D'I PAGNI

6924

Depuis que le Concile avoit été terminé, le Roi Récéfuinthe s'étoit attaché à punir févérement tous les Juifs d'Ef- ERED pagne, qui après avoir reçu le Baptême, devenoient Apoftats. Ce procédé fit que tous ceux qui étoient baptifés, présenterent au Roi le 18. de Février un Mémoire* dans lequel, après lui avoir demandé pardon pour le paffé, ils prometmettoient de n'avoir aucun commerce, ni aucune communication avec les Juifs qui n'avoient point été régénérés par le Baptême; de ne point fe marier, ni commettre fornications avec leurs parentes jufqu'au fixiéme degré ; de ne point contracter mariage, ni eux, ni leurs enfans avec les Juives; de ne point obferver la Circoncifion, ni les Pâques ou Sabats, fuivant le Rit Juif, & de ne point fuivre l'usage des Juifs dans le manger. Ils protestoient au contraire d'agir en tout conformément à la Loi Evangélique, & à la Tradition des Apôtres, tant pour ce qui regarde les Fêtes, les mariages, les nourritures, que pour tout ce qu'obferve l'Eglife. A l'égard de la chair de Porc,ils promirent que s'ils avoient lieu de craindre qu'elle ne les incommodât, à cause de l'averfion & du dégoût naturel qu'ils avoient pour cette nourriture, ils mangeroient au moins ce que l'on auroit fait cuire avec elle. Enfin ils juroient par le Mistére Sacré de la Sainte Trinité d'observer inviolablement tout le contenu de leur Mémoire, & ils déclaroient, que chacun d'eux fe foumettoit en fon particulier, à être brûlé & lapidé, s'il y contrevenoit en la moindre chofe, & qu'en cas qu'il plût à la clémence du Roi de faire grace de la vie au Coupable, l'on confifqueroit tous les biens de celui-ci, qui deviendroit Efclave de la perfonne à qui le Roi jugeroit à propos de le donner. (A) Il y a apparence que Récéfuinthe content de cette foumiffion, fe calma, & fe défifta de fon entreprise.

Richimire ** Evêque de Dume, étant mort en cette année, le Roi forma le deffein de faire élire en fa place Saint Fructueux ; perfuadé qu'il ne pouvoit y avoir perfonne plus digne que lui de l'Epifcopat, & que ce feroit un moïen de le

(4) FUERO-JUZGO, Liv. 12. Tît. 2. .Loi 16.

* Il fut préfenté au Roi, fuivant Mariana, pendant la tenue du Concile VIII. de Toléde;, mais comme le Concile

avoit été diffous dans le même mois qu'il
avoit été afleinblé, la date seule du Mé-
moire fuffit pour détruire cette opinion,
**M. Fleury le nomme Ricimer.

ERE D'ES

PAGNE.

692.

693.

retenir en Espagne. C'eft pourquoi, à la follicitation & à la
réquifition de Récéfuinthe, Saint Fructueux fut facré Evê-
que de l'Eglife de Dume (A).

·654. 655• Concile ÍX.

Le Roi Récéfuinthe toûjours animé du défir de voir finir les défordres qu'il y avoit dans les affaires Eccléfiaftiques, de Toléde. convoqua en cette année 655. un autre Concile, qui fut célébré à Toléde le 2. de Novembre dans l'Eglife de NotreDame, qui eft la Métropole. Il y affista Saint Eugêne Métropolitain de Toléde, lequel y préfida; Tajon Evêque de Saragoffe, Marc de Cazlona, Winibalde d'Elche, Wideric de Siguença, Maurice d'Oret, Davila d'Alcalà de Hénares, Félix de Valence, Valduigius d'Arcobriga, Mauréle d'Urgel, Eufique de Ségorbe, Athanafe de Xativa, Gibére de Bigaftre, Waldefroid de Mentéfe, Magnarius de Guadix, & Eftienne de Valérie.

Aucun des autres Métropolitains, ni aucun des Evêques des Métropoles de Séville, de Mérida, de Brague & de Narbonne n'y concourut; de forte qu'excepté les Suffragans de Tarragone, tous les Peres du Concile étoient de la Métropole de Toléde. Il s'y trouva auffi Marcel Evêque d'Urci, par Daniel fon Vicaire; fix Abbés, qui étoient Fugitif, Saint Ildefonfe, Eumerius, Morarius, Jean & Jean; Marcellin, Archiprêtre de Toléde, & Silicole Primicier; des Grands & Palatins, Paul Comte des Notaires, ou premier Sécretaire du Roi, Emeterius Comte des Cubiculaires ou Grand-Chambellan, Ella Comte & Duc ou Gouverneur d'une Province, & Recilla Comte du Patrimoine ou Sur-Intendant des Finances. L'on y fit les dix - sept Canons qui fuivent.

