Imágenes de páginas
PDF
EPUB

J. C.

406.

taines de ces deux Nations, il alla avec cette Armée cherANNE'E DE cher Radagaife qui étoit campé proche de Florence, & remporter fur lui une victoire fignalée, que Dieu accorda à l'Empire & au nom Chrétien, pour montrer fa toutepuiffance. En effet Radagaife & fon monde n'eurent pas. plûtôt apperçu les Enfeignes Romaines, que faifis d'une terreur panique & ne fçachant que faire, ils s'enfuirent fur l'Apennin, où l'Armée Romaine qui les fuivit les tint comme affiégés, leur fermant tous les paffages, & leur coupant les vivres de toutes parts, afin de les faire périr par la famine. Radagaife & fes Soldats demeurerent ainfi quelques jours, fans ofer entreprendre de fe tirer d'un fi mauvais pas par la voie des armes. Enfin Radagaise désespéré, & monté fur un cheval, voulut tenter de s'échapper, mais il donna dans quelques gardes de l'Armée Romaine qui le firent prifonnier. Aïant été conduit au Camp des Romains, peu de jours après Stilicon lui fit païer de la vie fon entreprife audacieufe. Dèsque fes Soldats fçurent fon évafion, ils fe rendirent à difcrétion; de forte que l'on fit un fi grand nombre d'Efclaves. qu'on les vendoit comme des troupeaux de Brebis, & à fi bas prix, que l'on en avoit un pour un écu. Ce fut ainfi que Dieu montra dans cet événement, qu'il fçait donner les victoires, fans effufion de fang, à ceux qui révérent fon Saint Nom.

Commence

cadence de l'Empire d'Occident.

Stilicon.

Autant le paffage de Radagaife en Italie avoit jetté l'ément de la dé- pouvante dans ce Païs, autant la nouvelle de fon défaftre y caufa de joïe, ainfi que dans toutes les autres Provinces de I'Empire, & principalement dans Rome. Ce ne fut par tout qu'applaudiffemens que l'on donnoit à la valeur, à la prudence & au bonheur de Stilicon, mais cette heureuse expédition qui fembloit devoir affermir l'Empire d'Occident, Ambition & fut ce qui donna occafion à fa ruine. Stilicon ébloui de fa perfidie de fortune, ne penfa plus qu'à mettre à exécution le projet qu'il avoit déja formé d'ufurper l'Empire pour fon fils Eucherius, & qu'à en chercher les moïens aux dépens mêmes des Loix divines & humaines. Pour parvenir à fes fins, il avoit des traités fecrets avec Alaric Roi des Gots qu'il entretenoit & foudoïoit dans la Pannonie & dans l'Illyrie, fous d'autres prétextes, & il étoit convenu avec les Vandales, avec les Alains & les Suéves, qu'ils feroient des incurfions dans les Gaules, lorfqu'il l'ordonneroit. Outre ces mesures dont il fe promettoit tout le fuccès qu'il défiroit, à cause de

ERE D'ES

PAGNE.

444.

LE D'ES

PAGNE.

444.

445.

la parfaite connoiffance qu'il avoit de la moleffe & de la
négligence d'Honorius, il fit défense dans tous les Ports ANNE'E DE
d'Italie, où il avoit des Créatures & des Confidens, de laif-
fer entrer par aucun endroit des grains dans le Païs, afin
la famine rendît odieux à tout le monde, l'Empereur à qui
il youloit ôter le Sceptre.

que

Avec des vûes fi ambitieuses, Stilicon glorieux d'avoir remporté une victoire si signalée, fe perfuada que la fortune lui offroit l'occafion la plus favorable qu'il pût désirer, de réuffir dans l'entreprise qu'il projettoit depuis long-tems, Sur cette idée, il follicita les Barbares Septentrionaux, avec lefquels il avoit des liaisons & des intrigues, à entrer au plûtôt dans les Gaules, leur en facilitant même adroitement les moïens par le foin qu'il avoit pris de dégarnir de Soldats les Frontières, d'où il avoit amené prefque toutes les Troupes contre Radagaife, parce qu'il fe flattoit que dans cette conjoncture Honorius extrêmement embaraffé, feroit forcé de l'affocier à l'Empire, ou de le lui céder. Ainfi les Vandales, les Alains, & les Suéves fe préparerent à entrer dans les Gaules, s'avançant tous vers le Rhin (A).

