennent les étrangler, en leur recommandant d'aller rejoindre leur maître, et de reprendre dans l'autre monde des em plois encore plus honorables que ceux qu'ils occupaient en celui-ci.

Les principaux domestiques du grand Chef ayant été étranglés de la sorte, on décharne leurs os, sur-tout ceux des bras et des cuisses; on les laisse se dessécher pendant deux mois dans une espèce de tombeau, après quoi on les en retire pour les renfermer dans des corbeilles , et les placer dans le Temple à côté de ceux de leur maître. Pour

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