I. Perfonne ne s'emparera, ni ne détournera rien des biens que les Fondateurs auront donnés aux Eglifes. Si les Evêques le font, l'on s'en plaindra au Métropolitain, & fi celui-ci néglige de réprimer cette licence, on en informera le Roi. L'on aura foin auffi d'empêcher, que les héritiers des Fondateurs ne s'approprient ces biens en tout ou en partie.

II. Les Fondateurs prendront foin pendant toute leur vie des Eglifes qu'ils auront fondées, & préfenteront à l'Evêque, pour les deffervir, des Eccléfiaftiques capables; ( Kectores idoneos, dit ce Canon,) afin que les Collateurs des Béné

(4) A&tes du Concile X. de Toléde.

Ses Conf

titutions.

ANNE'E

J. C.

6550

III. Toutes les fois

fices Eccléfiaftiques fçachent quels Sujets ils doivent pré-
DE fenter, & les Evêques ceux qu'ils doivent recevoir.
que les Evêques donneront ou alié-
neront quelque chofe des Eglifes, l'on mettra dans l'Acte les
motifs pour lefquels ils auront fait cette donation ou cette
aliénation, afin que l'on puiffe voir, fi cette difpofition a été
faite avec équité ou avec fraude; autrement l'Acte fera de
nulle valeur.
les Evêques & par

d'au

IV. Les Acquifitions faites par
tres Eccléfiaftiques qui adminiftrent les biens des Eglises,
feront appliquées à celles dont ils auront régi les reve-
nus. Cependant, s'ils ont des biens propres, tout ce qu'ils
acquereront, à compter du jour de leur Ordination, fera
partagé entr'eux, & les Eglifes, des biens defquelles ils au-
ront eu la régie, proportionellement à leurs fonds, & à ceux
des mêmes Eglifes: la part qui leur en reviendra, passera à
leurs héritiers aufquels elle fera répartie, fuivant les droits
d'un chacun. Ils pourront toutefois difpofer à leur gré, de
tout ce qu'ils auront acquis par donation, par amitié, ou
par quelque autre tître femblable; mais s'ils le font, fans
que l'on puiffe juftifier aucun de ces tîtres, ces mêmes effets
appartiendront à l'Eglife.

V. L'Evêque qui voudra fonder un Monaftére, ne pourra
lui donner plus de la cinquantiéme partie du bien de fon
Eglife s'il veut dotter pour fa fépulture quelque Eglife, où
l'on n'observe point de Régle Monaftique, il ne lui en don-
nera que la centiéme partie; mais il ne lui fera permis de
faire qu'une de ces deux chofes.

VI. A légard de la troifiéme partie des biens des Eglifes, que les Evêques perçoivent, fuivant un ufage très-ancien, ils pourront en difpofer en faveur de telle Eglife qu'ils jugeront

à propos.

VII. Si quelque Eccléfiaftique vient à mourir, fes héritiers ne pourront fe mettre en poffeffion de fes biens, fans la participation & l'agrément de l'Evêque, ou du Métropolitain, fi le défunt étoit Evêque; fi c'étoit un Métropolitain, il faudra qu'ils s'adreffent, pour pouvoir recueillir fa fucceffion, ou à fon Succeffeur, ou au Concile.

VIII. Afin de fçavoir fi les Regiftres de ce qui appartient aux Evêques, font éxacts & juftes ou non, la poffeffion Triennale fe comptera, non pas du jour de leur date, mais

Ear D PAGS 693

du jour de la mort des Eccléfiaftiques Adminiftrateurs qui RE D'ES- les auront faits.

PAGNE.

693

IX. L'Evêque qui aura fait les funérailles de fon Confrere, ne pourra prendre, fi celui-ci étoit riche, plus de la valeur d'une livre d'or, en tels joïaux qu'il voudra, pourvû qu'ils n'appartiennent point à l'Eglife, & d'une demie livre, fi le défunt étoit pauvre. Il fera auffi de tous les biens de l'Evêque mort, un Înventaire qu'il remettra au Métropolitain.

X. Attendu que les peines prononcées contre les Eccléfiaftiques qui n'obfervoient point la chafteté qu'éxige leur Etat, n'étoient point capables d'arrêter les défordres, l'on ordonne que depuis l'Evêque jufqu'au Soû-Diacre, tout Eccléfiaftique qui péchera contre la continence, fera excommunié, & tous les enfans qu'ils auront eûs fous le prétexte du mariage ou dans le concubinage, feront Efclaves

des Eglifes que leurs peres fervoient.