J. C. 406.

407:

d'Occident

les Alains,par

Au premier de Janvier,les Vandales, les Alains & les Suéves fuivis d'autres Barbares, avec lefquels Stilicon avoit des L'Empire relations, pafferent le Rhin; & n'aïant trouvé aucun obfta- défolé par les cle fur ces Frontiéres, ils fe répandirent dans la Gaule Bel- Vandales, par gique,où ils commirent des tyrannies affreufes, & des cruau- les Suéves, & tés inouies. La prise de Mayence fut leur premiere expédi- par d'autres tion. Cette Place fut faccagée, & tous ceux de fes Habitans Barbares. qui s'étoient réfugiés dans fon Eglife, furent les victimes de la fureur de ces Barbares. Delà les ennemis de l'Empire, mettant tout à feu & à fang, pafferent à Tournay, à Arras, à Rheims, à Amiens & à d'autres Villes qu'ils pillerent & démolirent, de forte qu'ils laifferent de toutes parts de tristes marques de leurs cruels dégâts. Ils traverferent de cette maniere toutes les Gaules jufqu'aux Pyrénées, par où ils voulurent entrer en Efpagne pour y commettre les mêmes défordres; mais quelques Troupes de l'Empire qui s'étoient réunies pour la défense commune, s'y oppoferent (B). Alaric Roi des Gots paffa de l'Epyre aux Alpes, & entra

5.

(4) S. JEROME, Lettres 10. & 11. S. AUGUSTIN, Liv. de la Cité de Dieu, chap. 23. OROSE, Liv. 7. PROSPER, MARCELLIN, IDACE dans les Chroni

ques, ZosIME, Liv. 5. S. ISIDORE dans
la Chronique des Gots.

(B) S. JEROME, Lettre 11.

Alaric obtient du Sénat

ANNE'E DE J. C. 407.

de s'établir en

en Italie, foit par ordre de Stilicon, foit parce qu'on ne le païoit pas. Il envoïa demander à l'Empereur qu'on lui marquât une Province, où il pût s'établir, & qu'on lui délivrât la permiffion les païes qui lui étoient dûes, avec menaces, en cas de refus Espagne ou de fe procurer l'un & l'autre par la voie des armes. Cette dans les Gau- affaire aïant été traitée dans le Sénat, il y fut décidé que l'on donneroit à Alaric une fomme confidérable, & afin de le contenter entiérement, on lui marqua une demeure dans les Gaules, ou en Efpagne, pourvû qu'il chaffât de l'une les Barbares, & de l'autre le Tyran Constantin (A).

les.

Révolte des Légions Ro

maines en

Angleterre.

y eft falué Empereur.

Pour bien entendre cette derniere claufe, il faut fçavoir, que les Légions Romaines qui fervoient en Angleterre effraïées de l'entrée des Barbares dans les Gaules, & de leur voisinage, parce que ceux-ci avoient pénétré jusqu'au Païs appellé aujourd'hui la Bretagne, avoient proclamé Empereur un de leurs Chefs nommé Marc. L'aïant tué peu de tems après, parce qu'il ne vouloit pas apparemment souffrir, ni permettre leurs infolences, elles avoient falué en fa place un autre, appellé Gratien, à qui elles ôterent encore bien-tôt la vie, fans doute pour la même raison. Elles élûrent enfuite dans le mois d'Août un fimple Soldat, appellé Conftantin Conftantin, qui n'avoit point pour une dignité fi élevée d'autre mérite que le nom, avec lequel elles efpéroient qu'il fe rendroit auffi recommendable que Conftantin le Grand. Conftantin aïant donc pris la Pourpre, paffa d'AngleterGaules con- re en Bretagne avec fes Troupes, & débarqua dans la Ville tre les Barba- de Boulogne la Grasse *. Dès qu'il y fut, tous les Capitaines Romains qui étoient dans les Gaules, voïant la négligence d'Honorius, fe joignirent à lui avec leur monde, pour délivrer la Province des Barbares qui y faifoient tant de défordres. Avec ce renfort, Conftantin aïant formé une Armée fuffifante, alla chercher les Barbares, & leur aïant livré bataille proche de Cambray, il les défit entiérement. Dans cette action, il fit un carnage affreux des ennemis de l'Empire, qui contraints de lui adandonner la victoire, prirent le parti, les uns de s'enfuir par differens endroits, & d'autres de fe rendre à lui pour fervir fous fes Enfeignes. Il honora ceux-ci du tître de Soldats Romains, afin de fe les atta

Ses Expéditions dans les

res.

(4) ZOSIME, Liv. 5. JORNANDES mer en France, un furnom, qui n'ap-
Hiftoire des Gots, chap. 30.
partient qu'à Boulogne ou plutôt Bo-
* Ferreras donne ici à Boulogne furlogne en Italie.

EREDE

PAGNE

445.

ELE D'ES-
JAGNE.

445.

445.

cher davantage, ce qui fit, à ce que je m'imagine, qu'on les appella Honoriaques, quoique quelques-uns donnent une autre origine à ce nom. Cette victoire auroit fuffi pour arrêter, & empêcher les défordres que ces Nations cauferent par la fuite dans l'Empire, fi Conftantin en avoit fçû profiter, & avoit pouffé fa fortune; mais au lieu d'aller à la pourfuite des Barbares, il les laiffa se refaire & fe rallier après leur déroute, & fe renforcer de nouveaux fecours qui leur arriverent de leurs Patries. Perfuadé à la vérité qu'il ne pouvoit éviter d'avoir la guerre avec Honorius, il ne penfa qu'à s'affermir dans les Gaules. Delà vint qu'il travailla à mettre l'Espagne dans fes intérêts, & qu'il réfolut d'aller en perfonne avec la meilleure partie de fes Troupes, fermer & garder le paffage des Alpes.

