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les Romains; nous admirons leurs belles actions; nous blâmons leurs défauts. C'eft avec la même équité que nous devons traiter les autres Nations.

Les Langues Orientales fi néceffaires pour exé¬ cuter un Ouvrage tel que celui que j'ai entrepris, ont été de tout tems peu cultivées; & parmi ceux qui s'y font appliqués, les uns ne l'ont fait qu'en Grammairiens, ou fe font contentés de nous donner quelques traductions des Ecrivains, fouvent les moins eftimés dans l'Orient les autres trop occupés du foin d'accumuler dans leur mémoire les fignifications d'un grand nombre de termes, paroif sent avoir négligé les choses, & avoir oublié que l'unique but qu'on doit fe propofer dans l'étude des Langues, eft de lire les Ouvrages des différentes Nations, tant pour fa propre inftruction, que pour celle du Public.

Si ceux qui ont été à portée d'entendre les livres des Orientaux, ne se font pas attachés à nous donner une Histoire de l'Orient, combien d'autres, quoique privés de ce fecours, n'ont pas laiffé de tenter l'exécution d'un pareil Ouvrage ? Mais ils font de vains efforts; ils ne préfentent jamais qu'un même personnage fous un mafque différent, & qui fouvent cache de nouvelles difformités.

La Bibliotheque du Roi, qui reçoit tous les jours de nouveaux accroiffemens, fous les yeux de M. Bignon, & par les foins de MM. l'Abbé Sallier & Melot, qui veillent à ce précieux dépôt, contient tout ce que les Orientaux Turcs, Arabes, Perfans & Chinois ont de plus curieux. Elle poffede parti

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culiérement les livres les plus authentiques & les plus eftimés que les Chinois aient compoiés. Nous fommes redevables des premieres notions de la langue de ces peuples à l'amour que Louis le Grand a toujours eu pour le progrès des Lettres. Pendant fon regne un Chinois, nommé Hoam-ge, vint en France. M. l'Abbé Bignon l'attacha à la Bibliothe→ que de Sa Majesté. Sous les aufpices de ce Protecteur des Sciences, ce jeune Etranger compofa quel ques Mémoires, mais la mort ne lui permit pas d'achever fon Ouvrage. M. Fourmont l'aîné, dont la vaste érudition est si connue, & qui avoit un talent fingulier pour ramener les Langues à leurs principes, fut alors chargé d'examiner les papiers de M. Hoam-ge. Après un travail des plus opiniâtres il parvint à former une Grammaire & un Dictionnaire. Pour favorifer ce nouveau genre d'étude, & rendre plus féconde cette fource de connoissances, on fit venir un grand nombre de livres Chinois. Louis XV, non moins zélé que son illustre Prédécesseur, a continué de protéger la Littérature Chinoise. On a gravé par ses ordres plus de cent vingt mille caractères Chinois, destinés à l'impreffion de la Grammaire & du Dictionnaire. Je me fuis appliqué, fous les yeux de M. Fourmont, à l'étude des langues Orientales, & particuliérement de la langue Chinoife. Après la mort de ce Sçavant, j'ai eu l'honneur d'être attaché à la Bibliotheque du Roi pour le même objet. En conféquence j'ai cru devoir m'appliquer à rendre utile à ma nation cet amas de Livres Chinois tranfportés en France

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& à communiquer au Public les notions qu'ils renferment. Je présente aujourd'hui le tribut de ma reconnoiffance; s'il ne répond pas à tout ce que les bienfaits de Sa Majefté exigent de moi, il fervira du moins à prouver mon zele, & à faire voir que la Littérature Chinoife, toute étrangere qu'elle nous paroiffe, peut devenir très-utile, & qu'elle eft digne de la protection que Louis XIV, & Louis XV n'ont ceffé de lui accorder.