XI. Les Evêques ne pourront appeller dans le Clergé les Serfs de l'Eglife, fans les affranchir. Si ceux-ci font de bonnes mœurs & d'une vie irréprochable, il fera permis de les avancer dans les Ordres, mais s'ils menent une vie fcandaleufe & s'ils font incorrigibles, on les enchaînera.

XII. On comptera le tems de l'affranchiffement des Efclaves de l'Eglife, du jour de la mort de l'Evêque qui l'aura fait.

XIII. Les Affranchis ne fe marieront point avec des perfonnes ingénues & libres de naiffance; autrement leurs Defcendans feront tenus de rendre aux Eglifes les mêmes devoirs que les Affranchis doivent à leurs Patrons.

XIV. Si les Affranchis des Eglifes époufent des perfonnes ingénues, ils ne pourront jamais s'exempter de fervir les Eglifes aufquelles ils font attachés: s'ils ofent le faire, on tâchera de les faire rentrer dans le devoir, & s'ils font opiniâtres, tout ce qu'ils tiennent des Eglifes & qu'ils auront amaffé fous leur protection, fera confifqué au profit des mêmes Eglifes.

X V. Les Affranchis des Eglifes & leurs Defcendans s'appliqueront avec foin à fervir les Eglifes, aufquelles ils feront redevables de la liberté, & l'on châtiera févérement ceux qui négligeront de le faire.

XVI. Défense aux Affranchis des Eglifes, & à leurs Def

ANNE'E J. C. 655.

656.

DE

Reine Rici

berge.

cendans de vendre, ni aliéner ce qu'ils tiennent des Eglifes,
fi ce n'eft aux Evêques, ou à ceux qui font attachés au fer- ER DE
v ice des mêmes Eglifes, qui leur ont accordé la liberté,
& fous la protection defquelles ils fe trouvent.

XVII. Les Juifs baptifés fe rendront les jours de Fêtes à
l'Eglife, pour affifter à l'Office Divin, de même que les
jours dans lefquels les Juifs célébrent auffi leurs Fêtes, afin
que l'on puiffe juger de la fincérité de leur converfion: celui
qui y manquera, recevra un châtiment proportionné à fon
âge (A).

Il paroît que la Reine Riciberge, n'étant encore qu'à la Mort de la fleur de fon âge, mourut dans les premiers mois de cette année, au grand regret de Récéfuinthe, fon mari. Saint Eugêne Métropolitain de Toléde fit fon Epitaphe, dans lequel il marque le grand amour que le Roi fon mari avoit pour elle (B).

Concile X.

de Toléde.

Récéfuinthe, après que la douleur de la perte de sa chere fa femme eut été un peu calmée, convoqua encore à Toléde un autre Concile, afin de régler d'autres affaires néceffaires pour le bon Gouvernement de l'Eglife d'Espagne. On en fit l'ouverture le premier jour de Décembre, & il y concourut Saint Eugêne Métropolitain de cette Ville, lequel y préfida; & de fes Suffragans, Marc Evêque de Cazlona, Widéric de Siguença, Maurice d'Oret, Davila d'Alcalà, Athanafe de Xativa, Valduigius d'Arcobriga, Eufique de Ségorbe, Magnarius de Guadix, Eftienne de Valérie, Eligan d'Osma par l'Abbé Argefroid fon Vicaire, Waldefroid de Mentése par fon Vicaire l'Abbé Martin, Gibére de Bigaftre par Eliga Prêtre, Winibalde d'Elche par fon Diacre Agricius, & Marcel d'Urci par Daniel fon Diacre.

De la Métropole de Séville, il n'y eut que Fugitif fon Mé-
tropolitain qui y affifta : tous les Suffragans manquerent. Po-
tame Métropolitain de Brague s'y trouva avec quatre de fes
Suffragans, qui étoient Saint Fructueux Evêque de Dume,
Hermenfroid de Lugo, Ilpidius d'Aftorga & Flavius de
Porto. Le Métropolitain de Mérida ne s'y rendit point, &
il n'y vint de fes Suffragans, qu'Egerede Evêque de Sala-
manque, Céfaire de Lisbonne & Zofime d'Evora.

De la Métropole de Tarragone, il n'y a eut que Quirice
(B) S. EUGENE dans fes Onvra-
ges.

(4) Actes de ce Concile dans LoAYSA,
le Cardinal d'AGUIRRE & d'autres.

Evêque

PAGNE 693.

694.