A l'occafion des grandes difputes qui s'étoient élevées entre Saint Jerôme & Rufin d'Aquilée, Avit Prêtre natif de Brague, écrivit à Saint Jerôme pour s'informer de ce qu'il y a de mauvais & de fufpect dans les Livres d'Origêne, intitulés Periarchon, c'est-à-dire des Principes, & le Saint le fatisfit dans une Lettre fur cette matiere (A).

[ocr errors]

ANNE'E

J. C.

407.

408.

pagne dans

DE

Cependant Constantin toujours occupé des moiens de fe
maintenir contre Honorius, envoïa en Espagne, afin d'atti- Il met l'EL
rer cette Province à fon parti, fes Officiers & fes Juges, fon parti.
entre les mains defquels la plupart des Gouverneurs lui prê-
terent ferment de fidélité & d'obéiffance. Sur ces entrefaites,
deux freres appellés Didyme & Vérinien, hommes de con-
fidération, & riches, prirent la résolution de conferver la
Patrie dans les intérêts du véritable Empereur, & de la dé-
fendre contre le Tyran & contre les Barbares. Afin d'éxé-
cuter ce noble projet, ils affemblerent leurs amis,leurs Par--
tifans, & leurs Domeftiques, & en aïant formé un Corps
d'Armée, ils allerent garder le paffage des Pyrénées. Zo-
zime dit que ces deux freres étoient parens d'Honorius.

Sur cette nouvelle, Conftantin chargea Conftant fon fils,
qu'il avoit tiré d'un Monaftere & qu'il avoit déclaré Céfar
d'aller avec quelques Troupes & avec quelques Régimens
de Barbares qui fervoient dans fon Armée, s'affûrer de l'Ef-
pagne. Conftant arrivé aux Pyrénées, y rencontra Dydime:
& Vérinien, qui aïant voulu lui défendre le paffage, fu-
rent battus, & mis en fuite. Les deux freres fe retirerent en
(4) S. JEROME, Lettre à Avit

[ocr errors]

J. C.

408.

Lufitanie, & il paroît que s'étant refaits, ils donnerent ANNE'E DE tout-à-coup & au dépourvû fur les Troupes de Conftant qui coururent un grand danger; mais comme elles étoient plus nombreuses & mieux difciplinées que celles des deux freres, elles fe rétablirent bien-tôt, & elles mirent les ennemis en déroute. Conftant poursuivit Dydime & Vérinien & les fit prifonniers avec toutes leurs femmes, & avec leurs Partifans. Deux autres de leurs parens, nommés Théodofiole & Lagodé, furent affez heureux pour lui échapper, & fe retirerent, le premier à Conftantinople, & le fecond en Italie auprès de l'Empereur Honorius avec qui il étoit allié par le fang. Ainfi Constant fit déclarer l'Espagne pour fon pere Conftantin.

Géronce

d'Espagne.

Manœuvres de Stilicon pour parve

Après cette expédition, Conftant laiffa en Efpagne pour Gouverneur la garder les Régimens des Barbares, & le Comte Géronce en qualité de Gouverneur, & s'en retourna dans les Gaules trouver fon pere qui étoit à Arles: il lui mena prisonniers Dydime & Vérinien, aufquels Conftantin fit fur le champ ôter la vie. Les Barbares qui étoient demeurés en Espagne, pénétrerent dans les terres, pillant fur le Territoire de Palence, & fur ceux des Places des environs, tout ce que les Naturels du Païs poffédoient, fans que perfonne pût arrêter leurs défordres (A). Zozime ne raconte point tous ces événemens de la même maniere que je les rapporte mais je fuis Orofe, qui étant Espagnol a dû en être mieux inftruit que lui. Alaric en vertu du Traité de l'année précédente, se mit en marche, pour délivrer les Gaules de la domination de nir à l'Empi- Conftantin, & pour paffer enfuite en Espagne; mais Stilicon qui comprit, que pour réuffir dans les deffeins, il falloit entretenir le trouble dans l'Italie, réfolut de s'opposer à l'éloignement de ce Prince; il s'y détermina même d'autant plus volontiers qu'il fe flatta, qu'après qu'il auroit obligé Honorius de lui céder le Sceptre, ou de l'affocier à l'Empire, il feroit facile de faire ceffer aux Gots & aux Barbares leurs hoftilités, & de rétablir le calme par tout. Stilicon ainfi ébloui par fes efpérances ambitieufes & chimériques, détacha quelques Troupes fous la conduite de Saül un de fes Généraux & de fes Confidens avec ordre de donner fur Alaric dans le paffage des Pyrénées, afin de détruire ce Roi Got, ou de le contraindre de rentrer en Italie.

[ocr errors]

(4) OROSE, Liv. 7. chap. 40. ZasIME, Liv, 6. SoZoMENE, Liv. 9. chap. 11.

PAGN

D

445

« AnteriorContinuar »