La lecture des Livres écrits en cette langue a 'donné naiffance à un petit Mémoire Hiftorique fur l'origine des Huns, que j'ai publié il y a plufieurs années. Mon deffein n'étoit alors que de compofer quelques Dissertations relatives à ce sujet. Rempli de mon projet, j'ai examiné avec attention les Hiftoriens Chinois. Avec eux j'ai fuivi les Turcs dans toutes leurs expéditions; j'ai recherché leurs migrations vers les pays Occidentaux. Là étant devenus moins connus des Chinois, à caufe de leur trop grand éloignement, j'ai eu recours aux Hiftoriens Arabes. Des détails immenfes que j'ai apperçus en réuniffant ces deux fortes d'Ecrivains, m'ont bien-tôt fait naître le deffein de compofer une Hiftoire générale des Turcs. Après un travail de plufieurs années, je fuis enfin parvenu à former un ample Recueil fur cette matiere. J'y rapporte les grandes conquêtes de ces Peuples, leurs établiffemens dans l'Afie, l'Europe & l'Afrique, la fuite de leurs Princes, leurs moeurs, leur religion, leur commerce avec les Nations voisines; j'y donne la Introd. Tom. I. Part. I.

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connoiffance la plus exacte, qu'il eft poffible, pays qu'ils ont habités.

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Les Turcs fe font tellement répandus, que leur Hiftoire fe trouve liée à celle de prefque toutes les Nations; elle les intéreffe par conféquent. En Afie, les Chinois, les Indiens, les Perfans, les Arabes; en Europe, les Grecs, les Romains, les François, les Polonois, les Hongrois, & les Ruffes, ont eu fouvent des guerres avec les Turcs; je ne dis pas avec ceux qui forment aujourd'hui les Sujets de l'Empire Ottoman, mais avec ces anciens Turcs ou Huns, qui fe font établis en différens tems dans la plûpart de ces régions; c'eft ce qu'un détail plus circonftancié nous fera mieux connoître.

L'Empire des Huns en Tartarie étoit borné du côté du Midi par celui des Chinois; les guerres prefque continuelles que ces deux Peuples fe font faites, ont obligé les Chinois à parler fouvent des Huns. C'eft dans leur Hiftoire que nous trouvons tout ce qui concerne l'origine & le premier Empire de ces Barbares, la fucceffion exacte de leurs Princes, & des descriptions de la Tartarie depuis le tems de Jefus-Chrift jufqu'à préfent. Nous y voyons ces Huns s'avancer jufqu'au Nord de la Mer Cafpienne & dans la Sibérie, y fixer leurs demeures, pour pénétrer enfuite chez les Romains. Par la lecture combinée de plufieurs de ces Ecrivains, tels que Se-ma-kouang, Tchou-hi, Ma-tuon-lin, & de ceux des différentes Dynasties Impériales, dont on a fait un Recueil intitulé, les vingt-un Hiftoriens, on se trouve en état de compofer une Hiftoire dé

taillée de ces Huns, & de leurs différentes Hordes ou Tribus.

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Si nous fommes redevables aux Annales des Chinois de toutes ces découvertes nos recherches d'un autre côté ne leur feront pas moins utiles; nous porterons la lumiere en plusieurs endroits obfcurs de leur Histoire, & nous faciliterons l'intelligence de tout ce qu'ils difent des Etrangers, fur lefquels fouvent ils font eux-mêmes sujets à s'égarer. Les liaisons que les Huns ont eues avec les Tartares Orientaux, m'obligeront par la même raifon de donner un précis de l'Hiftoire de ces derniers, des liftes de leurs Princes & leur origine, lorfque l'Hiftoire des Turcs paroîtra l'exiger.

Pendant le regne de l'Empereur Valens, les Huns, fous la conduite d'Attila, quittent les frontieres de la Chine, & paffent dans l'Europe qu'ils ravagent. C'est une occafion indispensable d'éclaircir une partie de l'Histoire du bas Empire, & furtout de remonter jufqu'à l'origine de quelques autres Peuples barbares, autant que les monumens nous le permettront, fans hafarder de frivoles conjectures. Les Hiftoriens Grecs ne fuffifoient pas pour porter jufques-là nos connoissances: mais en les rapprochant de ceux de la Chine, la plupart de ces origines obfcures & incertaines s'éclairciffent; les routes même qu'ont tenues ces Barbares nous deviennent connues; nous les fuivons pas a pas depuis le fond de la Tartarie & le Nord de la Chine jufqu'en Pannonie & en France. Nous apprenons les causes de leur irruption; nous voyons des Peu

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